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28 octobre 2006

Flags of Our Fathers



Après deux drames du calibre de Mystic River et Million Dollar Baby, succès publics et critiques que l'on sait, on pourrait dire que la cote du père Eastwood n'a jamais été aussi haute (en tant que réalisateur). Alors même à 76 ans, sans avoir plus rien à prouver depuis très longtemps, on se prend à attendre de l'artiste toujours plus. Et de toute façon, même si l'homme vieillit, Eastwood reste auréolé de sa propre légende ; on attendra toujours de lui bien plus qu'un cinéaste américain lambda genre Ron Howard...

A cette aune, et à cette aune là uniquement, Flags of Our Fathers est décevant, tout simplement parce que personnellement, je n'y retrouve pas la maîtrise absolue à laquelle Eastwood nous a habitués, et ce sur plusieurs postes.

Le plus décevant, pour moi, est d'un point de vue de la forme : la mise en scène ne permet pas, sur le champ de bataille de sentir quelque stratégie que ce soit ; on ne mesure pas l'avancement des soldats, on voit juste une boucherie (et encore, bien gentille comparée à celle de Saving Private Ryan). C'est néanmoins sans doute l'intention du réalisateur, puisque les nombreux flashes-back ont pour but de montrer les atrocités qui hantent les soldats. Ce choix de montage (rapidement prévisible et agaçant, pour moi), rend l'action encore plus confuse. Ces scènes se passant sur l'île sentent en outre trop souvent le numérique, et d'autres paraissent factices (les scènes de nuit, avec l'éclairage très années 80, font regretter amèrement que des caméras numériques ne prennent pas le relais, et que l'exemple de Michael Mann et de ses expérimentations en la matière ne fassent pas encore d'autres émules).

Le sujet principal du flm reste évidemment l'histoire des marines Gagnon et Hayes, et de l'infirmier Bradley, les trois survivants censés apparaître sur le fameux cliché, rapatriés dans leur pays pour contribuer à accélérer la vente de bons de souscription, grâce à leur statut de héros. Cette partie du film, sur laquelle je pensais Eastwood capable du meilleur, est pour moi la plus ennuyeuse, faute d'interprètes de grande envergure (seul Adam Beach, jouant l'Indien Ira Hayes, offre une performance moins lisse), de messages rabachés et maladroits. La seule véritable émotion du film, c'est le générique du fin qui la procure. Le reste ressemble finalement à du cinéma américain "machine à moissonner de l'oscar", avec un côté fabriqué et lisse très surprenant pour du Eastwood.

Reste que ce film ne pourra être réellement apprécié qu'après avoir vu la deuxième partie, à savoir Letters from Iwo Jima, à sortir début 2007, puisque ce film (tourné en langue japonaise) relatera la prise de l'île d'Iwo Jima du point de vue des Japonais. Cette démarche, parfaitement admirable de la part d'Eastwood, suscite (du moins pour ma part) de grands espoirs, paradoxalement renforcés après cette déception.

6/10

22:29 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2)

La Citadelle assiégée



La Citadelle assiégée est un docu-fiction animalier, conçu comme un véritable film catastrophe. Il met aux prises d’un côté les termites, et de l’autre, les fourmis magnans, insectes aux mandibules acérées, guerrières agressives, créatures qui semblent tout droit sorties d’un film d’épouvante.

La reine des termites semble quant à elle tout droit sortie d'un film de science-fiction, et c'est là qu'on voit que la réalité dépasse en fait la fiction : les insectes monstrueux de films comme Starship Troopers (du grand Paul Verhoeven) s'appuient justement totalement sur des observations entomologiques. Sauf que là, pour la première fois, on peut découvrir avec une précision insensée (et avec effroi !) ce qui se passe dans les tréfonds d'une termitière de plusieurs mètres de haut, jusqu'à la chambre royale, l'endroit le mieux protégé.

Ceci est possible grâce au boroscope, outil révolutionnaire dans l'image macroscopique. Jusqu'à présent, tous les objectifs macro avaient une profondeur de champs très réduite. Avec le boroscope, l'objectif est installé à quelques centimètres de l'animal. Il confère un angle de 120 degrés avec une mise au point très près du sujet, ce qui permet d'avoir une image nette de 5 cm à l'infini. Les insectes paraissent énormes et donnent l'impression d'évoluer dans un grand canyon alors qu'ils courent dans une crevasse de quelques centimètres de large. Autre point fort du boroscope : avoir sa première lentille très éloignée du plan focal. Sur un simple panoramique, l'image donne l'impression d'avoir été tournée à la grue. On est donc très loin des images un peu statiques ou sans relief des documentaires animaliers.

Les prises de vue à couper le souffle, ainsi que la scénarisation des rushes, permettent donc d'être captivé bien au-delà de ce que proposent habituellement les documentaires habituels. Néanmoins, ce film tombe presque dans l'excès inverse, c'est-à-dire que j'aurais aimé comprendre par moment la cause de tel ou tel événement/comportement ; la voix-off ne fait souvent que surligner ce qu'on voit à l'écran, sans explication détaillée. A voir par curiosité néanmoins !

7/10

21:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

21 octobre 2006

Children of Men



N'y allons pas par quatre chemins : le mexicain Alfonso Cuarón confirme tous les espoirs suscités avec ses films précédents (entre autres, Y tu mamá también, et Harry Potter and the Prisoner of Azkaban, seul épisode des Harry Potter à bénéficier d'une vraie identité cinématographique et d'une noirceur qui le rend plus destiné aux adultes qu'aux enfants), et livre avec son 6e film une oeuvre formellement parfaite. Il rejoint son compatriote Alejandro González Iñárritu dans le rang des réalisateurs à la virtuosité intouchable.

Children of Men (littéralement Les fils des hommes, et non pas Les fils de l'homme comme le laisse entendre le titre français, qui reproduit le même étrange couac de traduction qu'avec Star Wars), sous sa forme de thriller d'anticipation, est une oeuvre d'une richesse de réflexion essentielle et nécessaire. Il ne faut pas en passer à côté, malgré son titre peu amène et son affiche complètement ratée.

Le scénario est adapté (par Cuarón lui-même) du seul roman de P.D. James à ne pas être un polar ; l'action se situe en 2027, plus aucune femme n'est apte à procréer et la dernière naissance remonte à plus de 18 ans. Le désespoir a engendré à travers le monde un climat de violence, d’anarchisme et de nihilisme exacerbé. La Grande-Bretagne est le seul pays à avoir évité cette descente aux enfers, en se dotant d’un régime totalitaire. Devenue l’ultime espoir d’une humanité déboussolée, elle attire malgré elle des milliers de réfugiés. L'une d'entre eux va s'avérer être enceinte, miracle hélas pris entre intérêts divergents et qui va déclencher une course effrénée pour sa survie, seul espoir d'une issue pour l'humanité.

La véritable intelligence du scénario, c'est de proposer une action proche de nous : 2027, c'est demain. A l'écran cela se transpose par de subtiles modifications qui font qu'on y croit dès le départ. Ce n'est pas de la science-fiction, juste une vingtaine d'années d'anticipation, et c'est très faisable. Quasiment pas d'effets spéciaux, tout est dans des trouvailles de décor. En fait, se sachant condamnée, l'humanité est plus proche de la régression et de la déliquescence que de la modernité. Cuarón amplifie tous les maux qui grèvent déjà la Terre de nos jours : une pollution galopante (ici exacerbée par le fait que l'humanité n'a plus à se soucier de léguer un environnement vivable pour les générations futures) ; des camps de détention ressemblant furieusement à Guantanamo, mais en pire ; des actes terrotistes quotidiens (renvoyant à ceux de l'Irak), etc.

Cuarón ne s'attache pas au pourquoi ni au comment (extrême intelligence que de ne jamais s'intéresser au pourquoi de cette impossibilité de procréer), il exploite à 100% les conséquences de la situation et via une fuite en avant, croque une fable ultra-pessimiste de nos sociétés occidentales (mais non totalement dénuée d'humour, nous permettant ainsi à de très brefs instants de respirer), sur fond d'action menée de main de maître. Le film est un véritable étau dont plusieurs scènes-chocs ne sont vraiment pas à mettre devant tous les yeux. Seul un symbolisme un peu lourd peut gêner, sans doute, certains spectateurs. On est heureusement très loin de la lourdeur appuyée de V For Vendetta de ce point de vue là.

D'un point de vue technique, le film a été récompensé à Venise cette année et on comprend pourquoi. Cuarón nous livre un lot de plan-séquences d'une virtuosité étourdissante, avec très peu de gros plans, nous plaçant ainsi au coeur de l'action. La rigueur de la composition du cadre n'a d'égale celle de la photographie, assurée par son fidèle complice Emmanuel Lubezki, débauché à plusieurs reprises par deux autres frappa-dingues de l'image, Michael Mann (pour Ali), et Terrence Malick (pour The Thin Red Line et The New World), excusez du peu.

Même la bande-son est à chialer, entre des extraits parfaitement opportuns des Rolling Stones (Ruby Tuesday), de King Crimson (apothéose de moment contemplatif), de John Lennon, Deep Purple ou encore Radiohead.

Pour finir, je ne peux que vous conseiller de lire ce dossier consacré à Alfonso Cuarón, écrit en 2004 mais qui analyse superbement le style de ce génie esthétique, et qui prouve avec Children of Men qu'il a beaucoup de choses de fond à dire.

10/10

19:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4)

15 octobre 2006

Un Crime



Manuel Pradal avait réussi à réunir pour son film précédent (Ginostra, 2003) Harvey Keitel, Andie MacDowell et Harry Dean Stanton ! Peu de réalisateurs français peuvent se vanter d'avoir travaillé avec une telle brochette d'acteurs émérites (je suis d'ailleurs preneur de commentaires/avis sur Ginanostra que j'aimerais fortement pouvoir découvrir).

Pradal, pour son troisième long-métrage, a réussi non seulement à tourner à nouveau avec Harvey Keitel, mais aussi à le confronter cette fois à Emmanuelle Béart, avec pour décor naturel la ville de New York. Béart incarne Alice, une femme un peu paumée, amoureuse de son voisin de palier (Vincent, incarné par Norman Reedus), et persuadée qu'elle le rendrait heureux si elle pouvait retrouver le meurtrier de sa femme. Alors elle décide de fabriquer un coupable (le chauffeur de taxi joué par Harvey Keitel), pour que Vincent se venge, tourne la page et se tourne en même temps vers elle.

Le pitch est bon, et la première heure du film est extrêmement bien ficelée : les acteurs sont habités par leur rôle, le film dégage un parfum hallucinant de liberté, de perversité et d'ambiance très 70's, bref c'est assez fascinant et on est plongés dans une ambiance très poisseuse d'un vrai film noir à femme fatale. Le souci, c'est que le scénario, finalement, ne tient pas la distance, et s'avère décevant, tournant brutalement à vide faute de rebondissement crédible. On attendait mieux de la part de Tonino Benacquista, scénariste attitré de Jacques Audiart (oui, le fils de, celui qui a tout raflé aux Césars 2006 avec l'estimable De battre mon coeur s'est arrêté). Quant à Pradal, on peut se demander si une des ses obsessions n'était pas de travailler avec Béart pour la filmer à poil ; le nombre de scènes où elle se déshabille est légèrement supérieur à ce que l'histoire et le rythme réclament.

Un Crime se laisse néanmoins regarder avec plaisir grâce à l'immersion extrêmement réussie dans New York, que Pradal filme bien loin des traditionnelles cartes postales. Que ce soit les appartements, hôtels, quartiers, tout est tourné en décors naturels crasseux et glauques à souhait. Le bruit obsédant de la ville n'est absolument pas escamoté et compte pour beaucoup dans l'aspect réaliste de l'environnement décrit. Cerise sur le gâteau, Pradal est un vrai styliste et d'un point de vue technique, le film est très haut de gamme : les plans, le montage, la photographie (su-bli-me!) confèrent au film une beauté visuelle très forte, et m'a souvent fait penser à du David Fincher (et oui, rien que ça !). Pour une fois, l'affiche très stylisée annonçait la couleur...

Il ne manquait pas grand-chose pour que Un Crime soit un coup de maître, mais on ne peut que ressentir un petit sentiment de gâchis quand on pense que Pradal avait tout à sa disposition, sauf une histoire en béton.

7/10

18:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

10 octobre 2006

Le Pressentiment



Le premier long-métrage de Jean-Pierre Darroussin est facile à décrire : il est à l'image de son auteur / interprète. A savoir : fin, délicat, un peu décalé, taciturne, désabusé, et malgré tout attachant. Darroussin, c'est un peu un Jean-Pierre Bacri anémique, un gars qui se sent mal dans sa peau, mais qui l'intériorise.

Ici, Darroussin interprète justement un avocat qui décide de laisser tomber sa vie confortable et bourgeoise (ainsi que sa famille) pour s'installer seul dans un quartier populaire, réfléchir à sa vie et écrire un livre.

Le pitch, adapté d'un roman de chevet de l'acteur, est évidemment très intéressant avec tout ce qu'il suppose : confrontation avec l'incompréhension des proches, décalage du bourgeois immergé dans un monde populaire dont il ignore la misère et la détresse, etc.

Or, Darroussin démonte à peu près tous les clichés auxquels on pouvait s'attendre. Ces thèmes y sont, mais traités de manière fort subtile, sans scènes tape à l'oeil, sans gros bons sentiments.

Le Pressentiment n'est pas un film passionnant ; c'est assez lent, mais il n'en est pas moins touchant, juste et parfaitement maîtrisé dans ses dialogues et aussi, c'est assez étonnant, dans sa mise en scène.

Pour résumer, si vous aimez les nombreux seconds rôles avec lesquels Darroussin a illuminé de nombreux films, vous devriez aimer Le Pressentiment, qui a le mérite de réhausser le niveau des sorties françaises de l'année.

7/10

16:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)