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11 octobre 2008

Vicky Cristina Barcelona



Au rythme effrayant d'un film par an, on est souvent tenté de comparer le nouveau long-métrage de Woody Allen avec celui de l'année précédente, voire des années passées quand on s'en souvient encore. Or, quel est le dernier film de Woody Allen à avoir quelque peu marqué les esprits ? Match Point (2005), bien sûr. Et ce n'est pas cette nouvelle comédie douce-amère qui va bouleverser la donne.

Entre comédie de boulevard, marivaudage et roman-photo, le père Woody livre encore une variation de l'éternel triangle amoureux, inépuisable trame à laquelle il insuffle néanmoins toute sa verve et son dosage si particulier de comédie/tragédie. C'est qu'à 72 ans, le cinéaste possède une telle expérience de l'écriture et de la mise en scène qu'il peut se permettre d'aller à l'essentiel en ne faisant qu'esquisser ses personnages (totalement archétypaux), en exploitant sans vergogne tous les clichés touristiques attendus de Barcelone et de l'Espagne (le romantisme de carte postale), et en maniant l'épure dans le montage (remarquable sens du rythme). Tout ceci n'est qu'un véhicule pour le point fort du film, ses dialogues et leur pessimisme sous-jacent (l'amour est impossible).

Si le casting convoqué est des plus brillants, reste qu'aucune des stars n'offre de prestation particulièrement mémorable, devant faire avec les stéréotypes inhérents à leurs rôles. Seule Penelope Cruz apporte un peu de piment à l'affaire, Woody semblant la sortir de sa manche au bon moment, tel un joker. Dès lors, Rebecca Hall et Scarlett Johansson paraissent soudainement bien fades. A noter qu'avec ce film, Woody Allen clôt son cycle européen entamé avec Match Point, puisque son prochain film, Whatever Works, le voit revenir dans son Manhattan domestique.

7/10

05 octobre 2008

Entre les murs



Après Elephant, Fahrenheit 9/11, ou encore 4 mois, 3 semaines, 2 jours, voici encore une Palme d'or récompensant un film "choc", empruntant à la forme documentaire, et à la portée politique indéniable. Il devient donc agaçant que les jurés, année après année, semblent vouloir décerner la Palme dans le principal but (supposé) d'attirer l'attention des medias et du grand public sur un sujet - voire une cause - pas toujours des plus "divertissants". Heureusement, une Palme d'or ne sert pas qu'à récompenser les films esthétiquement et techniquement des plus parfaits, mais il semblerait que nous assistions désormais à l'excès inverse ; un film reposant sur sa seule faculté d'interpeller fermement nos consciences a dorénavant toutes les chances de décrocher la suprême récompense, en occultant tout ce qui fait d'un film une oeuvre d'art à part entière.

Alors, a-t-on de quoi être fier, en tant que Français, que Laurent Cantet ait enfin succédé à Maurice Pialat, Palme d'or de consensus en 1987 ? Le film vaut pour ce qu'il est : un constat très efficace, voire choquant, donc, sur l'exercice de l'enseignement public dans les collèges défavorisés. Entre les murs est à la hauteur de cette entreprise, en particulier grâce aux dialogues brillants et percutants. Cependant, si ce film est donc un constat, je suis tenté alors de rajouter : un de plus, et c'est tout. Même si Entre les murs a de quoi laisser profondément songeur après sa scène finale - édifiante et de loin le moment fort du film, ce n'est probablement pas un film de la trempe des grands classiques qui ont émaillé l'histoire des Palmes d'or. Cette distinction sera donc peut-être un peu lourde à porter par ce film, dont la forme de "huis clos" (le titre ne ment guère, globalement) et la sécheresse formelle (pour ne pas dire pauvreté de la mise en scène) laissent définitivement songeur quant au fait qu'il n'y avait rien de plus cinématographiquement remarquable dans le reste de la sélection cannoise de 2008... De ce point de vue, au moins Elephant et 4 mois, 3 semaines, 2 jours savaient se distinguer.

6/10

28 septembre 2008

Be Happy



"Voici Poppy, qui aurait pu tout aussi bien s'appeler Youplaboum. Elle est maîtresse d'école à Londres, reine de la positive attitude, genre qui croque la vie à pleines dents, rigole tout le temps, s'amuse d'un rien, dit bonjour au chien de son voisin quand elle sort de chez elle, dit au revoir à son petit vélo quand elle s'aperçoit qu'on le lui a volé".

Comme rarement une critique a aussi bien exprimé avec des mots l'ambiance d'un film, je vous invite à en lire tout simplement la suite sur le site Internet de Chronic'Art. Il n'y a pas un mot à en changer, c'est très drôle et finement analysé...

6/10

08 août 2008

WALL·E



Il y a vraisemblablement assez peu d'intérêt à écrire une note dithyrambique qui viendrait s'ajouter à la pluie de louanges qui s'est abattue sur cette nouvelle production Pixar de la part des critiques. Presque unanimement désigné comme le "meilleur" film des studios à ce jour, il convient peut-être de préciser ce qu'on entend par "meilleur". Sur le plan technique, c'est incontestable, même si l'avancée technologique se fait plus réduite désormais entre chaque film de Pixar (par contre le fossé semble à jamais impossible à combler pour les concurrents ou confrères). Le réalisme des paysages citadins apocalyptiques du film en est peut-être la plus belle démonstration. Sur le plan du scénario, en dehors des questions de goût, on peut tranquillement affirmer que WALL·E est le divertissement le plus adulte et le plus subversif de toute la lignée Pixar.

