25 juillet 2006
La Raison du plus faible
En 2003, Lucas Belvaux s'était définitivement imposé comme un cinéaste qui compte, avec son triptyque composé d'une comédie (Un couple épatant), d'un thriller (Cavale) et d'un mélodrame (Après la vie), les personnages principaux de chaque film devenant les personnages secondaires des deux autres (encore merci Bertrand pour la découverte de cette trilogie). Impressionnant par sa prouesse scénaristique et sa direction d'acteurs, Belvaux se devait de confirmer. Et il l'a fait, avec cette Raison du plus faible en compétition officielle à Cannes cette année, sélection largement méritée (même si le film est reparti sans rien, mais le plus dur est bien d'être sélectionné, le jury visionnant plusieurs centaines de films !).
C'est bien sûr de Cavale que La raison du plus faible se rapproche le plus. Le premier était un thriller politique, un mélange brutal et bouleversant entre polar et portrait lucide de la génération des ex-militants gauchistes. Le second est un thriller social. Entre polar et portrait lucide du monde ouvrier.
Le tour de force de Belvaux, c'est de décrire le contexte déprimant de la vie des laissés pour compte du libéralisme, sans jamais tomber dans le pathos, ni le manichéisme. Le recours au hold-up d'une poignée d'entre eux n'est absolument pas cautionné, mais il devient naturel dans la progression du récit de l'horizon bouché de ces personnages qui n'ont plus la force de militer ou de rêver.
On retrouve la même noirceur que Cavale, et la même sécheresse de la mise en scène, alliée à un rythme et un montage savants, ainsi qu'à une musique minimaliste qui ne surligne jamais lourdement le propos. Le suspense est parfaitement dosé jusqu'à la fin, et Belvaux parvient même à introduire des touches d'humour bien senties dans cette mécanique implacable.
Belvaux frappe fort et fait mal. On ne ressort pas d'une projection de son film le sourire aux lèvres, mais avec le sentiment d'avoir vu une oeuvre qui fait réfléchir, au-delà du polar. C'est plutôt rare !
8/10
16:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.