Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17 février 2008

Things We Lost In The Fire



Le précédent long-métrage de la Danoise Susanne Bier, After The Wedding, m'avait laissé relativement pantois devant une telle réussite artistique.

Contrairement à que je souhaitais alors, je n'ai pas pu découvrir depuis le reste de la filmographie de Susanne Bier, mais la réalisatrice a sorti son nouveau film, Things We Lost In The Fire (sorti en France sous le nom approximatif de Nos Souvenirs brulés), tourné pour la première fois aux USA, avec des acteurs américains : Benicio Del Toro, Halle Berry, Alison Lohman, David Duchovny...

En quelques minutes, la personnalité intense de la réalisatrice se retrouve intacte à l'écran, et je peux alors me borner à reproduire à l'identique ce que j'écrivais à propos de la réalisation d'After The Wedding : Susanne Bier filme beaucoup caméra à l'épaule, passant littéralement au scalpel des performances d'acteurs viscérales. Ses cadrages sont virtuoses et nous transportent au coeur de l'émotion et de l'atmosphère des scènes. Mieux, elle sait capter mille détails qui mettent le récit en état d'apesanteur pour quelques secondes, comme sait si bien le faire l'immense Michael Mann. Ajoutons que le directeur de la photographie est Tom Stern, le chef op' des cinq derniers films de Clint Eastwood... et nous avons une réussite formelle déjà incontestable. Mais ce n'est pas tout.

Things We Lost In The Fire est stylistiquement un drame, par moment un mélodrame, mais jamais (à mon avis) sans franchir la ligne jaune, c'est-à-dire sans tomber du côté de la guimauve. Le scénario évite de surcroît les clichés qui s'offrent à lui, et le centre de gravité du film se déplace peu à peu au cours des deux heures. Les acteurs sont admirablement bien dirigés (même l'habituellement transparente Halle Berry est bouleversante). Benicio Del Toro a comme d'habitude étudié de très près son personnage, ici de junkie, en allant jusqu'à participer à des réunions des Narcotics Anonymous. Le résultat est intense, douloureux, pétrifiant, mais ni ennuyeux, ni boursouflé ; en un mot : digne. Néanmoins, inutile d'aller voir de tels films si vous n'avez pas le moral, on en ressort groggy.

Vivement le prochain film de Susanne Bier, et espérons qu'elle va finir par se faire un nom, en tout cas son passage de l'autre côté de l'Atlantique est un succès, ceci grâce au producteur Sam Mendes (réalisateur d'American Beauty, Jarhead...), qui l'a choisie spécifiquement pour ce projet et qui lui a laissé une liberté totale. Susanne Bier a d'autres projets de films aux USA ; si la qualité reste à ce niveau, nul doute que le grand public devrait enfin avoir une autre image du cinéma danois que celle de Lars Von Trier !

8/10

27 janvier 2008

No Country For Old Men



Chaque film d'Ethan et Joel Coen relance d'interminables discussions sur le thème de quel est leur "meilleur" film, la réponse différant pour tout le monde puisque leur univers très personnel et inimitable touche des cordes à la sensibilité variable suivant les préferences cinématographiques de chacun.

Peut-être vexés par l'accueil réservé à leur précédent film, Ladykillers (comédie, qui, il est vrai, faisait pâle figure face à O Brother, Where Art Thou? et Intolerable Cruelty, et qui reste à ce jour le film le plus mineur de leur carrière), les Coen sont revenus au genre d'histoire qui a fait leur réputation : le thriller-polar-comédie dramatique.

Néanmoins, pour la première fois de leur carrière, il ne s'agit pas d'un scénario original, mais d'une adaptation du roman éponyme de l'écrivain américain Cormac McCarthy. Ce n'est donc peut-être pas un hasard si No Country... ressemble avant tout à un très brillant exercice de style, où tous les éléments sont étudiés avec un soin maniaque : mise en scène, direction d'acteurs, montage (et pas musique - au sens score - puisque celle-ci est totalement absente, mais ceci est après tout aussi un exercice de style en soi !). Il manque du coup à mon avis une certaine âme au film, qui provient peut-être du fait qu'il est difficile de ressentir la moindre empathie pour les personnages. De cette maestria incontestable, l'émotion fait sans doute un peu défaut pour que No Country... soit un véritablement un des chefs-d'oeuvres absolus du duo.

No Country... comporte un double paradoxe : c'est à la fois le film le plus contemplatif des Coen (alors que le suspense est constant - ceci instaure un faux rythme peu usuel), et également le plus violent. Ce n'est néanmoins pas une violence réaliste, mais très "tarantinesque". Ce n'est d'ailleurs pas le seul élément emprunté à l'univers de Tarantino. Les discussions entre les deux rangers texans (à propos, c'est le nième rôle du genre pour Tommy Lee Jones, ça devient un peu sans surprise) font fortement écho à celles de Kill Bill (1 & 2).

