18 juillet 2006
United 93
"Les films n'ont pas seulement vocation à faire rire ou à nous transporter dans des ailleurs merveilleux. Il ne faut pas négliger notre monde et sa réalité. En portant son regard sur un événement particulier, un cinéaste peut y avoir quelque chose qui dépasse le cadre de cet événement et touche à l'essence de la société. United 93 a été réalisé dans cet esprit".
Cette citation de Paul Greengrass, le réalisateur du film, résume parfaitement l'intérêt de son entreprise, même si de manière ultime, on peut reprocher à United 93 de ne prendre aucun recul et de rester purement factuel.
Or, c'est précisement parce que United 93 se veut une reconstitution aussi fidèle que possible des événements ayant mené au crash du quatrième avion détourné le 11 septembre 2001 que le film est d'un intérêt historique considérable : il constituera vraisemblablement un devoir de mémoire pour les victimes de cet avion, le seul dont on n'a eu aucune image et donc aucun battage médiatique.
C'est aussi le seul avion où des passagers ont eu le temps de se rebeller, et le seul où les autorités auraient pu intervenir. Ceci permet à United 93 de mettre en valeur les deux composantes principales de ce drame : l'héroïsme des passagers et l'inefficacité totale de la chaîne de commandement au sol. Deux axes jusqu'alors assez abstraits, faute d'images.
Pourtant, Greengrass ne produit aucune emphase scénaristique ou de mise en scène pour y aboutir: c'est tout simplement ce qui se dégage spontanément des faits qu'il relate. Cette sobriété (notamment, absence de stars au casting), cette absence de pathos, de lyrisme ou de grandiloquence, cette évacuation de tout code hollywoodien sont justement ce qui rend son film terriblement efficace, d'autant plus que Greengrass est un cinéaste techniquement hors pair (cf. The Bourne Supremacy).
Un des aspects les plus frappants est l'absence de la dimension "complot". L'acte terroriste est représenté ici avant tout comme l'initiative d'une minorité. On voit les terroristes dans leur dimension humaine, eux aussi sous une énorme pression. Leur leader, Ziad Jarrah, a agit seulement 26 minutes après le signal autorisant à détacher les ceintures, alors que les trois autres avions ont été détournés 5 minutes après. Ce délai a mis en péril le déroulement de leur mission suicide puisque, pendant ce temps, l'avion continuait de voler à l'opposé de sa cible probable (la Maison-Blanche). Ce délai inexpliqué est transcrit dans le film par une sorte d'ultime hésitation de la part de Ziad Jarrah (qui avait suivi des études supérieures, fréquenté une école chrétienne, grandi dans un milieu laïc...). Cette extrapolation, tout de même probable, est pétrifiante.
United 93 est ainsi très stressant, voire traumatisant, et constitue une véritable expérience à laquelle chacun se soumettra ou non en son âme et conscience.
9/10
15:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4)
15 juillet 2006
Superman Returns
Aie aie aie ! On peut le dire, voici le premier film "raté" du prodige Bryan Singer. A continuer à se frotter à de telles superproductions, il aurait été miraculeux que Singer continue de pouvoir maîtriser totalement tous les aspects qui font d'un film une oeuvre pérenne.
Que Singer ait accepté de s'occuper d'X-Men (1 et 2) après son incroyable premier coup d'essai (The Usual Suspects), pas de souci, la démarche est fort logique (se faire définitivement un nom puis acquérir l'indépendance artistique). Pour son quatrième film, abandonner X-Men 3 pour faire revivre Superman, pourquoi pas, on peut comprendre que Singer ait fait le tour de ce qu'il pouvait apporter aux X-Men.
Le souci, on peut le penser, ce sont les pressions de folie qui ont dû régner autour de cette renaissance en gestation depuis... 1997 ! Après avoir usé d'un nombre incalculables de réalisateurs (dont Tim Burton !), la Warner semblant très fébrile avec ce sujet, il n'est pas étonnant que le résultat ne satisfasse totalement personne. Quelle latitude a vraiment eu Singer ? Bien que réalisateur, producteur (mais non exécutif), et co-scénariste (partagé avec deux autres noms), le projet était tellement critique pour Warner qu'il n'est pas très surprenant, hélas, que ce blockbuster soit un pétard mouillé.
Techniquement, il n'y a pas grand-chose à redire. En dehors des effets spéciaux bluffants (la séquence de sauvetage du Boeing et de la navette spatiale dépasse l'entendement), la classe de Singer est toujours à l'oeuvre : fluidité, précision du cadre, angles souvent inventifs... sans compter que Newton Thomas Sigel, son complice depuis The Usual Suspects, est toujours à la photographie. Plastiquement, le film est terrible, et grande surprise, Superman n'apparaît pas ringard (super costume, chouette acteur, filmé avec une classe extrême). C'est déjà ça, car ce ne sont pas tous les films de super-héros qui peuvent s'en vanter.
Mais alors, quel scénario creux ! Il n'y a clairement pas assez de matière pour alimenter sérieusement les 2h30 (bien longues...) du film, qui déraille totalement dans sa dernière moitié, par manque d'enjeu crédible (le projet de Lex Luthor n'est pas très effrayant et très peu crédible), et par manque d'ennemi vraiment sérieux pour Superman (normal, il est invincible).
Le triangle amoureux Clark Kent / Lois Lane / Superman est au coeur de l'histoire, et c'est une belle intention. Cependant, les dialogues sont souvent maladroits, il ne se dégage guère d'émotion, et les punchlines tombent à plat. Le film passe totalement à côté de cet aspect "psychologique" et humoristique, là où Sam Raimi a réussi avec Spiderman.
