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26 mai 2006

Marie-Antoinette



Laissons le battage médiatique de côté, qui a certainement nuit au film (ce n'était pas le cas des deux films précédents de Sofia Coppola... elle n'était pas aussi connue alors et c'était bien mieux !), et concentrons-nous sur le cinéma : Marie-Antoinette porte tellement l'identité de sa réalisatrice qu'il me paraît difficile d'être déçu si on a apprécié Virgin Suicides et Lost In Translation.

Car dans le fond, on retrouve ses thèmes de prédilection : portrait intime de l'adolescence face à un monde adulte, inconnu, codifié ; révolte et perte qui en résultent. Ce qui peut ne pas plaire, dans Marie-Antoinette, c'est la forme, l'emballage, tout comme certains n'ont pas aimé Lost In Translation et son univers nippon. A part le contexte, on retrouve donc dans ce troisième opus les faiblesses, les tics, mais aussi les fulgurances de Coppola.

Marie-Antoinette est néanmoins certainement son oeuvre la plus osée d'un point de vue formel. La prise de liberté avec l'Histoire est très grande (le souci historique ne l'intéresse pas, c'est très clair, ce qui lui vaut des foudres de la part de ceux qui n'ont pas compris que ce n'était pas un film historique justement), ce qui lui permet de faire voler en éclat la lourdeur habituelle des reconstitutions historiques, notamment pour mieux tourner en ridicule la pesanteur extrême des étiquettes et cérémoniaux, ou encore la futilité et la légèreté de la cour.

Sofia achève de créer une nouvelle forme d'expression en employant avec bonheur de la musique contemporaine. Ce dynamitage des conventions était à haut risque. Sont en effet conviés Air, Bow Wow Wow, Aphex Twin, The Cure, The Strokes, New Order, Siouxsie and the Banshees... Ca marche, et ce n'est pas un miracle. On constate que l'énergie du rock et celle du baroque sont finalement semblables, à l'écran. Ce rapprochement musical, réalisé par Brian Retzell (déjà superviseur des choix musicaux des deux opus précédents de Sofia), est très pertinent. Entre Rameau et New Order, la "Ceremony" est la même, ce sont les moyens d'expression qui changent. Ces musiques contemporaines surlignent évidemment le modernisme de la reine, qui, avant de fuir autant que possible le protocole, a essayé d'en rompre quelques règles.

D'ailleurs, à propos de pied de nez, je reste admiratif devant l'anachronisme volontaire de Sofia Coppola en laissant traîner une paire de Converse au sol, juste à côté d'une paire d'escarpins (cf. la scène où Marie-Antoinette choisit des chaussures, à environ 1h de film ; vu où la paire est située dans le cadrage, même si le point est fait sur les escarpins situés juste devant, ce n'est clairement pas une gaffe). Sofia est culottée : volonté de faire hurler les puristes tout en adressant un signal fort (et gonflé) sur sa liberté artistique ? Peu importe. Une telle démarche est hélas si rare.

La musique permet évidemment aussi d'accentuer la splendeur photogénique du spleen de Marie-Antoinette. Sofia a de nouveau fait appel aux soins de Lance Acord, déjà directeur de la photographie sur Lost In Translation. Mais je n'insisterai pas sur la magnificence de la réalisation, car le film n'est pas simplement qu'une fantastique coquille vide. Le danger, c'est plutôt que Sofia Coppola s'enferme dans le même thème commun à ses trois premiers films. J'espère qu'elle saura explorer d'autres idées, même si au final ses trois premiers films possédent des univers on ne peut plus variés.

A ceux qui n'ont pas aimé Marie-Antoinette, je souhaite simplement citer Libération pour conclure. La frontière entre ceux qui ont accroché et ceux qui ont décroché est vraisemblablement là. En espérant que beaucoup de fans de Sofia arriveront à apprécier cette vraie merveille, cet étourdissement de couleurs, de sensations, d'émotions, d'intelligence, d'humour, qui avance comme une comédie, se poursuit telle une farce et s'achève en un inoxerable drame.

Pour réussir un film sur l'aveuglement de ceux qui ne voient qu'eux, sur la surdité de ceux qui n'entendent que les éloges, il suffisait de savoir une chose, que Sofia Coppola a apprise : dans l'indifférence dorée, les princesses agonisent encore plus vite. Cette agonie a quelque chose d'étrange, une délicieuse langueur, le luxe de la mélancolie.

9/10

18:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

18 mai 2006

A Bittersweet Life



A Bittersweet Life est le 4ème long-métrage du coréen Ji-woon Kim, qui s'était jusqu'alors plus investi dans le domaine drame/horreur/fantastique (dont le remarqué 2 Soeurs). Ici, il s'agit d'un polar classieux et rugueux, qui n'est pas sans rappeler les films de son compatriote Park Chan-wook.

