01 novembre 2008
Tonnerre sous les Tropiques
Cinq comédiens aux egos surdimensionnés sont engagés pour faire le "plus grand film de guerre de tous les temps". Sur le tournage tout dérape : les caprices des stars et l'incapacité du réalisateur font grimper les frais à une allure vertigineuse, au point que le studio décide de tout arrêter... C'est alors que survient l'idée géniale d'entraîner la petite troupe au cœur du Triangle d'Or (aux confins du Laos, de la Birmanie et de la Thaïlande) pour suivre une préparation au combat, afin de les aguerrir et de tourner en conditions de conflit réel...
Ben Stiller s'est totalement impliqué (réalisateur, scénariste, producteur) dans cette mise en abyme (le film dans le film) qui délivre une féroce satire du système hollywoodien, doublé d'une parodie des gros films d'action écervelé. La première demi-heure est anthologique et laisse présager une des comédies les plus grinçantes jamais osées sur l'industrie cinématographique hollywoodienne.
Hélas, le film reprend peu à peu pied dans le politiquement correct, malgré quelques méchancetés bien senties mais trop parsemées. Le rythme mené tambour battant permet de ne pas s'ennuyer, mais Ben Stiller n'a peut-être pas voulu trop se fâcher avec un système qui finalement le fait vivre.
En fin de compte, c'est d'eux-mêmes que les acteurs Jack Black / Robert Downey Jr. / Ben Stiller se moquent le plus, avec une auto-dérision rare. Dans ce jeu d'acteur qui fait tout le sel du film, la cerise sur le gâteau est apportée par Tom Cruise, grimé en producteur cynique et vulgaire.
6/10
10:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, ben stiller, jack black, robert downey jr.
27 octobre 2008
Mesrine : L'Instinct de mort
Difficile d'émettre un avis sur la partie tant qu'on n'a pas vu le tout. Il faudrait probablement attendre de voir le second volet du dyptique, Mesrine : L'Ennemi public n°1, pour juger de la réussite de l'entreprise. Néanmoins, après 30 ans de tentatives de porter la vie de Mesrine à l'écran, on peut sans doute d'ores et déjà dire que le résultat risque de ne pas être totalement à la hauteur des attentes.
Si le talent de mise en scène de Jean-François Richet n'est plus à démontrer, la tension et le rythme insufflés à ce premier volet s'accommodent assez mal de l'esthétique franchouillarde de la reconstitution du Paris des années 60 et 70. Le film ne décolle d'ailleurs qu'à partir du moment où Mesrine s'envole pour le Québec. On assiste alors à un véritable film de gangster, tout en action nerveuse et fluide, sans aucun relent hollywoodien, et c'est toute sa singularité.
Heureusement, Richet ne cherche donc pas à faire du film un véritable biopic, car de ce point de vue, le scénario est plombé. Même avec deux films totalisant 4 heures, il est difficile de cerner une personnalité aussi complexe que celle de Mesrine. Cela explique sans doute les nombreuses maladresses ou points obscurs. Par exemple, on ne comprend guère la relation entre Mesrine et l'OAS ; et la scène de torture en Algérie n'apporte rien si ce n'est une tentative douteuse de donner des pistes sur les origines du racisme de Mesrine ou de sa rage à son retour en France.
Cassel insuffle l'ambivalence qui convient au personnage : une dimension clownesque qui attire la sympathie, tempérée par son absence apparente d'humanité qui lui permet de commettre les violences les plus écœurantes. Cependant, quelque chose sonne faux dans l'interprétation de Cassel, peut-être est-ce un côté un peu trop théâtral, peut-être force-t-il un peu trop le côté bigger than life de Mesrine, quitte à faire du sous-De Niro.
En tout cas, les dyptiques (ou trilogie etc.) sont un ressort étonnamment sous-exploité par les producteurs, car une fois qu'on a vu le premier épisode, même si on n'est pas totalement emballé (comme c'est mon cas ici), on sait qu'on ira voir la suite ne serait-ce que pour connaître la suite des évènements. Mais elle est, dans le cas de Mesrine, connue : ça ne finit pas bien.
6/10
14:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, jean-francois richet, vincent cassel, cécile de france, gilles lellouche, gérard depardieu
22 octobre 2008
Appaloosa
Acteur exigeant, Ed Harris a su manœuvrer habilement entre films de "grands" (Cronenberg, Eastwood, Weir, Stone, Pollack, Cameron, Romero...) et quelques gros blockbusters "alimentaires" (Rock, Benjamin Gates). Souvent cantonné aux seconds rôles, l'acteur a surpris en passant derrière la caméra (exercice en général peu convaincant pour les acteurs) en s'attaquant à un biopic du peintre Jackson Pollock. Salué par la critique et bien reçu par le public, Ed Harris revient avec sa deuxième réalisation, avec un choix tout à fait étonnant de sa part : un western, ce bon vieux genre désuet dont on a vu quelques rares tentatives de retour ces dernières années (pour le meilleur : Open Range de Kevin Costner en 2004 ou encore The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford en 2007 ; pour le moins bon, 3:10 to Yuma cette année).
Si Ed Harris a donc osé s'attaquer à ce genre battu et rebattu, c'est vraisemblablement qu'il avait quelque chose d'intéressant à dire... ou plutôt à montrer, car Ed Harris a compris que ce qui fait la force des grands westerns, ce sont les visages, les silences, pour peu qu'on sache les filmer. Or Ed Harris possède ce genre de regard inimitable, insondable et d'acier, qu'Eastwood porta si bien dans les westerns de Leone. On assiste au même régal ici, avec un Viggo Mortensen qui apporte lui aussi une puissance tranquille, crépusculaire. L'amitié virile qui transparait entre les deux personnages apporte une profondeur et une sincérité au film, qui se retrouve ainsi dans la digne lignée des grands westerns des 50's. Le regard, encore, est bien le nœud de toute la tension de ce film, avec également celui de Jeremy Irons (dans la peau du "méchant"), froid et cruel comme celui d'un loup.
Sur une histoire archi-simple, Ed Harris (co-auteur du scénario de surcroît) a su faire de ce western le récit d'un affrontement où les émotions, les non-dits, et les valeurs sont les sujets de la (brillante) mise en scène. Un véritable régal, du plaisir de cinéma à l'état pur. Chapeau bas, M. Harris.
8/10
13:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, ed harris, viggo mortensen, renée zellweger
18 octobre 2008
Blindness
Si le Mexique peut se targuer d'avoir Alejandro González Iñárritu, le Brésil possède lui aussi un réalisateur surdoué, à savoir Fernando Meirelles. Les deux cinéastes ont décuplé les espoirs placés en eux suite à leur premier film coup de poing, Amores Perros pour Iñárritu, et Cidade de Deus pour le second. Cidade de Deus figure d'ailleurs en 18e position du top 250 d'IMDb, ce qui est assez ahurissant pour un film tourné en portugais.
Dans les deux cas, Iñárritu et Meirelles n'écrivent pas leurs scénarios ; ce ne sont pas des auteurs. Et dans les deux cas, ils devraient peut-être attacher plus d'importance au scénario qu'ils mettent en scène, car aucun n'a réédité l'exploit de leurs premiers films respectifs, tournés dans leurs pays et dans leurs langues d'origine. Par la suite, c'est en anglais et avec le financement de majors qu'ils ont réalisé leurs longs-métrages, et la pente semble assez dangereuse pour Meirelles.
Après un deuxième long adapté du roman de Le Carré (The Constant Gardener), Meirelles s'est attaqué à une autre adaptation de roman : L'Aveuglement, de l'écrivain et journaliste portugais José de Sousa Saramago, qui devint en 1998 le premier écrivain portugais à être récompensé du Prix Nobel de littérature. A l'époque, Meirelles voulait faire de cette adaptation son premier long, mais Saramago avait refusé d'en vendre les droits. Dommage qu'il ait changé d'avis par la suite...
Le pitch, séduisant en diable, propose de s'attacher à ce que devient l'humanité, frappée soudainement de cécité contagieuse, pour une raison inconnue. Blindness, hélas, gâche ce beau potentiel en s'évertuant pendant deux heures à rabâcher avec force détails clichés (racket, viols, etc.) la maxime "l'homme est un loup pour l'homme". Le spectacle laisse d'autant plus indifférent que les personnages (même principaux) ne sont jamais vraiment définis ; le scénariste a voulu imiter le livre, où on ne sait rien de la psychologie des personnages. Ce qui fonctionne à l'écrit ne fonctionne pas dans le film.
L'autre écueil, de taille, et cette fois réellement imputable à Meirelles, était : comment rendre lisible, en images, la perte de vue ? Comment entrainer le public dans un monde où l'image n'existe plus alors que le cinéma n'est fait que de cela ? Il n'y avait peut-être pas de réponse satisfaisante ; encore une fois, ce qui fonctionne à l'écrit ne fonctionne pas dans le film. Meirelles dit avoir réfléchi sur la manière de déstructurer le plus possible l'image. Il l'a éclaircie au maximum, blanchie et rendue la plus brillante possible, tout en jouant sur les couleurs qui ont été dénaturées. Il a multiplié les angles de caméra et joué sur les surfaces réfléchissantes, dans le but que le spectateur perde progressivement confiance en ce qu'il voit. Le résultat ressemble presque à un nanar, du moins fortement à une série B, mais sans aucune envergure. Les brillants acteurs que sont Mark Ruffalo, Gael Garcia Bernal et Julianne Moore font ce qu'ils peuvent, mais l'ennui est profond et la déception très grande venant d'une réalisation de Fernando Meirelles. Ca sent le sapin pour le Portugais, mais espérons que son 4e film permettra d'oublier ce gros faux-pas.
5/10
19:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, fernando meirelles, julianne moore, mark ruffalo
14 octobre 2008
The Dark Knight
Après un Batman Begins assez ahurissant, dont on on pouvait penser que ce n'était "que" le début d'une montée en puissance encore plus spectaculaire, Christopher Nolan n'est pas parvenu avec ce deuxième volet à transformer tous les espoirs suscités. Et cela est d'autant plus décevant que Nolan en a écrit le scénario (avec son frère), et qu'en tant que co-producteur, il semble avoir eu les coudées franches pour aboutir à une vision assez personnelle du film.
Il en résulte, pour le bon côté des choses, une noirceur très surprenante pour un film hollywoodien de super-héros ; même si cette veine a déjà été exploitée avec succès (en particulier avec les Spider-Man de Sam Raimi), ici on dépasse tout ce qui a déjà été fait, avec une confrontation du Bien et du Mal qui débouche sur l'opposition du fascisme (le nettoyage obsessionnel de Gotham) comme réponse (inefficace) au nihilisme (la gratuité absolue des actes du Joker).
Cette noirceur est bâtie à partir du catalyseur qu'est ce méchant ultime, le Joker, porté au panthéon des vilains par la performance de Heath Ledger. Une telle réussite est à double tranchant : les scènes où il apparait sont portées par une énergie et une tension monstrueuses, mais il anéantit l'intérêt des scènes où il est absent. L'autre vilain, Double-Face, reste fade en comparaison, et la multiplicité des personnages secondaires, mal définis, accentue ce problème. Autre souci de taille : Batman, censé être le contrepoids du Joker, est le grand "absent" du film.
Si on peut relever plusieurs éléments néfastes à son charisme (le manque de toute expression derrière un masque qui ne laisse presque plus de peau découverte ; la voix de Christian Bale, inutilement trafiquée, qui supprime toute nuance), la relative économie de ses apparitions, censée sans doute renforcer leur impact, semble traduire un embarras de la part de Nolan. A force de mettre l'accent sur le "réalisme" (longues explications sur les armes de Batman, choix de tourner à Chicago pour figurer Gotham), Nolan parvient trop bien à convaincre que Batman n'est qu'un type ordinaire utilisant des armes sophistiquées pour lutter contre des vilains qui n'ont rien d'exceptionnel (hormis leur mental), dans une ville standard nord-américaine. Cette surexploitation du "réalisme" est dangereuse car elle vide Batman de toute sa dimension mythique ; l'apparition de clones de Batman en costumes approximatifs au sein même du film est d'ailleurs un terrible témoignage de cette banalisation d'un super-héros qui n'a plus grand-chose de super.
Il commence à être au final agaçant de voir les films de super-héros opérer de véritables "kidnappings" de réalisateurs brillants (ex. : Sam Raimi et Bryan Singer), qui passent du coup plusieurs années de leur carrière sur des projets dont l'ampleur finit tout de même par les desservir. The Dark Knight s'englue dans des longueurs et dans un scénario qui tente de caser beaucoup trop de personnages et de sous-intrigues à la fois. Le fabuleux style de Nolan se retrouve écrasé dans l'entreprise. Espérons qu'il saura revenir au plus vite vers des films éminemment plus personnels, son plus abouti restant toujours à ce jour Memento.
7/10
15:54 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, christopher nolan, christian bale, heath ledger, aaron eckhart