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15 août 2006

Wolf Creek



Greg McLean a écrit, réalisé et produit Wolf Creek pour un budget ridicule d'un million de dollars (difficile de faire moins de nos jours). Filmé en DV avec une approche rappelant celle du Dogme de Lars von Trier (décors naturels, éclairage et bruitage sonore réduits, concentration sur des récits novateurs et le jeu des acteurs...), Wolf Creek rappelle insolemment que faire un bon film requiert avant tout du talent, des idées et du système D, et pas obligatoirement de l'argent.

Wolf Creek est ainsi nettement plus dans la veine de ses alter ego des années 70, et bien loin des productions hollywoodiennes "horrifiques" à la mode. En dehors de quelques scènes éprouvantes, on pourrait plutôt parler d'un road movie qui se termine comme un film de terreur sourde.

McLean a le bon goût d'éviter tous les clichés au film de survival habituel. Tout d'abord parce qu'il prend le temps de nous présenter longuement, très longuement les trois personnages principaux. Nous sommes alors à la limite du documentaire ; les trois jeunes partis à la découverte du bush australien nous permettent en même temps d'admirer des paysages somptueux et des lieux pittoresques. Ensuite, ces personnages sont loin des clichés traditionnels : non, ce ne sont pas des décérébrés ne pensant qu'à l'alcool et au sexe. Ce sont des jeunes "normaux", et cette banalité permet justement de s'identifier bien plus fortement aux personnages.

Le boogieman est lui aussi loin des clichés du péquenot australien classique, rendant ainsi la violence du film hélas très plausible, puisque Wolf Creek est basé sur des faits bien réels.

En d'autres termes, McLean réussit à nous happer dans une histoire au départ bien sympathique, qui se termine en un cauchemar terrifiant, sans artifice grand-guignol. Au final, nous avons affaire à une trame classique filmée, contée et mise en scène de manière diablement convaincante et rafraîchissante. Il ne reste qu'à McLean de confirmer, avec un registre plus original. Wolf Creek s'est taillé une solide réputation dans les festivals, et McLean se voit donc logiquement confier les rênes d'un film important, Rogue, film australien de 20 M$ cette fois (avec Radha Mitchell, la douée actrice principale de Silent Hill). Encore un nouvel espoir... à suivre de près.

7/10

15:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

Antibodies



Traduction littérale anglo-saxonne de Antikörper, le titre original de ce film allemand, Antibodies est une bonne surprise (de plus) venue d'Outre-Rhin.

Autant le dire de suite, ce thriller est clairement un croisement entre Le Silence des Agneaux et Seven. Néanmoins, les références bibliques sont ici très présentes et alourdissent souvent le récit. En dehors de défaut mineur, Antibodies impressionne par sa mise en scène très technique (photo ultra léchée et mouvements très fluides, souvent complexes), et n'a donc pas à rougir de ses références. Christian Alvart, pour son deuxième long-métrage (mais premier à sortir hors d'Allemagne), s'impose d'emblée comme un futur grand espoir.

Hollywood ne s'y est pas trompé puisque Alvart a gagné avec Antibodies son ticket pour les USA. Il réalisera Case 39 avec Renée Zellweger, un autre thriller, qui sera l'occasion de voir si les espoirs placés en lui seront à la hauteur du résultat de ce Antibodies qui ridiculise nombre de thrillers sortis cette année. Attention aux âmes sensibles, certaines scènes sont réellement très malsaines... Encore une bonne surprise estivale, en somme (ne vous fiez pas au titre peu accrocheur et à l'affiche très ratée, augurant d'une série B...).

7/10

13:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

25 juillet 2006

La Raison du plus faible



En 2003, Lucas Belvaux s'était définitivement imposé comme un cinéaste qui compte, avec son triptyque composé d'une comédie (Un couple épatant), d'un thriller (Cavale) et d'un mélodrame (Après la vie), les personnages principaux de chaque film devenant les personnages secondaires des deux autres (encore merci Bertrand pour la découverte de cette trilogie). Impressionnant par sa prouesse scénaristique et sa direction d'acteurs, Belvaux se devait de confirmer. Et il l'a fait, avec cette Raison du plus faible en compétition officielle à Cannes cette année, sélection largement méritée (même si le film est reparti sans rien, mais le plus dur est bien d'être sélectionné, le jury visionnant plusieurs centaines de films !).

C'est bien sûr de Cavale que La raison du plus faible se rapproche le plus. Le premier était un thriller politique, un mélange brutal et bouleversant entre polar et portrait lucide de la génération des ex-militants gauchistes. Le second est un thriller social. Entre polar et portrait lucide du monde ouvrier.

Le tour de force de Belvaux, c'est de décrire le contexte déprimant de la vie des laissés pour compte du libéralisme, sans jamais tomber dans le pathos, ni le manichéisme. Le recours au hold-up d'une poignée d'entre eux n'est absolument pas cautionné, mais il devient naturel dans la progression du récit de l'horizon bouché de ces personnages qui n'ont plus la force de militer ou de rêver.

On retrouve la même noirceur que Cavale, et la même sécheresse de la mise en scène, alliée à un rythme et un montage savants, ainsi qu'à une musique minimaliste qui ne surligne jamais lourdement le propos. Le suspense est parfaitement dosé jusqu'à la fin, et Belvaux parvient même à introduire des touches d'humour bien senties dans cette mécanique implacable.

Belvaux frappe fort et fait mal. On ne ressort pas d'une projection de son film le sourire aux lèvres, mais avec le sentiment d'avoir vu une oeuvre qui fait réfléchir, au-delà du polar. C'est plutôt rare !

8/10

16:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

23 juillet 2006

Adam's Apples



Le Danois Anders-Thomas Jensen est décidément un des réalisateurs-scénaristes les plus originaux d'Europe. En 2005, sa comédie dramatique Les Bouchers Verts avait constitué une des plus grandes surprises de l'année : deux amis un peu paumés montent une boucherie, dans laquelle quelqu'un meurt par accident. Le corps finit dans les préparations vendues à la clientèle, les deux compères ne sachant comment se débarrasser du corps. A leur grande surprise, les ventes décollent, et se pose alors le problème d'arriver à continuer à satisfaire la clientèle en leur fournissant cette viande à la saveur très originale mais à l'approvisionnement plus que délicat...

Au-delà de l'intrigue principale qui laissait suggérer (à tort !) une comédie trash, Les Bouchers Verts évoquait avant tout l'ennui et le mal être d'individus en marge de la société figée. Le résultat était un film décalé, mais subtil, drôle sans être cynique, et surtout étonnant par sa maîtrise, tant formelle que scénaristique.

On peut reconduire exactement les mêmes éloges à l'égard d'Adam's Apples, sur un sujet fort différent, ce qui confirme le grand talent de Jensen.

Convaincu de la bonté fondamentale de l'homme, un pasteur, Ivan, se voue tout entier et tout sourire à sa mission : accueillir d'anciens taulards et oeuvrer à leur réhabilitation. Arrive ainsi dans sa paroisse Adam, un chef de bande de nazis à qui il reste quelques semaines de peine à purger. Rangers, crâne rasé, croix celtique tatouée sur le biceps, et portrait d'Hitler qu'il accroche fièrement à la place de la croix de Jésus dans sa chambre : Adam est le Diable incarné et il le revendique. Que peut alors valoir la foi d'Ivan face à la malveillance faite homme ? Bref, que peut Dieu face au Diable ? Grande question, qui s'efface bientôt au profit d'une interrogation tout aussi cruciale : d'Adam ou d'Ivan, qui est le plus dérangé des deux ?

Encore fois, Jensen prend le spectateur par surprise en l'emmenant sur un terrain qui n'est pas du tout celui que pouvait laissait présager l'intrigue de départ. Les rebondissements sont nombreux et il est impossible de deviner où va aboutir le film. Quelques scènes sont particulièrement dures et cruelles, âmes trop sensibles s'abstenir. On n'en dira pas plus pour ne rien déflorer de ce film qui ne se raconte pas, mais qui se savoure.

Il faut noter qu'on retrouve une grande partie des acteurs principaux des Bouchers Verts, dont l'extraordinaire Mads Mikkelsen, qui connaîtra enfin, je l'espère, la reconnaissance d'un plus vaste public puisqu'il incarne le méchant Le Chiffre dans le prochain James Bond, Casino Royale. Ca ne serait que justice !

8/10

13:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

20 juillet 2006

The Devil's Rejects



Un chef d'oeuvre de série B, comme on n'en fait plus depuis les 70's ! Après s'être imposé comme un des grands noms du metal dans les 90's avec son groupe White Zombie, puis ses albums solo (sans compter toutes les musiques de film qu'on lui doit), le père Rob montre qu'après son premier film House Of 1000 Corpses, il est un réalisateur de tout premier ordre.

The Devil's Rejects n'est surtout pas à mettre devant tous les types de public : le film est d'une brutalité extrême, sans pourtant verser dans le gore. Trash, sadique, vulgaire, immoral, cynique... les adjectifs ne manquent pas pour décrire cette furie, jamais gratuite car la violence est toujours traitée de manière réaliste. Il y a une volonté manifeste de mettre à l'épreuve le spectateur (cf. la scène du motel).

Et pourtant, très souvent, les situations sont assez tarantinesques, si bien que le film est aussi très drôle, voire jubilatoire (certaines scènes ont un tel humour noir que j'avais du mal à croire qu'on puisse aller aussi loin). De ces deux extrêmes nait un mélange unique et explosif qui ne peut laisser personne indifférent.

Dans son film précédent, House Of 1000 Corpses, Rob introduisait la famille Firefly, des psychopathes vicieux et brutaux qui s'adonnaient au meurtre avec enthousiasme. Dans The Devil's Rejects, un sheriff entreprend de mettre fin à leurs activités. Néanmoins, The Devil's Rejects peut être vu de manière totalement indépendante, ce n'est pas à proprement parler une suite.

Rob se démarque totalement de la réalisation des films horrifiques actuels à la mode, car c'est un hommage aux westerns et road-movies des 70's qu'il a voulu rendre. Pas d'effets faciles et trendy ; Rob est plutôt dans l'utilisation de plans très précis à la Sergio Leone (arrêts sur image pour présenter les personnages ; très gros plans pour montrer les saletés sur les dents, la sueur sur la peau brûlée par le soleil, etc.). L'artiste se fend même de nombre d'idées très ingénieuses de mise en scène (notamment dans ses transitions). Impressionnant pour un deuxième film !

En outre, le film possède une ambiance terriblement poisseuse grâce au grain du Super 16. Tourné presque entièrement avec une caméra au poing ou à l'épaule, la palette de couleurs de The Devil's Rejects rappelle celle, sombre et désolée, des premiers films de George Romero et de Massacre à la Tronçonneuse.

Rob Zombie finit de renverser les clichés (et affirme son influence western) par le choix de la musique. Nul heavy metal vociférant ici, mais uniquement du rock, blues et country US ! On retrouve ainsi entre autres Allman Brothers Band, Steely Dan, Muddy Waters et Lynyrd Skynyrd pour un final époustouflant sur leur plus célèbre titre.

Expérimentation cauchemardesque et jouissive, The Devil's Rejects risque de rester longtemps sans concurrents.

9/10

18:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)