Le film me marquera sans doute pour longtemps en ce qui concerne le personnage du tueur Anton Chigurh incarné par Javier Bardem (qui fait décidément une carrière sans aucune faute). Chacune de ses apparitions est terrifiante, non pas à cause de sa façon de tuer (qui est de surcroît horriblement comique), mais à cause de son absence totale d'humanité (désincarné, il est littéralement personne, ou plutôt le mal absolu), et son absence de tout sens moral qui le conduit à tuer de manière absconse.

Les frangins rassurent donc leur public, et survolent sans difficulté la grande majorité des sorties américaines, même indie ; ils restent des auteurs stars, garant d'un savoir-faire iconoclaste.

8/10

20 janvier 2008

Live ! (avant-première)



Live ! est le premier long métrage de fiction de Bill Guttentag, réalisateur récompensé à de nombreuses reprises pour ses documentaires Death On The Job (1991), Blues Highway (1994) et Twin Towers (2003).

Live ! est produit par Eva Mendes, la redoutable Américano-cubaine qui tenait la vedette aux côtés de Joaquin Phoenix dans le chef d'oeuvre de James Gray, We Own The Night. Elle occupe cette fois le rôle principal, nous permettant ainsi de savoir si la belle, qui a déjà tourné avec Robert Rodriguez et les frères Farrelly, est susceptible d'accéder à la division supérieure, comme le laisse supposer justement sa prestation dans We Own The Night.

On peut dire que Eva Mendes a en tout cas pris de sacrés risques en s'investissant autant dans Live ! Elle y incarne en effet une très ambitieuse responsable de programmes TV, qui décide de lancer une nouvelle émission de télé-réalité qui fera date dans l'histoire télévisuelle. Les candidats de cette émission au concept révolutionnaire s'affronteraient en direct à la roulette russe pour gagner 5 millions de dollars...

En allant à l'avant-première du film (en présence de Eva Mendes et de Bill Guttentag), avec un pitch et une affiche pareils, on pouvait s'attendre à un nanar, ou à une surprise. C'est heureusement dans ce deuxième cas de figure que ce film nous place, grâce au procédé parfaitement idoine ici du faux documentaire. La forme est donc totalement celles des (vrais) documentaires de Bill Guttentag, sauf que tout est est scénarisé. Néanmoins, les méthodes sont les mêmes : caméra à l'épaule, son parfois approximatif, pas de musique, séquences filmées en caméra cachée avec basse qualité d'image, etc.

Pour apprécier pleinement ce film, mieux vaut ne pas trop en savoir à l'avance. C'est donc volontairement que je ne détaillerai pas avec quel talent et quels ressorts ce faux documentaire arrive à nous faire croire à ce que le bon sens nous enjoint de refuser de penser que cela puisse arriver. Le scénario (de Bill Guttentag lui-même) est tellement malin qu'il est même fort possible que le film soit un bide aux USA, l'écart entre le premier et le deuxième degré étant constamment très étroit (comme, en son temps, Starship Troopers de Paul Verhoeven, d'ailleurs massacré aux USA).

Derrière son souci de réalité, Live ! est bel et bien une attaque salutaire et virulentes rouges sur la télé-réalité, dont l'audience va de pair avec la cruauté et l'humiliation de ses mises en scène. Les sondages cités dans le film sont hélas tout à fait réels : une majorité d'Américains serait prête à payer pour regarder des exécutions capitales en direct. Partant de ce constat, la guerre de l'audimat et la perspective d'une audience record dans l'histoire de la télé peuvent donc faire sauter les dernières barrières morales.

Bill Guttentag, avec son scénario pointu, parvient ainsi à mettre en exergue la complexité du jugement moral, de la concurrence et des valeurs contemporaines véhiculées par le phénomène de la télé-réalité. Il offre par ailleurs une excellente exploitation cinématographique du jeu de la roulette russe, utilisée également de manière remarquable comme ressort dramatique par Michel Cimino dans The Deer Hunter (Voyage au bout de l'enfer) et par Gela Babluani dans 13 Tzameti.

Eva Mendes démontre pour de bon qu'il va falloir compter avec son talent et pas qu'avec son physique, qui convient de toute façon parfaitement à son personnage détestable ; ce dernier n'est pas sans rappeler celui qu'incarne Gina Gherson dans The Insider (Revelations) de Michael Mann. De ce qui peut peut paraître comme de l'humour noir au départ, le film, grâce notamment à la prestation d'Eva Mendes, passe petit à petit dans l'horreur, avec une conclusion sans appel. 2008 commence fort, avec ce film inattendu, réflexion pour adulte en forme d'uppercut qu'on n'avait pas vu venir.

8/10

08 janvier 2008

Filatures



Une branche secrète de la police de Hong Kong mène des filatures sophistiquées. Le Capitaine Huang engage Piggy, une débutante au visage ingénu, donc insoupçonnable. Ensemble, ils vont tenter de remonter jusqu'au cerveau d'un casse. Mais le cerveau devine le danger et disparait. Piggy est assignée à une nouvelle affaire. Alors qu'elle est en pleine filature, sa route croise celle du cerveau...

Un service de la police de Hong Kong fait réellement, et exclusivement, des filatures. Ils n'ont pas le droit de procéder à une arrestation. C'est l'idée de suivre cette unité qui a donné envie à Yau Nai Hoi, le scénariste attitré de Johnnie To, de passer pour la première fois derrière la caméra, après tant d'années de service aux côtés du maître du polar à Hong Kong.

Le titre original, Eye In The Sky, donne une meilleure idée de l'oppression paranoïaque que parvient à installer Hoi dans cet espace urbain si photogénique qu'est Hong Kong. Le budget étant limité, de nombreuses scènes de rues ont été tournées en secret, sans autorisation, depuis des toits d'immeubles, à l'insu des passants, ce qui renforce férocement le réalisme de ce jeu de surveillance très habile et très tendu entre mafieux et policiers.

La réalisation est virtuose, le montage aussi, tout dédié à ne jamais relâcher le suspense qui court tout au long des 90 minutes que dure le film. Hélas, le scénario reste un peu simpliste, et malgré un attachement plus développé que la moyenne à ses personnages, il manque un peu de profondeur et d'émotion pour que Filatures soit autre chose qu'un polar divertissant, mais un peu vide.

7/10

10:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Yau Nai Hoi

03 janvier 2008

I Am Legend



Ce deuxième film de Francis Lawrence (je n'ai pas vu son premier, Constantine, sorti en 2005) est directement adapté du livre culte de l'écrivain américain Richard Matheson, le roman d'anticipation I Am Legend, paru en 1954. Oeuvre-phare de la littérature SF, cette histoire avait déjà été transposée sur grand écran à deux reprises : dans The Last Man on Earth porté par Vincent Price en 1964, puis dans Le Survivant de Boris Sagal en 1971, emmené par Charlton Heston.

L'histoire est simple : Robert Neville (Will Smith), militaire scientifique, n'a pu endiguer le terrible virus issu d'un traitement miraculeux du cancer. La race humaine a été dévastée, une minorité a survécu mais est retournée à l'état animal, avec les symptômes de la rage. Pour une raison inconnue, Neville est immunisé et reste le dernier être humain sain dans ce qui reste de New York et peut-être du monde. Depuis trois ans, il envoie des messages de détresse sur ondes courtes, espérant trouver d'autres humains non infectés. Traqué par les victimes de l'épidémie, il cherche un moyen d'inverser les effets du virus à l'aide de son propre sang.

Le roman se passait à L.A., mais c'est New York City qui a été choisie pour le film, ce qui renforce bien entendu dramatiquement l'impact des scènes de ville-fantôme, absolument saisissantes. Celles de Londres désert dans 28 Days Later de Danny Boyle (même thématique) étaient déjà fascinantes, mais dans I Am Legend, comme la ville est désertée depuis plusieurs années, la nature y a repris ses droits et apporte une dimension poétique aux canyons urbains dépeints à l'écran.

La qualité de ce blockbuster de fêtes de fin d'année est précisément de ne pas ressembler tant que ça à un blockbuster. La première heure rend compte de la solitude écrasante de Robert Neville et de ses efforts pour ne pas devenir fou, tel un Robinson urbain. Les scènes d'action, féroces et violentes, n'en trouvent que plus d'impact, même s'il est très regrettable que les humains infectés aient été intégralement réalisés en effets spéciaux. Ils sont laids, très laids, et peu crédibles en fin de compte, car nous ne sommes pas ici dans un film de zombies...

Heureusement, Will Smith, lui, est vraiment à la hauteur, dans un de ses rôles sérieux ; pas de frime ou d'humour forcé comme dans Bad Boys ou I, Robot. Convaincant dans ce rôle solitaire, taciturne et presque déprimant, l'acteur porte les films sur ses épaules, et pour cause, il est seul... sauf dans les scènes de flash-back, glaçantes, qui narrent l'infection et la mise en quarantaine de Manhattan.

La faiblesse du film tient à son manque de réelle surprise, à l'invraisemblance des infectés, et à son dénouement (qui apparemment s'éloigne de la richesse du roman dont il est issu). Mais c'est un blockbuster à l'identité surprenante, même si inaboutie.

7/10