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20 avril 2006

OSS 117, Le Caire nid d'espions



Le domaine de la comédie française à grand budget semblait totalement sinistrée, à force d'être vulgarisée et/ou nivelée par le bas par les Bronzés, Michael Youn, Kad&O, etc.

Quelle surprise de trouver donc enfin une comédie impertinente sans être trash, qui ne fonctionne pas par juxtaposition de gags, et qui dispose d'une direction artistique très claire et partaitement contrôlée, servie par un budget conséquent qui, pour une fois, n'est pas parti dans des cachets de stars censées servir de faire-valoir.

OSS 117 est une réussite étonnante, qui tient avant tout au fait qu'il s'agit bien plus d'un pastiche que d'une parodie (on a affaire ici à une imitation d'un style, et pas à un détournement à l'extrême des codes comme dans Austin Powers). Les qualités du film sont si nombreuses qu'il est difficile de les citer toutes, mais en voici les grandes lignes :

1) La manière de filmer reproduit exactement la syntaxe et grammaire cinématographiques des films des années 40 et 50 : pellicule (Technicolor), trucages (maquettes pour les avions, fond déroulant lors des déplacements en automobile, etc.), décors (très grands cartons-pâtes magnifiquement soignés), éclairages (notamment ombres portées), musique d'époque marquant avec insistance les événements, prononciation des acteurs reproduisant le doublage de l'époque avec chaque syllabe appuyée, vocabulaire désuet... Les moyens employés confèrent immédiatement une authenticité redoutable. Visuellement, le style est superbe, on a l'impression de retrouver la ligne claire de BD comme Blake et Mortimer ou Tintin.

2) Le scénario, de Jean-François Halin (scénariste de l'âge d'or des Guignols, entre autres), est brillant. Non pas par sa complexité (OSS 117 étant très bête, l'intrigue ne pouvait pas être fouillée), mais par sa verve (qui ne déplaira pas à ceux qui apprécient le regretté ancien humour Canal+). L'idée géniale de Halin est d'avoir évité d'adapter un roman original d'OSS 117 pour créer une histoire de toute pièce ayant pour situation le Moyen-Orient. Il parvient ainsi avec un brio époustouflant à brocarder la France coloniale tout en jouant sur le décalage historique et l'image tendue du monde arabo-musulman d'aujourd'hui. On parvient ainsi à sourire tout au long du film, qui n'a aucun temps mort (très grande qualité), et qui ne cherche pas le gag énorme ponctuant de longues plages ennuyeuses au rôle de bouche-trou.

3) OSS 117 est le Jean Dujardin show, et on se demande qui d'autre que Dujardin aurait pu incarner ce mélange de bêtise et d'élégance. L'acteur semble totalement jubiler à incarner cet agent secret catastrophe à la fois inculte, misogyne, raciste, homophobe, condescendant, et pourtant honnête, séducteur, raffiné et naïf. Le talent comique de Dujardin est phénoménal dans ce registre à l'équilibre délicat et devrait conquérir ceux qui ont eu du mal avec la forme de Brice de Nice.

Décalé, pétillant, original, sans être jamais lourd, racoleur ni méchant, OSS 117 est la preuve qu'il ne faut pas totalement désespérer du cinéma de divertissement français. Certes, on n'est pas dans le schéma du film calibré pour un prime-time de TF1, mais j'espère que le succès sera au rendez-vous en salles. Cela pourrait être salutaire pour notre cinéma.

8/10

14:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma

Commentaires

Je ne suis absolument pas fan de Jean Dujardin, mais je pense que je me laisserai tenter par OSS 117 si j'ai le temps... L'exercice de style m'intrigue, et j'ai de bons (mais vieux) souvenirs d'OSS 117 (les vieux avec Frédérick Stafford)

Écrit par : Angrom | 24 avril 2006

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