25 avril 2006
Slither (Horribilis)
Slither, du verbe anglais signifiant "glisser", "onduler", n'évoque rien à un Français. Le film a donc été rebaptisé de manière crétine en Horribilis. Soit. L'affiche américaine, plutôt classe, a été conservée, elle, heureusement. Il faut donc regarder de plus près pour voir en quoi consiste ce film d'horreur particulier.
Son réalisateur, James Gunn est le scénariste de l'excellent Dawn Of The Dead (L'Armée des Morts, qui a donné lieu au terrible remake parodique Shaun Of The Dead), mais aussi des deux Scooby-Doo ! Là réside son tour de force : accepter de faire du travail pour films "grand public" afin d'obtenir l'argent permettant de réaliser des projets personnels beaucoup plus audacieux. Et quand on sait que James Gunn vient de l'écurie Troma, ça promet... Troma, c'est une société de production de séries Z fauchées, terriblement incorrectes (très crades et bourrées de références sexuelles), tournées en dix jours maximum, souvent avec des acteurs amateurs (la plus connue est The Toxic Avenger, 1985, dont un extrait est visible dans Slither).
Son fondateur, Lloyd Kaufman (qui fait un caméo dans Slither), fait ainsi depuis plus de 30 ans un gros doigt à Hollywood, et offre l'opportunité à n'importe quel talent caché de se révéler, en laissant un contrôle artistique total aux jeunes à qui il permet de tenter leur chance. Le plus connu des anciens disciples de Troma est ainsi Trey Parker (le père de South Park). Mais Troma a également vu les premiers rôles d'acteurs comme Kevin Costner (!) ou Billy Bob Thorton. Même nos Edouard Baer et Ariel Wizman nationaux ont fait des apparitions dans des productions Troma. Ce dernier est encore aujourd'hui probablement le représentant des films indépendants le plus populaire de l'histoire du cinéma américain.
James Gunn n'a pas oublié d'où il venait et Slither a été pour lui l'opportunité de réaliser un film fidèle à l'esprit Troma mais avec... un gros budget. Et là, ça change évidemment tout, on passe de l'underground à un public moins pointu, ayant tâté ces derniers temps au gore, qui a le vent en poupe (ex. : The Descent, Hostel de Eli Roth - lui aussi issu de l'école Troma, tiens tiens !).
Slither situe son action dans un village de l'Amérique profonde, peuplé de red necks, dont le principal événement de l'année est l'ouverture de la chasse au cerf. Une créature venue de l'espace va féconder un riche beauf, qui se transformera en monstre repoussant et contaminera tous les habitants via des larves sanguinolentes et rampantes (d'où le titre Slither), qui s'introduisent chez les humains par la bouche...
De la série Z, Gunn a conservé l'aspect décalé, trash, crado, parfois débile. Il a su porter cela un niveau au-dessus en y ajoutant un humour satirique, parodique, cru, qui en fait une farce horrifique méchamment incorrecte. Enfin, le film arrive dans la catégorie des séries B grâce à la qualité de sa réalisation, et de ses effets spéciaux, qu'ils soient au niveau des trucages, décors ou palette numérique.
On ne peut pas dire que le film fasse peur, mais certaines scènes abominablement dégueulasses peuvent faire pousser quelques exclamations d'indignation, ou plutôt de jubilation si le film est destiné à un samedi soir entre potes, ce en quoi il constituera un divertissement d'excellente qualité.
7/10
15:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma
24 avril 2006
V for Vendetta
Décidément, les frères Wachowski ont un problème avec les scénarii. Si leur talent de metteur en scène n'est plus à contester, il est ainsi dommage qu'ils aient écrit (et produit) l'adaptation de cette bande dessinée et laissé la réalisation à un tiers (premier assistant habituel des Wachowski). Pourquoi ne pas avoir fait appel à un vrai scénariste, quelqu'un dont c'est la spécialité et qui sait adapter une histoire, et prendre en charge eux-mêmes la réalisation ?
En effet, où est passé l'ambiguïté du comic book d'origine d'Alan Moore ? Sans avoir pu à ce jour le lire, on m'en a tellement vanté les mérites que je m'attendais du coup à une oeuvre subversive intelligente. Le film n'est finalement qu'un blockbuster se drapant d'une respectabilité factice en faisant semblant de nous poser la question : le terrorisme est-il justifié lorsqu'il est utilisé pour une cause noble, comme faire retrouver la liberté à un peuple soumis à une dictature ?
Le film se permet une réponse sous forme d'une contradiction incroyable avec une fin incohérente où il est montré que le soulèvement du peuple peut suffire, mais vu qu'on est dans un blockbuster, il faut de l'action, donc le passage à l'acte terroriste attendu depuis le début du film sera tout de même exécuté même s'il est inutile.
Avant d'en arriver là, il aura fallu se taper 2 heures de verbiage, saupoudrées de deux scènes en particulier reprenant le fameux Wachowski-style (quand même, faut pas décevoir ceux qui étaient venus retrouver la patte des créateurs de Matrix).
Là où le film est vraiment subversif, c'est que ce blockbuster se laisse regarder malgré tout grâce à sa réalisation fluide, la beauté de ses décors, le charisme de Natalie Portman, et la composition du héros V (belle prouesse que d'avoir réussi à le doter d'une personnalité alors qu'il ne quitte pas un seul instant son masque). Oui, l'esthétique de V For Vendetta est bien plus pointue qu'un blockbuster habituel et on peut y voir sans aucun doute la patte des Wachowski derrière. Maintenant, on est en droit de se poser la question si les frangins sauront s'extirper de l'ambition de ratisser (trop) large et de pondre des divertissements certes très bien emballés, mais plutôt creux...
6/10
14:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma
20 avril 2006
OSS 117, Le Caire nid d'espions
Le domaine de la comédie française à grand budget semblait totalement sinistrée, à force d'être vulgarisée et/ou nivelée par le bas par les Bronzés, Michael Youn, Kad&O, etc.
Quelle surprise de trouver donc enfin une comédie impertinente sans être trash, qui ne fonctionne pas par juxtaposition de gags, et qui dispose d'une direction artistique très claire et partaitement contrôlée, servie par un budget conséquent qui, pour une fois, n'est pas parti dans des cachets de stars censées servir de faire-valoir.
OSS 117 est une réussite étonnante, qui tient avant tout au fait qu'il s'agit bien plus d'un pastiche que d'une parodie (on a affaire ici à une imitation d'un style, et pas à un détournement à l'extrême des codes comme dans Austin Powers). Les qualités du film sont si nombreuses qu'il est difficile de les citer toutes, mais en voici les grandes lignes :
1) La manière de filmer reproduit exactement la syntaxe et grammaire cinématographiques des films des années 40 et 50 : pellicule (Technicolor), trucages (maquettes pour les avions, fond déroulant lors des déplacements en automobile, etc.), décors (très grands cartons-pâtes magnifiquement soignés), éclairages (notamment ombres portées), musique d'époque marquant avec insistance les événements, prononciation des acteurs reproduisant le doublage de l'époque avec chaque syllabe appuyée, vocabulaire désuet... Les moyens employés confèrent immédiatement une authenticité redoutable. Visuellement, le style est superbe, on a l'impression de retrouver la ligne claire de BD comme Blake et Mortimer ou Tintin.
2) Le scénario, de Jean-François Halin (scénariste de l'âge d'or des Guignols, entre autres), est brillant. Non pas par sa complexité (OSS 117 étant très bête, l'intrigue ne pouvait pas être fouillée), mais par sa verve (qui ne déplaira pas à ceux qui apprécient le regretté ancien humour Canal+). L'idée géniale de Halin est d'avoir évité d'adapter un roman original d'OSS 117 pour créer une histoire de toute pièce ayant pour situation le Moyen-Orient. Il parvient ainsi avec un brio époustouflant à brocarder la France coloniale tout en jouant sur le décalage historique et l'image tendue du monde arabo-musulman d'aujourd'hui. On parvient ainsi à sourire tout au long du film, qui n'a aucun temps mort (très grande qualité), et qui ne cherche pas le gag énorme ponctuant de longues plages ennuyeuses au rôle de bouche-trou.
3) OSS 117 est le Jean Dujardin show, et on se demande qui d'autre que Dujardin aurait pu incarner ce mélange de bêtise et d'élégance. L'acteur semble totalement jubiler à incarner cet agent secret catastrophe à la fois inculte, misogyne, raciste, homophobe, condescendant, et pourtant honnête, séducteur, raffiné et naïf. Le talent comique de Dujardin est phénoménal dans ce registre à l'équilibre délicat et devrait conquérir ceux qui ont eu du mal avec la forme de Brice de Nice.
Décalé, pétillant, original, sans être jamais lourd, racoleur ni méchant, OSS 117 est la preuve qu'il ne faut pas totalement désespérer du cinéma de divertissement français. Certes, on n'est pas dans le schéma du film calibré pour un prime-time de TF1, mais j'espère que le succès sera au rendez-vous en salles. Cela pourrait être salutaire pour notre cinéma.