On ressort totalement frustré car le film est très beau, avec des acteurs très corrects, mais il est sans intérêt dramatique et aurait eu besoin de sacrées coupes au montage.
Pourvu que Singer revienne à des oeuvres personnelles, le cinéma y gagnerait un grand monsieur qui ne mérite pas de voir son talent saboté par des intérêts financiers...
6/10
19:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2)
The Squid And The Whale
Avec un titre français aussi inspiré que "Les Berkman se séparent", pas sûr que cette petite merveille attire les foules. Par contre, les cinéphiles s'intéressant un peu au cinéma indépendant américain attendaient de pied ferme ce long métrage de Noah Baumbach, qui a emporté le prix du meilleur réalisateur au festival de Sundance en 2005 (sans compter toutes les nominations et autres prix remportés tout autour du globe...). En outre, Baumbach est le complice de Wes Anderson (co-scénariste de La Vie Aquatique, avec Bill Murray), un des chefs de file de ce cinéma indépendant US tellement en verve depuis plusieurs années. Sur le papier, voilà de quoi attiser sérieusement l'appétit du cinéphile condamné à la disette estivale...
Filmé en Super 16, caméra à l'épaule, sans doute pour rester plus en phase avec le contexte de l'histoire (l'action se situe en 1986), Baumbach passe au scalpel la tranche de vie difficile que traverse un couple : un divorce, avec les dommages collatéraux subis par leurs deux garçons de 16 et 12 ans. C'est dur, mais souvent drôle, avec cet humour décalé et souvent bien décapant tel qu'on le connaît dans l'univers de Wes Anderson.
Point de mélodrame ici, bien que l'émotion soit souvent présente. Les dialogues, taillés au cordeau, font montre d'une grande audace. Le montage accentue souvent le comique de situation et se révèle très intéressant. Le scénario (également de Baumbach) démontre l'acuité du regard de cet auteur sur la société de Brooklyn. On mesure alors à quel point notre cinéma national est en général à des années-lumière d'une telle envergure artistique.
Les acteurs sont époustouflants : Jeff Daniels et Laura Linney trouvent ici des rôles principaux dramatiques qui devraient les propulser haut, très haut. Les gamins sont très naturels, et ce qu'ils ont à faire dans le film n'était pas toujours facile.
Audacieux, The Squid And The Whale ne sera certainement pas du goût de tout le monde. Mais au moins, il ne devrait pas laisser indifférent. Et un film qui fait référence ouvertement à Pink Floyd (bande-son) et David Lynch (extrait de Blue Velvet - sorti en 1986 bien sûr !) ne peut pas être totalement inintéressant, non ? ;-)
8/10
19:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3)
Dégustation du 07/07/06 - Port Ellen, Glenglassaugh, Talisker
Par manque de temps, pour une fois, je renvoie à la note du blog de la Maison du Whisky pour le détail et les commentaires de dégustation.
Ma réaction sur cette soirée :
Quelle soirée... Que dire, nous sommes gâtés !!! Je ne m'attendais pas à de tels calibres pour cette soirée "vieux millésimes".
Le Glenglassaugh était assurément la vedette de la soirée.
Un peu déçu par le Port Ellen au début, je l'ai regoûté à la fin, et... plus rien à voir ! La subtilité vantée par Jean-Marc était là, cette fois...
Le Talisker m'a semblé un peu trop vieux, ou trop marqué par le sherry. Je lui ai trouvé trop peu de complexité, mais c'était la première fois que je goûtais à un whisky de cet âge et j'ai été frappé de constater à quel point on "sent" le poids des âges, comme un vieux bordeaux ou un vieux cognac peuvent le faire. C'est indéfinissable et pourtant immanquable.
12:05 Publié dans Whisky | Lien permanent | Commentaires (0)
09 juillet 2006
Echo Park, L.A.
La quinceañera (titre original du film) est la fête qui célèbre le passage de l'enfance à l'âge adulte lors du quinzième anniversaire d'une jeune fille, celle-ci devenant ainsi aux yeux de sa famille une femme. C'est une étape importante dans la vie des membres de la communauté latino-américaine vivant à Echo Park, un quartier de Los Angeles.
Scandale : Magdalena, 14 ans, peu de temps avant sa quinceañera, tombe enceinte, provoquant la fureur de son père, homme de religion très à cheval sur les principes. Elle est exclue de la maison, et trouve refuge auprès de son arrière-grand-oncle, chez qui son cousin Carlos a déjà récemment emménagé, chassé lui aussi de sa maison pour avoir déshonoré sa famille en raison de moeurs dont on ne dévoilera pas ici la nature.
Ces quelques mois de vie commune entre la jeune fille, le jeune homme et le vieil homme (qui sert de "médiateur" et de conseiller spirituel dans ces problèmes familiaux) vont marquer un tournant dans la vie de chacun, tout comme dans le quartier d'Echo Park, lui aussi en profonde mutation (les Latinos sont peu à peu chassés par l'augmentation des loyers, que seuls les riches Blancs peuvent se payer).
Les réalisateurs, Richard Glatzer et Wash Westmoreland, vivent depuis 5 ans à Echo Park, et ont donc une connaissance très fine des moeurs qui y règnent. Ils ont eu recours à plusieurs acteurs non-professionnels, et l'interprétation est globalement excellentissime, tout en évitant de tomber dans le documentaire. Le film reste bien un drame, peut-être néanmoins trop modeste ou trop gentil, et n'évite pas les clichés : les pauvres sont honnêtes, les riches sont des salauds.
Echo Park, L.A, a obtenu le Grand Prix du Jury et le Prix du Public au dernier festival de Sundance, et c'est sans doute un des films à voir cet été.
7/10
12:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma