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13 décembre 2009

The Road



4e long-métrage de l'australien John Hillcoat, mais premier à sortir sur nos écrans, The Road est une adaptation d'un best-seller de Cormac McCarthy. Autant le dire d'emblée, Hillcoat n'a pas écrit le scénario de cette adaptation, et son scénariste n'a pas le talent des frères Coen, qui eux avaient fait fort avec leur adaptation d'un autre roman de McCarthy : No Country For Old Men.

Dommage car Hillcoat a par contre du talent en terme de mise en scène. Il en fallait pour donner une dimension crédible à cette Terre sinistrée par un cataclysme. Le thème du désastre écologique avec une humanité à peu près éradiquée a le vent en poupe au cinéma depuis plusieurs années. Le spectateur commence à être habitué et il y a des points de comparaison. Visuellement, et sans effets spéciaux numériques à la Emmerich, The Road réussit de façon bien plus convaincante à nous transporter dans l'horreur ce que pourrait être une civilisation retournée à la barbarie, la seule préoccupation quotidienne étant de survivre, c'est-à-dire manger, puisque tous les animaux sont morts. Hormis retrouver d'hypothétiques boîtes de conserve, la seule solution consiste donc à manger... de l'homme. Heureusement, le scénario ne fait qu'aborder le thème du cannibalisme, pour en faire seulement un ressort du suspense.

On suit plutôt le périple d'un père et de son enfant qui tentent de rejoindre le Sud, moins froid, afin de survivre plus longtemps. Mais dans une humanité vouée à l'extinction, qu'est-ce qui anime encore l'instinct de survie ? Pour ce père, il s'agit de protéger et aguerrir son enfant pour qu'il puisse faire face à son tour, tout seul, plus tard. Psychologiquement, c'est dans ces instants où le père est prêt à devoir choisir entre deux options plus horribles l'une que l'autre (tuer son enfant pour ne pas le voir se faire dévorer, ou prendre le risque qu'il se fasse dévorer ?) que le film est fascinant. Hélas, ces situations de souffrance extrême ne sont que rarement exploitées au maximum de leur potentiel.

La faute aux flash back romantiques dans la période pré-cataclysme (où la cellule familiale existait encore), qui amènent de fort inutiles explications psychologiques. Hillcoat pouvait totalement se passer de ces scènes, d'autant qu'il en réussit de stupéfiantes qui, sans aucun mot, disent tout sur le désespoir lié à la perte des êtres chers (par exemple, la scène de l'abandon de l'alliance jetée depuis un pont).

Outre ses décors et sa photographie à couper le souffle, The Road se retrouve sauvé en grande partie par l'interprétation sidérante de Viggo Mortensen, qui travaille ici son corps pour une composition d'une exigence identique à ce qu'il avait fait avec Cronenberg pour Les Promesses de l'ombre.

6/10

22 octobre 2008

Appaloosa



Acteur exigeant, Ed Harris a su manœuvrer habilement entre films de "grands" (Cronenberg, Eastwood, Weir, Stone, Pollack, Cameron, Romero...) et quelques gros blockbusters "alimentaires" (Rock, Benjamin Gates). Souvent cantonné aux seconds rôles, l'acteur a surpris en passant derrière la caméra (exercice en général peu convaincant pour les acteurs) en s'attaquant à un biopic du peintre Jackson Pollock. Salué par la critique et bien reçu par le public, Ed Harris revient avec sa deuxième réalisation, avec un choix tout à fait étonnant de sa part : un western, ce bon vieux genre désuet dont on a vu quelques rares tentatives de retour ces dernières années (pour le meilleur : Open Range de Kevin Costner en 2004 ou encore The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford en 2007 ; pour le moins bon, 3:10 to Yuma cette année).

Si Ed Harris a donc osé s'attaquer à ce genre battu et rebattu, c'est vraisemblablement qu'il avait quelque chose d'intéressant à dire... ou plutôt à montrer, car Ed Harris a compris que ce qui fait la force des grands westerns, ce sont les visages, les silences, pour peu qu'on sache les filmer. Or Ed Harris possède ce genre de regard inimitable, insondable et d'acier, qu'Eastwood porta si bien dans les westerns de Leone. On assiste au même régal ici, avec un Viggo Mortensen qui apporte lui aussi une puissance tranquille, crépusculaire. L'amitié virile qui transparait entre les deux personnages apporte une profondeur et une sincérité au film, qui se retrouve ainsi dans la digne lignée des grands westerns des 50's. Le regard, encore, est bien le nœud de toute la tension de ce film, avec également celui de Jeremy Irons (dans la peau du "méchant"), froid et cruel comme celui d'un loup.

Sur une histoire archi-simple, Ed Harris (co-auteur du scénario de surcroît) a su faire de ce western le récit d'un affrontement où les émotions, les non-dits, et les valeurs sont les sujets de la (brillante) mise en scène. Un véritable régal, du plaisir de cinéma à l'état pur. Chapeau bas, M. Harris.

8/10