18 novembre 2006
The Prestige
L'Anglais Christopher Nolan est un des "jeunes" réalisateurs de tout premier ordre à avoir émergé ces dernières années. En trois films fort différents et épatants (Memento, Insomnia, et Batman Begins, sa grande intronisation à Hollywood avec laquelle il a réussi le tour de force d'arriver à imposer sa patte), Nolan a rejoint le club des réalisateurs bankable au talent de mise en scène aussi puissant que personnel, à l'instar de ses homologues américains David Fincher et Bryan Singer, de quelques années ses aînés.
The Prestige avait sur le papier tout pour susciter d'intenses spéculations. Après le cultissime Memento, on retrouve un scénario (adapté d'un roman, toutefois) co-écrit par Nolan himself et Jonathan Nolan, son frère ; sujet évidemment plus personnel que le blockbuster Batman Begins, mais avec les moyens de Batman Begins (même équipe technique : Wally Pfister directeur de la photographie, Nathan Crowley chef décorateur, et Lee Smith chef monteur) ; mêmes acteurs époustouflants (Christian Bale et Michael Caine), et de nouveaux venus chez Nolan mais qui n'en finissent plus de briller ailleurs (Hugh Jackman et Scarlett Johansson, vus ensemble la semaine dernière à l'affiche du dernier Woody Allen).
Techniquement, admettons-le de suite, The Prestige est étonnament un bon cran en-dessous de ces précédentes réalisations. Trop souvent, les images font factices (très "studio") et la photographie ne brille vraiment pas par sa beauté. Peut-être est-ce l'effet "film en costumes" (époque victorienne), mais on retrouve trop peu souvent la brillante fluidité et inventivité de la mise en scène de Nolan. Le réalisateur et son directeur de photographie disent avoir mis au point un style artisanal, privilégiant des mouvements d'appareils simples et réduisant l'optique au strict minimum : "On a essayé , autant que possible de filmer les scènes caméra à l'épaule pour capter la beauté de l'instant. C'était beaucoup plus efficace et spontané. C'est une démarche originale et libératrice qui donne au film un style naturaliste et qui se distingue nettement de l'approche actuelle du film en costume". Etonnament, je ne retrouve pas le résultat de ces intentions à l'écran. Non pas que le film soit laid, loin de là, mais il n'a clairement pas la classe à laquelle on pouvait s'attendre de la part de Nolan. Film "mineur" ou bâclé avant de tourner la suite de Batman ?
Par contre, au niveau du scénario qui raconte la terrible rivalité entre deux magiciens dans le Londres du début du XXe siècle, on retrouve parfaitement certaines thématiques chères à Nolan, à savoir la dualité, la quête de la personnalité, l'abnégation à une cause et ses sacrifices. La cruauté dont les deux magiciens vont faire preuve pour arriver à se surpasser l'un et l'autre n'a quasiment pas de limite et les frères Nolan exploitent très bien la misère qu'ils vont semer autour d'eux dans cette fuite en avant. Accessoirement, cette plongée dans le milieu si secret de la magie est assez originale pour susciter très souvent beaucoup de curiosité, ce qui permet évidemment aussi de prendre ce film comme un "simple" divertissement (sombre, certes).
8/10
18:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2)
13 novembre 2006
Shortbus
Shortbus suit plusieurs personnages new-yorkais dont les aventures tragi-comiques naviguent entre sexualité et sentiments. Sofia est une sexologue qui n'a jamais connu l'orgasme et simule le plaisir depuis des années avec son mari Rob. Elle croise Severin, une maîtresse dominatrice, prête à l'aider. Deux patients de Sofia, James et Jamie songent à ouvrir leur sexualité à un troisième partenaire, Ceth, mais Jamie ne parvient pas à se décider. Tous se croisent au Shortbus, lieu hors-normes où politique, art et sexe se mélangent.
Cette comédie de moeurs est une très grande surprise, car John Cameron Mitchell réussit l'improbable : en faire un portrait croisé de personnages en quête d'amour, avec un mélange improbable de tendresse, d'humour et de crudité sexuelle totale. Le film est interdit au moins de 16 ans, mais la France fera sans doute figure d'exception, car beaucoup de pays moins portés sur l'art risquent de classer Shortbus (à tort) dans le domaine du X. A tort car les scènes sexuelles (non simulées) ne sont ni érotiques, ni pornographiques.
C'est tout leur intérêt : elles sont banales, dans le sens où elles ne cherchent ni à provoquer, ni à faire fantasmer, mais plutôt à documenter et à renseigner sur la quête d'idéal ou les problèmes de chacun des protagonistes. Il serait trop facile de ne retenir du film que quelques scènes chocs (comme l'autofellation du début, mais qui permet d'évacuer plus facilement tout éventuelle gêne par la suite, en fixant d'emblée un certain niveau d'audace).
Dans Libération du 08/11/2006, à la question "Dans quel New York se déroule le film ?", Mitchell répond : "C'est un New York de conte de fées, ou c'est ce à quoi ressemblerait New York dans un film hollywoodien si le sida n'avait pas arrêté l'évolution des mentalités". Et en effet, la ville dans son ensemble est représentée par une très belle maquette, fort poétique, utilisée à l'écran pour introduire les différents lieux où se situe l'action. Avec en toile de fond la présence sourde du 11 septembre et de Ground Zero, à laquelle répond l'optimisme du film. Culotté.
8/10
14:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
10 novembre 2006
The Black Dahlia
Plus de 4 ans se sont écoulés entre la sortie de Femme Fatale et celle du Dahlia Noir... Autant dire une éternité pour les cinéphiles amateurs des oeuvres du génial De Palma, qui figure dans la poignée des maîtres dont on sait qu'un nouveau film est toujours la promesse d'un événement. L'attente était d'autant plus crispante que l'adaptation de ce roman de James Ellroy était un véritable défi, auquel même David Fincher avait renoncé après avoir travaillé dessus. De l'avis général (et de l'écrivain lui-même), jusqu'à présent seul L.A. Confidential (faisant partie du "quatuor" sur Los Angeles, avec Le Dahlia Noir, Le Grand Nulle part et White Jazz) avait correctement restitué l'atmosphère et l'univers d'Ellroy, à défaut de rester fidèle au livre (tâche impossible vu la complexité de ses romans).
N'ayant pas lu Le Dahlia Noir, je ne me prononcerai pas sur l'aspect adaptation, mais il n'échappera à aucun spectateur que l'intrigue est diablement confuse. Il faudra donc plusieurs visions pour savoir si cette complexité est voulue et ne distillera donc sa puissance qu'au fil du temps (ce que beaucoup de monde déteste, mais personnellement, j'aime bien, vu que je me satisfais rarement d'une seule vision pour les films "denses", qui gagnent souvent à être revus), ou bien si le scénario possède de réels problèmes narratifs.
Un des soucis prévisibles, sur le papier, était le casting, porté par les deux rôles masculins principaux : Josh Hartnett et Aaron Eckhart. Si ce dernier ne s'en tire pas trop mal, Josh Hartnett est un choix définitivement malheureux car bien trop transparent pour l'intensité de ce film noir. Les deux bonhommes tiennent mal la comparaison face à leurs homologues féminines, à savoir Scarlett Johansson et Hilary Swank, qui incarnent avec classe la dualité blonde/brune, véritable obession de De Palma, qui fait écho une fois de plus dans sa filmographie à Vertigo, de son maître indéfectible Hitchcock.
Classe, c'est le bien le mot qui de toute façon vient à l'esprit en voyant tout de même le résultat. Car cette classe balaye à mon avis sur son passage tous les "défauts" sus-nommés. De Palma reste un surdoué de la réalisation, et The Black Dahlia constitue peut-être la quintessence de son style et de ses mythes, à tel point que beaucoup trouveront peut-être que le film est une coquille vide ne s'intéressant pas assez à son intrigue.
Les images de Vilmos Zsigmond (Voyage au bout de l’enfer, Le Bûcher des vanités...) et les décors de Dante Ferretti (Le Nom de la rose, Les Aventures du Baron de Münchausen, et beaucoup de Fellini et de Scorsese) sont réellement splendides, et apportent un cachet visuel servant d'écrin au talent de De Palma. Il nous livre quelques grandes scènes comme il en a le secret, tels ces plans séquences acrobatiques faisant le va et vient dans la rixe d'ouverture, ou entre une fusillade et la découverte du cadavre d'Elizabeth Short. Il n'y a de toute façon pas un seul plan qui ne transpire pas la recherche picturale.
The Black Dahlia peut sembler décevant après une telle attente, mais il m'a procuré une irrésistible envie de le revoir pour mieux le maîtriser. Il n'en va pas de même de tous les films, c'est donc déjà beaucoup.
