13 septembre 2006
L'Héritage (avant-première)
C'est avec une grande attente que je suis allé voir en avant-première au MK2 Bibliothèque (en présence de l'équipe du film) le deuxième film de Gela Babluani, auteur du terrible 13 Tzameti, oeuvre choc dont l'ambiance me hante encore plusieurs mois après sa sortie.
Le synopsis promet d'avance de retrouver comme dans 13 Tzameti une mécanique de descente aux enfers :
Trois Français arrivent à Tiblissi (Géorgie) pour prendre possession d'un héritage : un château en ruines, légué par l'arrière-grand-mère géorgienne de l'un d'entre eux, dans une zone montagneuse très peu accessible. Accompagnés de leur traducteur, Nikolaï, ils rencontrent, dans le bus qui les conduit vers la montagne, un vieillard et son petit-fils. Ceux-ci transportent un cercueil vide. Les deux hommes se rendent chez le clan ennemi, où le grand-père doit être sacrifié pour que cessent les rivalités entre leurs familles...
Le film est tourné intégralement en Géorgie, le pays natal de la famille Babluani, et est à ce titre totalement dépaysant. Sans complaisance, on sent que Babluani a voulu dépeindre la misère et l'archaïsme non seulement des citadins, mais aussi des ruraux. Un pays où les lois existent à peine... et où les situations peuvent très vite devenir très inconfortables pour des étrangers.
Si on retrouve le cadrage serré et oppressant de 13 Tzameti, ainsi que l'emploi de "gueules" (mais où va-t-il les chercher ?) très impressionnantes, toujours sujettes à de véritables études de portraits, l'intrigue ne tient pas ses promesses, la tension sourde que l'on sent venir peu à peu n'éclate pas, et notre attente n'est pas récompensée.
Babluani a cette fois laissé l'écriture du scénario à un tiers, Jacques Dubuisson (dont je ne connais pas les scénarii précédents), et c'est probablement une grande erreur. Le film est court (1h20, mais 1h15 sans le générique), ce qui nous laisse plutôt une impression de moyen-métrage et un goût amer d'inachevé, malgré la finesse et l'originalité du propos.
Je serais fort surpris que L'Héritage connaisse le même succès critique et public que 13 Tzameti, et c'est vraiment avec regret que j'écris ces lignes tant je portais d'espoir dans ce deuxième film, qui aurait dû transformer les attentes placées en Babluani. Je guetterais néanmoins le prochain avec attention, tout espoir n'est pas perdu !
6/10
08:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
10 septembre 2006
Little Miss Sunshine
Premier film de Jonathan Dayton et Valerie Faris (les créateurs de l'émission culte de MTV The Cutting Edge qui a révélé les Red Hot ou encore REM au grand public, puis réalisateurs d'un nombre impressionnant de clips et de pubs tous très cotés), Little Miss Sunshine, a tout, sur le papier, pour être le dernier film indépendant américain qu'il faut voir.
Le film dissèque la famille Hoover, assemblage de personnages pour le moins perturbés. Le père tente désespérément de vendre son "Parcours vers le succès en 9 étapes". La mère tente de dissimuler les travers de son frère, homosexuel, spécialiste suicidaire de Proust fraîchement sorti de l'hôpital après avoir été congédié par son amant. Le grand-père est un obsédé qui sniffe de l'héroïne. La fille de 7 ans se rêve en reine de beauté, tandis que son frère a fait voeu de silence jusqu'à son entrée à l'Air Force Academy.
On comprend d'entrée que le trait est un peu poussé, mais pourquoi pas. Le casting étant la clé du film et les acteurs parfaitement au point, le tout pourrait aboutir à une délicieuse satire aigre-douce de la famille américaine névrosée. Surtout quand on sait que le film est un road movie, car quand la fillette Hoover décroche une invitation à concourir pour le titre très sélectif de Little Miss Sunshine en Californie, toute la famille décide (certains à contre-coeur) de faire corps derrière elle, et s'embarque dans un voyage de plusieurs centaines de miles dans un vieux break Volkswagen jaune.
Little Miss Sunshine lorgne clairement vers le style d'Alexander Payne, mais on y trouve finalement beaucoup plus de tendresse que de vitriol. Au final, il en ressort une impression de film fort sympathique, avec des scènes clairement hilarantes, mais avec un manque flagrant d'exploitation du potentiel satirique de ces anti-héros. En outre, vu le CV de ses deux réalisateurs, on ne peut qu'être surpris devant le manque total de brio de la mise en scène. La caméra semble posée, se contentant d'enregistrer, sans rien mettre en valeur.
Ce premier essai ne manque certainement pas de charme, mais il en faudra un peu plus pour atteindre le niveau de comédies satitiques comme Sideways ou The Squid and The Whale.
6/10
09:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2)
08 septembre 2006
Snakes On A Plane
David R. Ellis a encore frappé ! Technicien hyper confirmé (réalisateur assistant ou responsable des secondes équipes de tournage sur des films comme Master and Commander, Matrix Reloaded ou encore Harry Potter), le cinquantenaire s'est mis à réaliser depuis le début des années 2000 quelques-unes des meilleures séries B qui soient : Destination Finale 2 (de loin le meilleur de la trilogie), ou encore Cellular.
Ellis a une aptitude singulière à transformer en un divertissement jouissif pour adulte ce qui semblait être a priori un nanar américain de plus. Au lieu de tomber dans le vulgaire film pop-corn, Ellis insuffle à ses films une action à la mise en scène redoutable, doublée d'un humour noir ravageur qui sert de pur défouloir au spectateur. Un second degré constant lui permet de se rire des clichés (qu'il détourne avec malice), et au final, parvient à captiver avec des scénarii dont le fond est largement crétin.
