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13 mai 2009

Star Trek

Le passage derrière la caméra pour le créateur/scénariste J.J.Abrams s'était révélé être finalement assez tiède avec Mission: Impossible III. Dans ma critique, j'écrivais que c'était une "machine monstrueuse sans un seul temps mort, un thriller étourdissant mais qui est passé à côté d'un aspect crucial du cinéma : l'émotion". Pour son deuxième long-métrage, Abrams rectifie grandement le tir. Cela a probablement été plus aisé sans un producteur envahissant comme Tom Cruise. Dans Star Trek, Abrams est lui-même... un des producteurs, les autres étant des compagnons d'Abrams ayant officié sur Lost. Pas tout à fait les mêmes conditions !

 

Difficile de ne pas reconnaître que Star Trek est un blockbuster diablement divertissant, qui réussit le délicat grand écart entre spectacle obligatoire pour attirer le grand public, et proposition artistique avec suffisamment de consistance pour séduire des spectateurs plus exigeants. Je ne connaissais rien de Star Trek (je n'ai jamais vu un seul épisode ni un seul film), en dehors des codes principaux passés dans la culture populaire (la navette Enterprise de la NASA a été baptisée d'après le nom du célèbre vaisseau de la série grâce au lobbying des fans, c'est dire). Bien sûr, cet univers a toujours souffert d'un manque de moyen qui le fait passer pour kitsch. C'était donc une idée intéressante que d'allouer la grosse artillerie pour revisiter cet univers.

 

La première bonne surprise, c'est que justement, comme par miracle, le film ne fait pas kitsch. Pourtant, les justaucorps bleu et rouge sont de sortie, et la coupe au bol de Spock aussi. Affaire d'équilibre, car les extra-terrestres en latex sont bien là, mais crédibles et disséminés naturellement parmi les humains. Leur apparition en ressort renforcée et naturelle. Les effets spéciaux sont parfois splendides, parfois un peu trop numériques/photoshopés, mais ça ne dégouline pas, c'est efficace. Abrams est un magicien néoclassique. Je me suis pris à penser à multiples reprises pendant le film qu'il avait réussi là où George Lucas a tant échoué avec ses Star Wars I à III : faire un space opera démesuré mais lisible, humain, où les personnages ont une existence propre, un but et des sentiments. Et surtout, l'humour tempère en permanence tout risque d'arrogance. Le cocktail est redoutable, on ne s'ennuie pas un instant.

 

Le film a également l'avantage d'être parfaitement compréhensible par les novices, puisque temporellement l'action est située avant tout ce qui a été produit précédemment. On découvre donc l'enfance des deux personnages principaux, James T. Kirk et Spock, comment ils en sont venus à devenir les capitaines de l'USS Enterprise, comment ils ont dû se montrer à la hauteur de leurs pères. Sans jamais asséner de dialogues lourdingues, les conflits intérieurs qui les animent font toute la différence avec un blockbuster bas du plafond. Le personnage de Spock est de loin le plus intéressant, lui qui est torturé par un conflit mental entre d'une part la raison et la logique de son sang paternel vulcain, et d'autre part les émotions et intuitions héritées de sa mère terrienne. Il tente à tout prix d'être un Vulcain parfait, n'agissant que par logique et en ayant la maîtrise de ses émotions. Mais son côté humain, qui l'effraie et le fascine à la fois, ressurgit constamment, donnant lieu à des scènes parfois dures, parfois très drôles.

 

Je n'aurais pas cru écrire cela au sujet de Star Trek, mais franchement, ça donne envie de voir la suite.

 

8/10

08 mai 2009

Chéri

Grand inconditionnel de Stephen Frears, il m'était difficile de rater ce nouveau long-métrage, scellant les retrouvailles du réalisateur anglais avec Michelle Pfeiffer, vingt après Les Liaisons dangereuses (avec le même scénariste, Christopher Hampton). Comme pour Les Liaisons, Chéri est l'adaptation d'un roman français, de Colette cette fois. Il est évidemment tentant d'aller chercher des échos entre les deux films. S'il ne faut pas pousser l'exercice trop loin, on ne pourra s'empêcher de faire remarquer que Pfeiffer incarne dans les deux cas une courtisane ; à ses grandes heures dans Les Liaisons, elle est en fin de carrière dans Chéri. Ce n'est pas le même personnage évidemment (ni la même époque), mais l'écho est trivial. Le sujet de Chéri s'absorbe sur la cruauté du temps qui passe, inexorablement.

Si le sujet semble plus banal, Frears parvient à rester captivant par la subtilité de sa mise en scène. C'est clairement un des plus grands directeurs d'acteurs en activité, qui sait dépeindre avec une vivacité toujours surprenante le jeu social, l'apparence et les sentiments. Le casting est tiré à quatre épingles et c'est jubilatoire de retrouver Michelle Pfeiffer qui avait déserté depuis longtemps le cinéma. Petit film dans la carrière de Frears, peut-être, mais encore une sacrée belle leçon de cinéma.

8/10

07 mai 2009

OSS 117 : Rio ne répond plus

L'effet de la surprise en moins, ce deuxième volet assène sans sourciller toutes les qualités déjà bien énumérées dans le billet sur OSS 117, Le Caire nid d'espions, avec un seul bémol : il y a cette fois quelques temps morts.