8/10
09:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1)
09 novembre 2006
Ne le dis à personne
Guillaume Canet est (à mon avis) un acteur de niveau plutôt faible (avis encore confirmé par son petit rôle occupé dans son film), mais il faut avouer que fort heureusement, il en va tout autrement à la réalisation. Son deuxième film est un thriller étonnamment réussi, car se démarquant nettement des productions plates françaises, et ne plagiant pas pour autant les codes hollywoodiens. C'est donc un objet difficilement identifiable, se situant entre les deux types de savoir-faire.
L'intrigue est dense, mais finalement fluide et compréhensible, malgré un dénouement très (trop ?) explicatif. Le scénario n'essaie pas de noyer le spectateur sous des tonnes de fausses pistes, mais en même temps il est rigoureusement impossible de deviner ce qui s'est vraiment passé. Le suspense est véritablement haletant, et la mise en scène à la fois vigoureuse et fluide de Canet ont pour résultat de nous scotcher au siège, sans voir le temps passer. Techniquement, le point d'orgue du film reste une course-poursuite à pied entre la police et le héros du film, nous menant de Paris intra-muros à la banlieue, en passant par le périph' ; je cherche encore quand j'ai pu voir une telle maestria dans le cinéma français.
La réussite du film tient également à un casting béton, qui offre le premier rôle de façon inattendue à François Cluzet, plus habitué à des seconds rôles (certes brillants). Son physique de Monsieur Tout-le-monde joue ici à plein, mais son interprétation est d'une puissance surprenante. Le reste ressemble à un véritable défilé : André Dussollier, Marie-Josée Croze, Kristin Scott Thomas, Nathalie Baye, François Berléand, Jean Rochefort, et même un petit rôle pour le réalisateur Olivier Marchal (36 Quai des Orfèvres) ! N'en jetez plus... Même si chacun d'entre eux est parfaitement utilisé, c'est un sentiment de frustration qui se dégage car on aimerait presque les voir tous plus longtemps à l'écran tellement ils sont bons. Et contrairement à l'effet positif de prendre Cluzet dans le rôle principal, ce casting poids lourd n'est finalement pas toujours une bonne idée pour servir au mieux le film, il aurait peut-être été plus crédible de prendre des visages moins connus pour des rôles secondaires tels que celui de Nathalie Baye, par exemple.
Ne le dis à personne partage finalement, au niveau de l'histoire, pas mal de points communs avec Le Fugitif, mais il en retient surtout les mêmes qualités, sans jamais le plagier. On sent tout de même que Canet a cherché à caser (en tant que cinéphile que l'on sent de manière évidente) des séquences appuyées de manière un peu lourde (ex. : le passage clipesque avec la musique de U2), mais ne chipotons pas, son deuxième film est une belle réussite, et augure d'un bel avenir pour lui (derrière la caméra, svp !).
7/10
09:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3)
05 novembre 2006
Le Labyrinthe de Pan
Espagne, 1944, fin de la guerre. Carmen, récemment remariée, s'installe avec sa fille Ofélia chez son nouvel époux, le très autoritaire Vidal, capitaine de l'armée franquiste. Alors que la jeune fille se fait difficilement à sa nouvelle vie, elle découvre près de la grande maison familiale un mystérieux labyrinthe. Pan, le gardien des lieux, une étrange créature magique et démoniaque, va lui révéler qu'elle n'est autre que la princesse disparue d'un royaume enchanté. Afin de découvrir la vérité, Ofélia devra accomplir trois dangereuses épreuves, que rien ne l'a préparé à affronter...
Il est délicat de parler du film sans en déflorer un tant soit peu l'intrigue, donc cette critique sera courte et incomplète. Del Toro s'est fait un nom grâce à son talent pour mettre en scène le fantastique ; or, c'est plutôt une bonne nouvelle que de voir que c'est plutôt dans les scènes se passant en 1944, dans le camp des franquistes, que le film est impressionnant, porté il est vrai par la prestation intense de Sergi Lopez, qui campe ici un des plus détestables salauds que j'aie pu voir.
Les qualités techniques de Del Toro ne sont plus à démontrer. Après Blade 2 et Hellboy, c'est plutôt avec le fond et la conduite de l'histoire qu'on pouvait l'attendre avec ce film totalement personnel. Or, de ce point de vue là, le film me laisse perplexe, car la dichotomie brutale entre les scènes fantastiques et scènes "réelles" est sans doute voulue, pour bien montrer qui sont les vrais monstres, mais personnellement, cela ne me convainc pas totalement.
Néanmoins, Le Labyrinthe de Pan est un film assez riche et original pour mériter un avis plus définitif après d'autres visionnages.
7/10
17:44 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)