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28 février 2010

A Single Man



Los Angeles, 1962. Depuis qu'il a perdu son compagnon Jim dans un accident, George Falconer, professeur d'université, se sent incapable d'envisager l'avenir. Solitaire malgré le soutien de son amie la belle Charley, elle-même confrontée à ses propres interrogations sur son futur, George ne peut imaginer qu'une série d'évènements vont l'amener à décider qu'il y a peut-être une vie après Jim.

Connu d'abord comme designer pour Gucci, Tom Ford est devenu l'un des grands noms de la mode avant de réaliser ce premier long métrage à 47 ans. Il n'a néanmoins guère choisi la facilité avec cette adaptation du livre Un Homme au singulier de Christopher Isherwood. Colin Firth fait ici une démonstration inattendue de son talent de composition (justifiée coupe Volpi de l'interprétation masculine à la Mostra de Venise en 2009) en incarnant ce professeur d'anglais émérite, que tout le monde admire, mais qui vit un enfer intérieur à cause de son homosexualité qu'il ne peut révéler. Le film aborde donc sans détour ce sujet de société, et en profite pour croquer occasionnellement, avec la férocité d'un Sam Mendes, la bien-pensante Amérique des années 60, reconstituée ici de façon fantasmée.

A Single Man n'a cependant rien d'un manifeste gay (même si on n'avait jamais vu un film triste aussi gay - copyright un grand rédacteur en chef adjoint d'un magazine à garder ici anonyme). Tom Ford déroule un programme expérimental, entre réalité et fantasme, sur une unité de temps rarement utilisée au cinéma (une journée). Il évite le piège du mélo grâce à la subtilité et l'élégance extrêmement classe de la réalisation (on a souvent évoqué Wong Kar-Wai, c'est dire). Il commet quand même une ou deux fautes de goût (par exemple, le jeune homo Carlos venant aborder George sous un soleil californien presque artificiel ; le tout semblant sorti tout droit d'une pub Levis). Mais rien de rédhibitoire ; Tom Ford impressionne avec ce premier film à l'ambiance mortiphère mais ô combien profond et esthétique.

8/10

18 octobre 2008

Blindness



Si le Mexique peut se targuer d'avoir Alejandro González Iñárritu, le Brésil possède lui aussi un réalisateur surdoué, à savoir Fernando Meirelles. Les deux cinéastes ont décuplé les espoirs placés en eux suite à leur premier film coup de poing, Amores Perros pour Iñárritu, et Cidade de Deus pour le second. Cidade de Deus figure d'ailleurs en 18e position du top 250 d'IMDb, ce qui est assez ahurissant pour un film tourné en portugais.

Dans les deux cas, Iñárritu et Meirelles n'écrivent pas leurs scénarios ; ce ne sont pas des auteurs. Et dans les deux cas, ils devraient peut-être attacher plus d'importance au scénario qu'ils mettent en scène, car aucun n'a réédité l'exploit de leurs premiers films respectifs, tournés dans leurs pays et dans leurs langues d'origine. Par la suite, c'est en anglais et avec le financement de majors qu'ils ont réalisé leurs longs-métrages, et la pente semble assez dangereuse pour Meirelles.

Après un deuxième long adapté du roman de Le Carré (The Constant Gardener), Meirelles s'est attaqué à une autre adaptation de roman : L'Aveuglement, de l'écrivain et journaliste portugais José de Sousa Saramago, qui devint en 1998 le premier écrivain portugais à être récompensé du Prix Nobel de littérature. A l'époque, Meirelles voulait faire de cette adaptation son premier long, mais Saramago avait refusé d'en vendre les droits. Dommage qu'il ait changé d'avis par la suite...

Le pitch, séduisant en diable, propose de s'attacher à ce que devient l'humanité, frappée soudainement de cécité contagieuse, pour une raison inconnue. Blindness, hélas, gâche ce beau potentiel en s'évertuant pendant deux heures à rabâcher avec force détails clichés (racket, viols, etc.) la maxime "l'homme est un loup pour l'homme". Le spectacle laisse d'autant plus indifférent que les personnages (même principaux) ne sont jamais vraiment définis ; le scénariste a voulu imiter le livre, où on ne sait rien de la psychologie des personnages. Ce qui fonctionne à l'écrit ne fonctionne pas dans le film.

L'autre écueil, de taille, et cette fois réellement imputable à Meirelles, était : comment rendre lisible, en images, la perte de vue ? Comment entrainer le public dans un monde où l'image n'existe plus alors que le cinéma n'est fait que de cela ? Il n'y avait peut-être pas de réponse satisfaisante ; encore une fois, ce qui fonctionne à l'écrit ne fonctionne pas dans le film. Meirelles dit avoir réfléchi sur la manière de déstructurer le plus possible l'image. Il l'a éclaircie au maximum, blanchie et rendue la plus brillante possible, tout en jouant sur les couleurs qui ont été dénaturées. Il a multiplié les angles de caméra et joué sur les surfaces réfléchissantes, dans le but que le spectateur perde progressivement confiance en ce qu'il voit. Le résultat ressemble presque à un nanar, du moins fortement à une série B, mais sans aucune envergure. Les brillants acteurs que sont Mark Ruffalo, Gael Garcia Bernal et Julianne Moore font ce qu'ils peuvent, mais l'ennui est profond et la déception très grande venant d'une réalisation de Fernando Meirelles. Ca sent le sapin pour le Portugais, mais espérons que son 4e film permettra d'oublier ce gros faux-pas.

5/10