Le film fonctionne plus par à-coups, avec une homogénéité moindre dans la qualité. Il y a en effet une succession de scènes inoffensives avec des gags bien plus fulgurants, bien plus irrévérencieux que dans le premier volet : les répliques concernant la communauté juive sont considérées comme limites par certains, mais gageons que les Juifs comprendront que cette outrance consiste plus à se moquer des poncifs sur les Juifs que des Juifs eux-mêmes. Mais cette forme d'humour, plutôt fine sous ces aspects "pieds dans le plat", n'est clairement pas simple à manier. C'est donc encore un tour de force du scénariste Jean-François Halin, ancien héros de l'humour Canal+, que l'on peut saluer pour autant d'audace.

Jean Dujardin se vautre avec un plaisir enviable dans la peau de l'inénarrable Hubert Bonisseur de la Bath, et le pastiche (et non pas la parodie) est peut-être encore plus abouti, techniquement, que les aventures au Caire. Difficile de bouder son plaisir tout de même.

7/10

30 mars 2009

Tokyo Sonata



Tokyo Sonata dresse le portrait d'une famille ordinaire dans le Japon contemporain.
Le père, licencié sans préavis, le cache à sa famille.
Le fils ainé veut s'engager dans l'armée américaine.
Le plus jeune prend des leçons de piano en secret.
Et la mère, impuissante, ne peut que constater qu'une faille invisible est en train de détruire sa famille.


Kiyoshi Kurosawa quitte les ambiances fantastiques et les fantômes évanescents qui ont fait sa renommée à l'international. Tokyo Sonata, prix du jury à Cannes en 2008 dans la sélection Un certain regard, est un home drama, comme le définit lui-même l'auteur. Ce changement est salutaire puisqu'il signe ainsi une œuvre vraiment sublime, d'une très haute tenue, probablement un des sommets de 2009.

"Je me demande vraiment quel genre de génération est celle du XXIe siècle. Pourquoi ce sentiment de confusion ? Pourquoi est-ce si loin de la vision du futur que nous avions au vingtième siècle ? Qui est responsable de la façon dont les choses ont évolué ? C'est difficile de trouver une réponse. Tokyo Sonata est une façon de me forcer à me poser ces questions, et j'espère que ce film marque pour moi un nouveau départ", explique le réalisateur.

La lente désintégration de la famille observée provient avant tout du mensonge qu'entretient savamment chacun de ses membres, dans un but de conservation des apparences, guidée par le poids des valeurs et traditions japonaises. Kurosawa exploite à merveille les situations qu'il a écrites ; c'est un magicien équilibriste, sachant juxtaposer les ruptures de ton entre drame et humour inénarrable, pour mieux tempérer la misère affective des personnages. Kurosawa n'hésite pas du tout non plus à décontenancer le spectateur en injectant des virages surréalistes au sénario, pour notre plus grand bonheur.

La maîtrise de l'ensemble est redoutable ; on cherchera en vain des défauts, que ce soit au niveau de la mise en scène, des acteurs, du cadrage, du montage ou de la photographie, le tout avec une sobriété remarquable. Il n'y a guère que sur la durée où le film aurait peut-être pu faire l'économie d'une dizaine de minutes.

Ultime tour de force, Tokyo Sonata s'achève par un très grand moment de cinéma, porté par le Clair de Lune de Debussy, en version intégrale. En sortant de la salle, on se sent humble.

10/10

29 mars 2009

Une Famille brésilienne



De Walter Salles, je n'ai vu que Carnets de voyage (sur la jeunesse du Che, avec Gael Garcia Bernal), mais c'était tellement magnifique que je suis allé voir Une Famille brésilienne sur son seul nom. Ce dernier n'est néanmoins pas à mettre sur son seul compte, puisqu'il l'a co-écrit et co-réalisé avec Daniel Thomas, avec qui il avait déjà fait duo pour les deux longs-métrages Terre lointaine et Le Premier jour.

Une Famille brésilienne est une comédie dramatique qui dépeint le portrait d'une famille de Sao Paulo qui tente de (sur)vivre dans un Brésil en état d'urgence. C'est une tranche de vie des 5 personnages qui constituent la famille : une mère qui élève seule ses 4 enfants (de pères différents), dont certains sont adultes mais habitent toujours dans la maison familiale, faute de revenus suffisants. Il n'y a pas de misérabilisme dans le film, mais au contraire une belle vitalité et un optimisme intense. Les thèmes de la religion et du football sont abordés et permettent de mieux saisir leur ancrage dans la culture brésilienne.

Sélectionné en compétition officielle du festival de Cannes en 2008, le film est reparti bredouille, mais cela n'est peut-être pas tout à fait injuste (correction : le prix d'interprétation féminine de Cannes 2008 a été décerné à Sandra Corveloni, l'actrice qui incarne la mère de famille du film). Si le film est réellement fin, sensible et aborde des sujets douloureux avec tact et intelligence, il manque un je ne sais quoi d'envergure pour l'élever vers un niveau supérieur. Cela reste néanmoins infiniment préférable aux flots de médiocrités qui sont déversés actuellement avec force sur les écrans des salles obscures.

7/10