8/10
14:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma
19 avril 2006
Inside Man
Le nouveau long-métrage de Spike Lee est un film de commande, ce qui n'a rien de déshonorant, quand on voit ce que Cronenberg a fait de A History Of Violence.
Sur le thème hyper rebattu du braquage de banque, Spike Lee hérite néanmoins d'un scénario plutôt original, où le casse se fait sans aucune violence, et ressemble plus à une partie de poker entre le flic (Denzel Washington) et le cerveau de la bande (Clive Owen).
Hélas, j'ai trouvé que le film était beaucoup trop long (2h10) pour tenir le spectateur en haleine. Le suspense trébuche constamment sur des scènes verbeuses où Washington débite des blagues dans le plus pur style années 80 (je pense à John McTiernan et ses Die Hard).
Son cabotinage est un poil exaspérant et aurait été bienvenu dans un braquage de pur divertissement comme Ocean's 11 ; mais le film de Spike Lee semble hésiter entre ces deux directions : le divertissement éhonté (les personnages de policiers pas crédibles une seconde) et le thriller psychologique, saupoudré de messages politiques intégrés au scénario de manière assez lourde (critiques "gros sabots" de la violence à travers le jeu vidéo, ou encore du racisme à travers certains otages).
Le film se laisse regarder néanmoins grâce aux acteurs (irréprochables Clive Owen, Christopher Plummer, Jodie Foster, Willem Dafoe), et à la redoutable maîtrise technique de Spike Lee, épaulé de surcroît du chef opérateur de Darren Aronofsky. Mouvements de caméra fluides, cadrages futés, montage judicieux (scénes flash-back bien trouvées), photographie superbe, voilà au moins un aspect irréprochable.
Spike Lee ne fait guère plus l'objet de sélection en grands festivals (il faut remonter à She Hate Me en 2002 pour une sélection au festival de Berlin par exemple), et cela ne me surprend pas outre mesure, hélas.
7/10
10:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma
18 avril 2006
Dégustation du 11/04/06 - Aberfeldy, Caol Ila
La troisième dégustation de l'année était scindée en deux sessions, en raison du succès (mérité) du Club, ce qui rend impossible de faire tout le monde désormais dans le pub écossais The Auld Alliance où nous étions de retour (cf. dégustation de février).
Du coup, nous étions à peine une cinquantaine (les vacances de Pâques aidant), mais c'était plus intimiste et plus agréable : moins de brouhaha, moins de fumée (haaaa!). Par contre, pas de haggis en raison d'un "problème technique" (?), et pas de micro en raison d'un problème de sono. Pour compenser, nous eûmes le droit à la fin d'être resservi du whisky de notre choix... Classe !
Je salue le Club d'être autant à l'écoute de ses membres : cette fois, nous eûmes droit à des whiskies aux prix plus abordables (entre 40 et 70 euros), ce qui moins frustrant quand on craque pour l'un d'entre eux... et ce fut encore le cas !
Aberfeldy 1993, single cask, 46%
Single malt irlandais des Lowlands, non filtré à froid, vieilli en fût de sherry, mis en bouteille par Gordon & MacPhail.
- Nez: très alcoolisé, quelques notes de fruits type abricot. Peu inspiré pour ma part.
- Bouche: Très sèche, évoque la mirabelle, mais la pauvreté du nez est confirmée hélas en bouche à mon avis.
- Finale: très courte, ne m'a rien évoqué en particulier.
Caol Ila 1996, single cask, 57%
Single malt irlandais, cask strength, vieilli en fût de bourbon, mis en bouteille par Berry Brothers.
- Nez: épices, tourbe (en retrait), notes florales. Très joli équilibre.
- Bouche: huileuse, puissante, fumée, cendre, végétale.
- Finale: poivrée, puis sucrée.
Caol Ila 1994, small batch, 58,2%
Single malt irlandais, cask strength, vieilli en fût de bourbon, mis en bouteille par Gordon & MacPhail.
- Nez: léger mais incroyablement fin et original, mélage de fruits frais, d'agrumes et de tourbe.
- Bouche: finement épicée, magnifiquement riche et complexe. Notes herbacées, fruits mûrs...
- Finale: équilibrée et fort longue, légèrement iodée, avec toujours une persistence des fruits mûrs.
Bilan : une soirée plus relaxante, avec des whiskies plus abordables, sans sacrifier la qualité... Que demander de plus ?
11:40 Publié dans Whisky | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Alcools!