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21 mai 2007

Zodiac



La filmographie de Fincher se résume à 6 longs-métrages depuis 1992 que n'importe quel cinéphile doit pouvoir citer de tête : Alien 3, Seven, The Game, Fight Club, Panic Room, et désormais Zodiac. Bien que Fincher n'ait pas participé à un seul des scénarii de ses réalisations, il a toujours su choisir avec soin ses projets, sauf pour Panic Room qui ressemble au final à une aimable commande. Pas un mauvais thriller en soi, mais qui ne tient certes pas la comparaison avec le reste.

Comme il s'est écoulé presque 5 ans depuis cette semi-déception en provenance d'un cinéaste américain des plus doués, l'attente était donc grande. Fincher pouvait jusqu'alors passer pour un Monsieur "je t'en mets plein la vue" ; Zodiac est désormais la preuve que Fincher a mûri et signe son premier film totalement maîtrisé, sous son aspect faussement sobre. Maîtrise absolue, c'est bien l'impression dégagée par ce film (ni tout à fait polar, et si peu thriller) de 2h30 (qu'on ne voit guère passer), dans lequel on ne trouvera aucune tentative d'épate, sans être toutefois dénué de coups d'éclats terrassants (la mise en scène stupéfiante des meurtres, filmés systématiquement du point de vue de la victime).

Fincher filme avant tout l'obsession de trois personnages décidés à trouver qui se cache derrière ce meurtrier qui se fait appeler le Zodiac. Cette obsession court sur plus de trois décennies (cette quête usant littéralement ses protagonistes), ère que Fincher nous fait traverser avec un sens ultra aigu du découpage, tel un documentaire. Grâce à cela, il imprime un rythme inversement passionnant à la banalité qui va recouvrir cette enquête, qui se dirigera vers un oubli quasi-mortifère.

On pourrait s'attarder longuement sur le casting futé et l'excellence des comédiens (sacré Mark Ruffalo, déjà flic dans Collateral de Michael Mann), l'extraordinaire travail de reconstitution des années 70 en particulier, ou sur la photo à tomber de Harris Sevides (qui avait déjà signé celle de The Game), voire sur l'excellence du sound design et du mixage surround de la bande-son.

Fincher signe un sans-faute à tous les niveaux, mais il est probable que sa volonté de sobriété et l'extrême frustration dégagée par ce cas tout à fait réel ne condamne le film qu'à un succès d'estime (peut-être avec une récompense à Cannes ?). En tout cas, ça fait du bien de voir qu'il est encore possible de produire de tels films hollywoodiens qui assurément, ne feront pas un carton au box-office. Une leçon de cinéma adulte, brillant, qui sacrifie le suspense au sens classique du terme, et qui pourtant s'exhibe comme un monument de mise en scène. Du Cinéma, avec un grand C.

9/10

22:39 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Cinéma

18 mai 2007

Spider-Man 3



Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse... Le proverbe s'applique bien aux trilogies de super-héros : Batman, X-Men, et à présent Spider-Man. L'épisode de trop ? Oui, mais pas pour les mêmes raisons que ses prédécesseurs, pour lesquels le capitaine (respectivement, les réalisateurs Tim Burton et Bryan Singer) s'était vu remplacé par un faiseur de nanars (respectivement, Joel Schumacher et Brett Ratner). Pour Spider-Man 3, Sam Raimi est resté aux commandes, donc le naufrage est évité, mais ce troisème opus est victime d'une tendance lourde : le trop est l'ennemi du bien. Résultat, le dernier (?) volet de Spider-Man est un gros objet boursouflé malgré d'indéniables qualités.

Long, beaucoup trop long : ce film de 2h20 propose des scènes hélas bien lâches entre elles, au parfum désagréable de passages obligés, à cause d'un scénario qui tente de caser trop d'arcs pour qu'ils soient explorés tous avec assez de profondeur. Spider-Man / Peter Parker a tout un tas de soucis sur le dos : Harry Osborn veut toujours le tuer, une météorite avec une matière vivante inquiétante tombe du ciel, le meurtrier de son oncle s'évade et devient un mutant qui veut tout détruire, Mary Jane se fait virer de sa première comédie musicale et redevient serveuse, et enfin on tente de lui prendre sa place de photographe reporter au journal !

La force des deux premiers volets de Spider-Man tenait dans l'illustration d'une thématique bien précise : découverte des super-pouvoirs, puis réflexion sur la responsabilité de leur usage, avec le lot de sacrifices qui vont avec. Dans Spider-Man 3, on sent bien que Sam Raimi est toujours très intéressé par l'exploration de la personnalité du héros. L'artifice d'une matière vivante venue de l'espace décuplant le côté sombre de Parker était un matériau de premier ordre. Hélas, cette piste n'est que survolée (et tant pis pour la promesse alléchante figurant sur l'affiche même), même si elle donne lieu à des scènes parmi les plus réjouissantes du film (celle de la danse dans le pub).

Pression des producteurs ? Spider-Man 3 perd l'originalité des épisodes précédents, qui limitaient l'action pour mieux la mettre en valeur quand elle arrivait pour des scènes anthologiques. Cette fois, de l'action estampillée blockbuster pur jus, il y en a pléthore, au point de la vider de tout caractère dramatique malgré le talent toujours époustouflant de mise en scène de Raimi. C'est ce qu'on appelle gâcher son talent... Les amateurs de cinéma pop-corn n'ont que faire des étâts d'âme de Peter Parker ? Pas de problème, les vannes à cascades et effets spéciaux sont ouvertes. Et visiblement, ça marche ! CQFD.

6/10

18:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Cinéma

02 mai 2007

We Feed The World



Après le sidérant Notre pain quotidien, voici un nouveau documentaire sur les dessous de la fabrication des aliments et d'une agriculture industrialisée.

We feed the world n'est pas aussi nécessaire que Notre pain quotidien, mais il en constitue un utile complément. Même si ici, il y a pas non plus de voix-off, le documentaire n'est pas cette fois dépourvu de tout commentaire, et les plans sont beaucoup moins étudiés. Malgré cela, on n'assiste pas à documentaire banal.

Par contre, We feed the world n'atteint pas la puissance de Notre pain quotidien, tout simplement parce que ce dernier n'est pas résumable (sa puissance visuelle étant indicible), tandis que ce documentaire-ci peut se résumer à diverses aberrations révoltantes qu'il dévoile.

- Chaque jour à Vienne, la quantité de pain inutilisée, et vouée à la destruction, pourrait nourrir la seconde plus grande ville d'Autriche, Graz ;

- Environ 350 000 hectares de terres agricoles, essentiellement en Amérique latine, sont employés à la culture du soja destiné à la nourriture du cheptel des pays européens alors que près d'un quart de la population de ces pays souffre de malnutrition chronique, et que par le même temps des quantités absurdes de maïs et de blé sont cultivées en Europe pour être brûlées ;

- Chaque Européen consomme annuellement 10 kilogrammes de légumes verts, irrigués artificiellement dans le Sud de l'Espagne, et dont la culture provoque des pénuries d'eau locales...

Arrêtons-là la liste ; le plus révoltant est peut-être finalement le cynisme absolu du PDG de Nestlé (plus grand groupe industriel alimentaire du monde), un Autrichien qui nous fait calmement la "démonstration" que l'accès à l'eau ne peut pas être considéré comme un droit, et que l'eau doit nécessairement avoir une valeur marchande. Glaçant.

7/10

23:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

01 mai 2007

Très bien, merci



Emmanuelle Cuau n'avait plus rien filmé pour le cinéma depuis 1995. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle a réussi un retour fort original. A partir d'un pitch kafkaïen, elle tresse un canevas à la fois social et politique, qui ne laisse jamais deviner sur quelle route il va nous emmener.

Tout part d'une scène terrifiante où Alex (Gilbert Melki, grand, très grand), un comptable sans histoire, assiste à un arbitraire contrôle d'identité de la part d'une patrouille de police. La police lui demande de partir, or Alex estime avoir le droit de rester sur le trottoir. Le ton de la police monte, Alex reste poli et vouvoie, tandis que les flics finissent par le tutoyer et l'injurier. Finalement, c'est Alex qui se retrouve au poste, et la grande machine à absurdité se met en marche : Alex voulant porter plainte à la fin de sa garde à vue, il est conduit à l'hôpital, qui l'interne en hôpital psychiatrique, ce qui va lui faire perdre son boulot.

Cette mésaventure est d'autant plus effrayante qu'elle est totalement crédible puisque tout ce qu'on voit à l'écran est l'oeuvre de machines judiciaires et administratives dans leur bon droit. La performance de Gilbert Melki est de donner vie à ce personnage ambivalent d'Alex, qui va finalement se laisser couler dans ce cours implacable des événements, tant il est impossible de lutter.

Les situations sont tour à tour (ou simultanément) drôles et angoissantes, selon l'humeur du spectateur. La grande qualité d'écriture, de mise en scène et d'interprétation tient à cet équilibre ténu, surprenant et déstabilisant.

Très bien, merci est un film très surprenant dans le paysage du cinéma français. Il souffre peut-être juste d'un manque de rythme. En dehors de ça, il bouleverse les conventions bien établies, ce qui peut décontenancer pas mal de spectateurs (moi le premier !). A voir au moins pour le jeu de Gilbert Melki, et pour la critique à peine voilée du tout-répressif policier de Sarkozy.

8/10

20:01 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

30 avril 2007

Anna M.



Réalisateur et scénariste, Michel Spinosa (dont je n'ai vu aucun des films précédents) s'est attaqué à la pathologie amoureuse qu'est l'érotomanie. Pour donner vie à cette jeune femme très perturbée qu'est Anna M., il fallait donc une actrice solide et bluffante, de la trempe d'une Isabelle Huppert. C'est une autre Isabelle (Carré) qui s'y est attelé, et sa composition physique et psychologique est impressionnante.

Trop, peut-être, au point que Spinosa a terriblement déséquilibré son film en se concentrant tellement sur Anna M., qu'il en a oublié de donner un peu d'épaisseur au personnage du médecin aimé (et harcelé), incarné par le grand Gilbert Melki. Dommage, car l'émotion est un peu absente ; par contre, le frisson est bien là.

Comme l'a très bien écrit Libération au sujet de ce film : "le comique d'une situation peut se briser en quelques secondes et laisser apparaître l'imminence d'un danger mortel ou la tragédie d'un isolement programmé". A tel point que certaines scènes peuvent réellement crisper ou heurter certaines âmes sensibles. Sans atteindre le niveau glaçant d'un Michael Haneke, Spinosa a donc réussi un film plutôt rare dans le paysage français.

Il est regrettable qu'il n'ait pas su terminer son film au moment opportun, celui-ci étant trop long d'un bon quart d'heure. La scène de la gare était une fin parfaite, dommage qu'il ait fallu continuer sur un dernier volet proprement inutile.

7/10

11:56 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma