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11 octobre 2007

Before the Devil Knows You're Dead



Le titre original Before The Devil Knows You're Dead est tiré du toast irlandais : "May you be in heaven half an hour... before the devil knows you're dead". Cela a tout de même une autre résonance que le pitoyable titre français 7h58 ce samedi-là ; mais passons.

Le vétéran Sydney Lumet revient, à 83 ans, pour mettre une bonne baffe aux plus jeunes loups. C'est que le sémillant réalisateur américain a mis toute la science de sa mise en scène fluide et élégante au service d'un premier scénario (de Kelly Masterson, un nom à surveiller !) sous forme d'un thriller dramatique choral et déstructuré. Mais ici, pas de méli-mélo temporel pour l'épate ; la non-linéarité du récit est particulièrement habile à distiller des tournants dramatiques qui nous enfoncent de plus en plus dans les tréfonds du cynisme.

Deux frères (Philip Seymour Hoffman et Ethan Hawke) décident en effet de braquer la bijouterie de leurs parents. Le braquage doit être propre (pas d'arme) et sans conséquence (l'assurance remboursera), sauf que rien ne va se passer comme prévu, et les frères feront à chaque fois le pire des choix qui s'offrent à eux. Before the Devil Knows You're Dead possède la puissance et la grandeur d'une tragédie grecque, revisitée sur le mode d'une noirceur sans aucun compromis.

Philip Seymour Hoffman offre une composition d'un répugnant total, tandis que Hawke, qui a pris un bon coup de vieux, incarne parfaitement le pauvre type dont le stress et la culpabilité le consument. Entièrement filmé à New York (Lumet a toujours su rester loin d'Hollywood), cette oeuvre, dont on espère qu'elle ne sera pas la dernière, est peut-être un petit peu trop longue pour être parfaite, mais qui se targue de sortir de tels films à un âge supérieur à notre espérance de vie ? Chapeau bas, Mister Sydney Lumet.

8/10

21:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

03 octobre 2007

99F



Pouvait-on espérer un miracle de Jan Kounen ? La bande-annonce de 99F laissait espérer un film caustique, impertinent, original, avec une véritable critique en creux de la société de consommation vue du côté de ceux qui nous la vendent.

N'y allons pas par quatre chemins, 99F est un ratage, mais pas forcément un navet, ou un "gros tas d'excréments" (Libération). C'est un film dont l'ambition de constamment être "branché" et décalé se confronte aux limites de son réalisateur, qui ironiquement, vient du monde de la pub (et ça se voit !).

Le souci est que 99F est mal (ou bien ?) vendu par sa bande-annonce, qui sous-entend que ça va "casser" toutes les minutes et qu'on va bien rire. Or, les meilleures casses sont bel et bien dans la bande-annonce, et 99F n'est pas vraiment drôle. C'est plutôt la descente aux enfers d'un rédacteur publicitaire (Jean Dujardin), totalement cocaïné, qui a une vision pessimiste, voire nihiliste, du monde qui l'entoure. Mais 99F est tellement factice qu'on a bien du mal à prendre au sérieux les déboires du personnage principal, et à ressentir la moindre empathie pour lui avec les malheurs qui lui arrivent.

Malgré tout, heureusement que Jean Dujardin porte le film sur ses épaules. L'acteur tente tant bien que mal de surnager dans un paquet de scènes censées retranscrire ses délires quand il est drogué. Jan Kounen ne fait pas souvent mouche, mais il essaie vraiment par tous les moyens de se démarquer de tout ce qui est fait habituellement en France ; alors reconnaissons lui qu'il offre quand même un grand moment, celui de la parodie de pub Kinder.

On pourra donc retenir au mieux quelques saynètes parmi toutes celles juxtaposées, qui ne constituent hélas pas un film. Au mieux, cest donc un produit de plus qui disparaîtra sans doute assez vite des écrans.

6/10

10:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma

30 septembre 2007

La Question Humaine



Cinéphiles attention, voilà un film réellement "artistique" comme il en sort à peine une dizaine par an dans le monde et peut-être deux maximum en France. Dire que La Question humaine est un miracle est un euphémisme ; je me demande encore comment des producteurs et des réalisateurs ont encore la volonté d'enfanter de tels longs-métrages quand quasiment tout le monde en France a renoncé et se contente de sortir des produits sans aucune autre intention de divertir, ce qui échoue de surcroît la plupart du temps.

La Question humaine n'est absolument pas destiné au spectateur occasionnel en recherche d'un moment pour décompresser. Ce film contentera plutôt ceux qui croient encore au 7e art, à ceux qui pensent que le cinéma, sans être intellectuel ou pédant, peut encore traiter de grands sujets : le pouvoir, le travail, la mémoire, la Mort, la maladie - sous une forme sophistiquée, sans vouloir à tout prix passer messages, ni prétendre être un pensum philosophique. La Question humaine hante longuement l'esprit après sa projection. Ce film a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs lors du festival de Cannes 2007, ce qui confirme que les films les plus intéressants de Cannes se trouvent, depuis plusieurs années, dans les sélections parallèles.

L'histoire et l'argument du film empruntent à un récit de François Emmanuel (édité chez Stock en 2000), repris quasi-intégralement par la voix-off du personnage principal : Simon (Mathieu Amalric), cadre d'une multinationale allemande, psychologue aux ressources humaines, se voit confier une enquête sur la santé mentale de son patron (Michael Lonsdale). Avec une ambiance glaciale digne d'un thriller, le jeune cadre va en perdre son équilibre et sa raison. Nicolas Klotz, le réalisateur, n'en est pas à son coup d'essai. Par contre, il vient de signer un coup de maître.

Si le récit captive autant et finit par nous plonger dans l'abîme du personnage, c'est qu'il commence sur un mode réaliste avant de doucement basculer dans un registre de l'étrange qui contamine tout. Les amateurs de Lynch, par exemple, devraient donc être servis, même si le film de Nicolas Klotz ne s'en inspire jamais (tour de force !). Contrairement à la presse qui en dit trop sur ce film, afin de ne rien déflorer de ses virages et risques, je n'ajouterai rien de plus si ce n'est que c'est une oeuvre très dense, captivante et exigeante, d'une audace très rare, et d'une mise en scène à ma connaissance inédite dans le cinéma français.

9/10

17:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Cinéma

21 septembre 2007

The Bourne Ultimatum



Le réalisateur anglais Paul Greengrass, longtemps journaliste, a pour particularité d'avoir un style très nerveux, quasi-documentaire, filmant essentiellement caméra à l'épaule. La consécration critique et publique est arrivée en 2002 avec Bloody Sunday (Ours d'Or à Berlin), qui retrace très minutieusement les événements tragiques du 30 janvier 1972 à Derry, Irlande du Nord. A partir de là, la carrière de Greengrass décolle, puisque son style intéresse Hollywood qui lui confie la suite de The Bourne Identity : The Bourne Supremacy. Très gros succès, ce deuxième volet est en effet emblématique de la réussite (trop rare) du mariage des moyens d'Hollywood et de la rencontre de réalisateurs doués, qui savent dynamiter les codes d'un genre (ici, le thriller dans le mode de l'espionnage).

Après un tel film, et un autre long-métrage à couper le souffle (l'anxiogène United 93), les producteurs de la saga Bourne ont dû se dire qu'il n'y avait probablement que Greengrass qui pouvait aller encore plus loin pour mettre en scène le dernier volet de la saga : The Bourne Ultimatum.

Greengrass ringardise pour de bon les gros blockbusters genre Mission: Impossible 3. Primo, parce que le film ne laisse pas souffler une minute, avec une mise en scène stupéfiante : un miracle de nervosité et de lisibilité. Secundo, parce que Matt Damon est l'anti-Tom Cruise : son physique passe-partout et sa sobriété sont inifiniment plus convaincantes. Tertio, parce que le film est bien plus crédible sur le plan des événements, et ne s'embarrasse d'aucun maniérisme, ni de clichés (il n'y a pas de "gadgets", pas de superbe nana espionne double jeu, etc.).

Rarement un film n'aura été aussi purement "action", c'est une véritable course ininterrompue de 2h, qui laisse le spectateur un peu groggy. La scène d'anthologie particulièrement hallucinante est la bagarre à Tanger qui oppose Bourne à un agent local de la CIA. Ce combat à mains nues transcrit l'instinct de survie avec une âpreté que je n'avais jamais ressentie. Assurément, c'est une séquence qui va faire date dans les écoles.

Dans le genre, The Bourne Ultimatum est donc sans doute inégalé. Par exemple, Tony Scott, pourtant artisan de thrillers musclés, reste sur le carreau car son montage saccadé brouille le message. C'est exactement avec un film comme The Bourne Ultimatum qu'on peut mesurer la différence de virtuosité entre de très bons "faiseurs" et des artistes. Le revers de la médaille, c'est que le film ne dégage pas grand-chose d'autre que de l'adrénaline, et aussi brillant ce divertissement soit-il, il ne marque guère quelques heures après. D'autant plus que ce dernier volet dévoile enfin ce après quoi Jason Bourne court. C'est toujours pareil : on meurt de savoir, mais une fois qu'on a tué ce ressort dramatique, l'intérêt s'effondre.

Espérons donc que les producteurs n'auront pas la mauvaise idée d'enclencher un quatrième épisode (pas prévu de toute façon), car la fin est parfaite ainsi. Et quel film, tout de même.

9/10

11:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma

11 septembre 2007

4 mois, 3 semaines, 2 jours



Après plusieurs Palmes d'Or décevantes (palme-arnaque pour Fahrenheit 9/11 de Michael Moore en 2004, palme "par défaut" en 2005 pour L'Enfant des frères Dardenne, palme "hommage" et consensuelle pour Le Vent se lève de Ken Loach), Stephen Frears et son jury ont enfin relevé le niveau en attribuant en 2007 la récompense suprême au réalisateur roumain Cristian Mungiu, qui signe son deuxième long-métrage avec 4 Luni, 3 Saptamini Si 2 Zile.

Le film nous montre presque en temps réel la journée d'une jeune femme (l'actrice Anamaria Marinca, fabuleuse, qui joue dans le prochain Coppola) qui aide une amie à avorter dans la Roumanie de l'époque Ceausescu (1987). L'intelligence du film consiste à ne pas s'apesantir sur le contexte historique, qui reste toujours en arrière-plan, mais qui installe le film dans une ambiance de terreur. Avec un talent virtuose, Mungiu nous fait directement ressentir ce qu'il en coûtait de devoir vivre dans une dictature où le moindre fait et geste pouvait être épié.

L'avortement, qui était alors un crime à cette époque en Roumanie, représentait donc un risque énorme pour les femmes (dont 500 000 environ en sont mortes sous le régime Ceausescu). Mais Mungiu dépasse largement cette problématique (qui est plus un ressort dramatique, qui distille une tension de thriller), en s'attaquant au fond à la société roumaine où bon nombre d'individus balançaient entre lâcheté et exploitation odieuse de la situation.

Mungiu utilise principalement le plan-séquence, sous deux formes : le plan fixe et la caméra à l'épaule. Il en ressort bien entendu une grande impression de réalisme, voire de naturalisme. Les plans fixes sont ceux qui distillent le plus d'effroi (cf. la scène pivot du film de la négociation dans la chambre d'hôtel, où personne ne moufte dans la salle). Bouleversant, percutant, angoissant, le deuxième film de Cristian Mungiu est une réussite sur la forme et sur le fond, un uppercut qui fait mal longtemps après la fin de la projection. Rarement une Palme d'Or aura été aussi évidente et judicieuse. Il convient désormais d'attendre au tournant Cristian Mungiu pour son prochain film.

9/10