Ce n'était pas forcément gagné puisque WALL·E est le deuxième long-métrage d'Andrew Stanton, dont le premier long, Le Monde de Nemo, se classait juste derrière Cars niveau candeur et prépondérance du premier degré. Heureusement pour les cinéphiles (et dommage pour les enfants), WALL·E est le Pixar qui comporte le plus de niveaux de lecture à destination des adultes, à tel point qu'il ne présente guère d'intérêt pour les jeunes enfants. Ceux-ci passeront en effet totalement à côté l'intérêt majeur du film, qui est sa prise de position violente, presque gauchiste, contre le consumérisme et ses effets pervers sur notre environnement et sur le sort de l'humanité. Dépeindre le Terre en poubelle géante et les humains comme des grosses larves dodues dont le squelette s'est atrophié est quand même assez ahurissant pour un film d'un marché d'une telle envergure. Il faut prendre du recul quelques secondes afin de réaliser que le plus gros concurrent de Pixar, Dreamworks, en est, lui, encore à Kung-Fu Panda...

La suprématie de WALL·E est bien là : faire passer des messages dérangeants, sans ambigüité, mais au sein d'un divertissement très haut de gamme, riche en action et en humour. Ce bon goût est à tous les étages, avec des choix parfois osés (par exemple, WALL·E propose dans l'histoire de Pixar la toute première présence d'images de véritables humains incorporées à l'animation), des clins d'œil et des hommages savoureux et visibles sans être appuyés ou artificiels.

D'un point de vue de la mise en scène, la première partie du film est la plus bluffante, où l'absence totale de dialogue renvoie bien entendu à la prouesse de 2001 de Kubrick. Mais quel choix artistique audacieux pour un divertissement ! Dépeindre le quotidien d'un robot solitaire, tel un Robinson Crusoé, dans une décharge qu'est devenue la Terre, est une amorce qui n'aurait vraisemblablement convaincu aucune grosse machine hollywoodienne. Louons la liberté totale de Pixar, car cette première partie du film est aussi sans surprise la meilleure. A partir du moment où WALL·E quitte la Terre, le film revient sur des modes de narration plus usités.

9/10

14:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Cinéma, Andrew Stanton

01 août 2008

Surveillance



Il n'y avait plus de nouvelles de Jennifer Lynch (oui, la fille de...) depuis 1993 et son premier long-métrage Boxing Helena très controversé en raison de sa perversité. Ayant tenu à élever sa fille seule suite à un divorce, Jennifer Lynch a mis pendant tout ce temps sa carrière de réalisatrice entre parenthèses. Cela ne l'a pas empêché de produire quelques films, et surtout de réfléchir à plusieurs projets de longs-métrages en préparant des scénarios (son troisième film est déjà en tournage cet été donc sa carrière semble bien repartir).

On aurait pu croire qu'une si longue absence derrière la caméra aurait pu empêcher tout progrès depuis son premier film. Il n'en est rien car le point fort de Surveillance est justement le brio de sa réalisation. Sur ce point, la fille de David Lynch partage, il faut l'avouer, certains points communs avec son père, et il n'y a là rien de honteux quand le talent est au rendez-vous. On notera en particulier la façon de mettre le spectateur en état d'hyper-réceptivité sensorielle, par l'acuité du cadrage, du montage, des fondus, des filtres et de l'utilisation redoutable de la bande-son (pas la musique ; les bruits d'ambiance). Si on ajoute le recours à des acteurs issus en partie du Lynchland (Bill Pullman dans Lost Highway, Julia Ormond dans Inland Empire), l'attachement à décrire les bizarreries des péquenots des Etats-Unis, le goût pour le tragi-comique... on aboutit à un cocktail qui nous plonge dans une ambiance lynchienne, si tant est que ce caractère soit héréditaire !

Mais la comparaison s'arrête là tout net car Surveillance, même s'il commence comme du Twin Peaks, dérive peu à peu vers la farce macabre des films les plus extrêmes des frères Coen, tout en restant grosso modo dans le style d'une série B, certes peu usuelle par ce qu'elle donne à voir de la nature humaine. C'est probablement dans les effets série B du scénario que se situent d'ailleurs les défauts et la limite de Surveillance, sur lesquels je ne peux pas m'étendre sous peine de spoiler. Son père, David Lynch, qui a produit le film, lui avait d'ailleurs supplié de changer la fin du film, ce qu'elle a refusé de faire, vraisemblablement à tort... Reste tout de même un film avec bien plus de qualités que de défauts et un retour d'une qualité tout de même assez inespérée pour une réalisatrice "fille de" qui peut sans aucun doute s'émanciper, comme semble le suggérer son prochain film, tourné à Bollywood (!).

7/10