On pouvait néanmoins légitimement douter du succès de la manoeuvre avec Snakes On A Plane (Des Serpents dans l'avion), vu l'incroyable pitch de ce film : un des piliers de la mafia met au point un lâcher de serpents venimeux à bord d'un avion où un détective (Samuel Jackson) escorte un témoin essentiel qui va permettre de faire tomber le dit criminel.
Cette histoire rocambolesque permet à la fois de réinventer le genre film-catastrophe, tout en jouant à fond sur le stress que procure chez beaucoup la vision des serpents en furie (dont les attaques vous feront à coup sûr sursauter vu la maestria de la mise en scène). On a droit à une avalanche de gags macabres et pas très politiquement corrects, ne pas emmener les enfants donc !
Samuel Jackson pète les plombs dans le film et apporte le décalage qui achève de faire de Snakes un des meilleurs no-brainer jamais vus.
La réplique "Enough is enough! I have had it with these motherfucking snakes on this motherfucking plane!" de Samuel Jackson est devenue instantanément culte et a fait même l'objet d'une chanson qui reprend la réplique.
Culte, le film l'était lui-même déjà avant sa sortie, le film étant à ce jour celui ayant généré le plus grand buzz sur le web, avec une telle pression des fans sur les forums et blogs que la Paramount a donné son feu vert pour tourner des scènes plus violentes (et aboutir ainsi à une interdiction au moins de 13 ans aux USA). Pour tout savoir de cette histoire sans précédent dans l'industrie du cinéma, n'hésitez pas à aller lire ce paragraphe de Wikipedia.
8/10 (mais 10/10 dans sa catégorie !)
06:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1)
31 août 2006
Taxidermie
Trois histoires. Trois âges. Trois hommes. Le grand-père, le père et le fils. L'un est un soldat demeuré, l'autre un sportif de premier plan (dans une discipline très particulière...), et le dernier un maître dans l'art de la taxidermie. L'un court après le sexe, l'autre après le succès et le troisième après l'immortalité...
György Pálfi a écrit et réalisé Taxidermie en Hongrie, son pays d'origine, et vient ni plus ni moins de sortir un des films les plus barrés qui soient, furieusement original et certainement à ne pas mettre devant n'importe quelles pupilles (tant le film testera votre résistance à supporter la vision du corps humain dans bien des états).
Avant de parler du fond, évoquons la forme. Mike Portnoy, autre cinéphile à qui j'ai recommandé chaudement le film, m'a dit après avoir regardé la bande-annonce que le look lui faisait penser à un croisement entre Park Chan Wook et Darren Aronofsky. Je reprends cette comparaison car elle me paraît parfaitement appropriée ; et quand on a dit ça, on a dit beaucoup sur la qualité formelle exceptionnelle de Taxidermie.
Quant au fond, Taxidermie repousse les limites du grotesque et de la monstruosité tout en étant drôle, et en fin de compte, pirouette ultime, philosophique. Un OVNI, pour certains génial, pour d'autres creux... mais Taxidermie ne peut pas laisser indifférent. György Pálfi a réussi à mon avis à être peut-être autant transgressif qu'un Takeshi Miike, mais avec une maestria allégorique qui pousse inévitablement à la réflexion. Un tour de force exceptionnel, et on comprend mieux pourquoi le film a fait sensation à Cannes cette année dans la sélection Un Certain Regard, et aussi pourquoi beaucoup de critiques avaient regretté que Taxidermie ne figure pas dans la sélection officielle.
9/10
12:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
27 août 2006
La Science des Rêves
Michel Gondry est un réalisateur hyper hype alors qu'il n'avait pas encore prouvé grand-chose encore sur grand écran. Ni Human Nature, ni Eternal Sunshine of the Spotless Mind n'arrivaient à utiliser la folle inventivité de ses clips pour ce que le cinéma réclame : de l'émotion. Gondry souffrait d'un problème d'authenticité dans ses histoires.
Dans La Science des Rêves, Gondry affirme non seulement son originalité et sa totale liberté dans sa mise en scène, mais il s'affirme cette fois comme auteur, car il est responsable du scénario, et le Français fait mouche. Nul doute que le retour à un budget dérisoire de 6 M$ (contre 20 pour Eternal...) lui a permis de se recentrer sur l'essentiel. Gondry est un amoureux du manuel, et ses affinités pour le bricolage, le carton pâte et autres papiers mâchés trouvent ici une adéquation quasiment parfaite pour mettre en scène les rêves du personnage principal, Stéphane, interprété par Gael Garcia Bernal (qui irradie littéralement l'écran et qui se positionne une fois de plus comme un des acteurs majeurs de sa génération). La créativité dans les scènes oniriques est confondante et il s'en dégage une poésie furieusement étrange, mais fascinante.
Par ailleurs, le choix d'Alain Chabat pour concocter des scènes burlesques voire potaches est une réussite sans appel pour peu qu'on aime le style d'humour du bonhomme, utilisé ici pour ce qu'il sait faire de mieux (le gros lourd attachant).
Par contre, là où le bât blesse encore, à mon avis, c'est dans la naissance de la relation amoureuse entre Stéphane et Stéphanie. Cette dernière, interprétée par Charlotte Gainsbourg, est à peu près aussi touchante qu'un paquet de lessive. Difficile de dire si la mise en scène de Gondry échoue dans les scènes supposément romantiques à filmer les regards, les détails signifiants du début d'une relation, ou bien si la sécheresse du jeu de Gainsbourg annihile grandement l'émotion.
Mécano loufoque et souvent pas loin de la mièvrerie, ou bijou de poésie surréaliste ? A chacun de se positionner. Un nouvel OVNI, c'est certain, mais Gondry a encore une belle marge de progression. Tant mieux pour nous !
8/10
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