Un chef de gang suspecte sa petite amie Hee-Soo d'avoir une liaison avec un autre homme. Il demande à son bras droit, Sun-woo, de suivre Hee-soo et de l'éliminer s'il la surprend en galante compagnie. Hee-soo possède bien un jeune amant, mais, Sun-woo, qui tombe sous le charme de la jeune femme, ne parvient pas à la tuer et exige en contrepartie qu'elle quitte son amant, et qu'elle fasse comme si elle n'en avait jamais eu, seul moyen qu'elle reste en vie. Ne pouvant pas se résoudre à rester uniquement avec un chef de gang, Hee-soo décide de déménager, ce qui va déclencher les foudres du chef qui va se retourner vers Sun-woo, son fidèle bras droit en qui il avait tant confiance. Réchappant de justesse à une effroyable mise à mort, Sun-woo va entreprendre de se venger de son ancien chef...

Si la trame est classique (histoire de vengeance sur fond de jalousie), la mise en scène de Kim porte le sujet à un niveau assez rare. On retrouve un cadre, une élégance et une mise en apesanteur qui peuvent rappeler Michael Mann ; tandis que le traitement de la violence, très crue, déchaînée par un héros qui n'a plus rien à perdre, rappelle indéniablement Park Chan-wook. On trouve également, ponctuellement, un humour dans cette cruauté qui n'est pas sans évoquer Tarantino, le tout saupoudré par un romantisme pas totalement absent.

L'environnement high-tech (une ville de Corée du Sud, non située), les superbes costards, les ralentis, les bagarres et fusillades filmées au millimètre (quasiment du John Woo), la complexité psychologique du personnage de Sun-woo achèvent de faire de A Bittersweet Life un objet filmique dense et formellement hyper-abouti.

Néanmoins, on peut trouver tout cela parfaitement froid, et trop influencé. Choc émotionnel et visuel, ou coquille vide un peu vaine ? A vous de voir. Personnellement, je me situe entre les deux...

7/10

10:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

16 mai 2006

Bubble



Soderbergh est un surdoué. Rappelons qu'il détient un double record pas banal : il a obtenu la Palme d'Or en 1989 pour Sexe, mensonges et vidéo alors qu'il n'avait que 26 ans (record inégalé), et c'était son premier long-métrage. La suite de sa carrière n'a fait que confirmer toutes les attentes placées en lui. Je suis un inconditionnel de Steven Soderbergh, que ce soit pour ses films populaires (Erin Brockovich, Traffic, Ocean's 11), expérimentaux (Sexe, Mensonges et vidéo ; Full Frontal ; Solaris), ou mélange des deux (Ocean's 12).

Outre sa casquette de réalisateur audacieux et à succès, Soderbergh est un producteur très actif via sa société Section Eight (lancée avec son ami George Clooney). Non content d'être déjà le chef de file du cinéma indépendant aux USA, il a lancé un énorme pavé dans la mare avec Bubble, film expérimental sorti dans tous les canaux de distribution à la fois (salles, DVD, vidéo à la demande). La polémique a d'ailleurs un peu éclipsé le débat autour du film... et c'est dommage.

Bubble est en effet une expérience qui devrait attirer tout cinéphile : filmé en numérique (DV), budget inférieur à 2 millions de dollars, dialogues souvent improvisés, acteurs non-professionnels, originaires des lieux mêmes du tournage et dont les propres maisons ont servi de décor. Avec un tel dépouillement, impossible de tricher : il faut un vrai talent de mise en scène. Celui de Soderbergh s'exprime ici à plein, d'autant qu'il s'est également chargé de la photographie et du montage.

Dans une petite ville triste de l'Ohio, Martha, une grosse vieille fille, a pour seul ami un joli jeune homme paumé, Kyle, qui travaille avec elle dans une usine de poupées. L'arrivée d'une nouvelle ouvrière va bouleverser cette amitié un peu ambigüe (pour Martha) et aboutir au pire.

Chronique sociale, drame, polar, Bubble est tout cela à la fois, mais se concentre avant tout sur l'étude de ses personnages, ce qui peut dérouter les spectateurs pendant la première demi-heure où la psychologie des personnages est développée, pour plus d'impact par la suite. Les profils d'acteurs choisis sont assez fascinants et même si d'un point de vue narratif, il ne se passe pas grand-chose, Soderbergh crée une ambiance, relayée par les plans (magnifiques et graphiquement très réussis) du travail à l'usine de poupées, dont la fabrication évoque à la fois amusement et malaise. La métaphore des poupées, êtres inanimés au sourire figé, évoquent la résignation et la routine dans lesquelles se trouvent enfermés ces employés sans avenir.

Misère sociale, sentimentale et financière sont l'apanage de tous les personnages, auscultés par un Soderbergh dont la science du montage et du cadrage est ici sublimée par la teinte froide de la caméra numérique. Bien que la forme soit très différente, il est impossible de ne pas penser par moment pour le fond à David Lynch, pour l'irruption de l'étrangeté et du drame dans un quotidien affreusement banal et désespérant. Bravo Steven, et bonne chance pour Ocean's 13 !

8/10

11:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

10 mai 2006

Mission: Impossible 3



Mission: Impossible au cinéma possède un intérêt, c'est celui de voir un blockbuster réalisé par un grand nom. Le premier volet était une superbe réussite esthétique par De Palma, le maître ès thrillers et polars sophistiqués. Le scénario était alors assez gentil, pas très vraisemblable bien sûr mais fidèle à la série (plutôt fun). Le deuxième fut confié à John Woo à une époque où le cinéma asiatique commençait à vraiment avoir le vent en poupe. Hélas, contrairement à De Palma, il fut difficile d'y retrouver la patte du réalisateur, et le scénario était quelque peu grotesque.

Depuis le deuxième épisode (sorti en 2000), ce sont les séries TV de qualité qui ont le vent en poupe, avec des créations tenant souvent la dragée haute aux films : intrigues très fouillées, personnages développés, thèmes en accord avec les préoccupations des spectateurs. Il paraît que Tom Cruise, producteur des trois M:I, a finalement choisi J.J. Abrams pour diriger le troisième épisode après avoir été séduit par la série Alias. Abrams compte également Lost au rang de ses phénoménales créations. Seul hic, si c'est un scénariste de talent, il n'avait encore réalisé aucun long-métrage. Retrouve-t-on ainsi sa patte dans M:I 3 ?

A mon avis, non. Techniquement, le film est très impressionnant, mais d'un pur point de vue de réalisation (technique donc), Abrams a été épaulé d'une brochette de réalisateurs assistants très compétents (ayant tous travaillé sur d'autres très grosses productions hollywoodiennes). Le directeur de la photographie, Daniel Mindel, est un pro vraiment doué (Domino, The Bourne Identity, entre autres). Le résultat est visuellement très réussi ; sans retrouver la fluidité et le sens inné du cadrage d'un De Palma, les scènes d'action (quasiment en continu) évitent ici le cafouillage. On peut penser à du Michael Bay ou du Roland Emmerich, avec une grâce certaine en plus tout de même. Aux commandes de cette énorme machine (150 millions de dollars pour un premier film !), Abrams s'en tire vraiment bien, chapeau pour un scénariste !

Le vrai problème, et c'est là où on attendait Abrams, c'est justement le scénario et les personnages. Certes, il n'est que le co-auteur du scénario. Mais il est difficile d'éviter d'avoir l'impression que Tom Cruise (producteur et plus mégastar que jamais avec ses derniers succès depuis M:I 2) a eu la main-mise totale sur ce film. Le fait qu'un talent monstrueux comme David Fincher (premier réalisateur sélectionné pour ce troisième volet) ait finalement laissé tomber pour cause de divergences artistiques avec Cruise en dit long.

Dans M:I 3, l'esprit d'équipe est plus réduit que jamais, et tout est axé sur Ethan Hunt. Les personnages secondaires sont plus que secondaires, et Ving Rhames en est réduit à assurer le très peu d'humour du film avec quelques punchlines. Les deux heures du film sont quasiment constituées uniquement d'action, avec une dose de noirceur nouvelle, certes bienvenue, mais qui ne s'assume pas puisqu'au final, on le sait, tout finira bien. Pourtant, ça commence bien, avec une scène d'interrogatoire/torture avec le méchant incarné par un Philip Seymour Hoffman impressionnant et définitivement plus inquiétant que les bad guys des deux M:I précédents. Mais Tom Cruise/Ethan Hunt est trop fort et monopolise l'écran, et l'émotion et le suspense font "pschiiiiiitt".

Le film compte certaines scènes de bravoure qui resteront sans doute dans l'anthologie du cinéma d'action (l'attaque sur le pont, ou le final à Shangaï). Paradoxe pour Abrams, d'autres scènes, réussies aussi, évoquent franchement 24h Chrono et Jack Bauer (la récupération de l'agent pris en otage). Machine monstrueuse sans un seul temps mort, M:I 3 est un thriller étourdissant très au-dessus du précédent, mais qui est passé à côté d'un aspect crucial du cinéma : l'émotion. Il s'en est donc fallu de peu pour que M:I 3 soit un blockbuster qui aurait fait date dans l'histoire du cinéma hollywoodien.

7/10

16:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Cinéma

07 mai 2006

Quatre étoiles



Quatre étoiles vaut surtout par la présence de trois perles, à savoir ses acteurs José Garcia, Isabelle Carré et François Cluzet, sur qui tout repose, grâce à leur performance vraiment naturelle, complexe et inattendue pour chacun d'entre eux.

Le style visuel est assez abouti, l'humour est léger, pétillant, jamais vulgaire, et on sort enfin des univers rebattus des comédies françaises habituelles. Quatre étoiles est donc nettement au-dessus du panier, mais ses vélléités d'approcher ses modèles hollywoodiens (Wilder, Lubitsch, Allen...) ne font pas long feu quand on s'aperçoit que le scénario, lui, n'est pas quatre étoiles.

Un peu trop mécanique, il manque un peu d'émotions et de substance ; au final, difficile de ne pas penser que tout cela est un peu creux, même si c'est indéniablement agréable. A voir absolument pour ses acteurs néanmoins si on apprécie au moins un d'entre eux, et surtout Isabelle Carré, éblouissante.

7/10

10:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Cinéma