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03 décembre 2006

The Departed



Pschittttttt... voilà l'effet produit par cette baudruche qu'est le dernier film du grand Martin Scorsese, dont le cinéma est malade depuis plus de 10 ans. A quand remonte le dernier grand, très grand film du maître ? A Casino (1995), le seul qui a gardé depuis la stature d'un film mythique.

Scorsese n'a plus rien à prouver, certes. Il a logiquement pris des risques, en tentant de se diversifier, avec des demi-réussites (Bringing Out The Dead, Gangs Of New-York). Maintenant, il se contente de dérouler, avec cette série B qu'est The Departed, une adaptation (pas un remake) du film hong-kongais Infernal Affairs. Pour que le grand Martin en soit arrivé à s'inspirer d'un matériau cinématographique pré-existant, c'est qu'il y a un problème. La réalisation de Scorsese reste splendide, mais tout le reste du film est sapé de l'intérieur :

- par le scénario : 2h30 pour raconter ce que Infernal Affairs disait, en plus clair et plus efficace, en 1h37 ;

- par le casting : Matt Damon, lisse au possible, ne parvient jamais à faire croire qu'il appartient réellement à la mafia, aucune dualité ne ressortant de son jeu hébété ; Mark Wahlberg campe un rôle outrancier qui n'existe que par le flot de jurons qu'il débite ; Vera Farmiga ne joue pas mieux qu'une potiche de service en limitant son expression à des battements de cils (on l'a vu plus inspirée dans Running Scared) ; Jack Nicholson dans un numéro en roue libre auto-parodique, etc. ;

- par la musique : il serait temps pour Scorsese se mettre un peu à la page. La musique des Rolling Stones, Beach Boys, John Lennon, c'est de l'hyper-populaire, c'est très sympa, mais il est incroyable qu'un artiste comme Scorsese tombe dans ce piège si classique de nous passer ses disques préférés dans la bande originale. D'autant que l'âge vénérable de ces compositions ne cadre vraiment pas avec les caractéristiques de l'histoire contée. Seule exception notable, et hélas bien ridicule dans son intégration, le titre de I'm Shipping Up To Boston du groupe US de punk hardcore Dropkick Murphys, qui a la particularité d'intégrer un joueur de cornemuse.

Pour ceux qui n'ont pas vu Infernal Affairs, The Departed sera probablement un bon divertissement, la patte Scorsese permettant de digérer le tout. Mais dans le cas contraire, il est inévitable de ne pas faire la comparaison, et là, ça fait mal. Car The Departed illustre finalement, malgré Scorsese à bord, tout ce qu'une adaptation américaine peut apporter de désastreux : nivellement par le bas du récit, situations clichés, manque d'épaisseur des personnages. Bref, le fameux tamis hollywoodien qui ne retient (et amplifie) que les grosses ficelles.

6/10

17:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Cinéma

28 novembre 2006

Casino Royale



James Bond est mort, vive James Bond... la franchise était à ce point moribonde que des changements drastiques s'imposaient. Personnellement, je me suis déplacé uniquement parce que c'est Daniel Craig qui incarne 007, et ce changement d'acteur est à la fois salutaire et révélateur : Casino Royale est bien à l'image de son acteur principal, mélange de virilité, brutalité, et introspection.

James Bond version 2006 ne fonctionne plus à l'épate (exit les les pures potiches faire-valoir, exit les gadgets, ouf !), mais se rapproche de près du mythe du héros des années 2000, tel que modelé par les séries TV américaines (Jack Bauer en tête). James Bond est désormais un gros dur, violent, mais capable de sentiments, de doutes, et finalement, faillible (même dans l'action). On y perd en identité (la rupture avec la vision classique de 007 étant définitivement consommée), mais on y gagne en crédibilité.

Casino Royale ne serait néanmoins qu'une grosse machinerie hollywoodienne de plus si le scénario n'avait pas été un peu plus travaillé que la moyenne. Quoi de plus normal après tout lorsque celui-ci est co-signé Paul Haggis, dont la cote a explosé depuis Million Dollar Baby ? En dehors de scènes d'actions vraiment impressionnantes (qui viennent sans problème concurrencer celles de MI:3 de J.J. Abrams), le scénario a la bonne idée de proposer des scènes nettement plus tendues psychologiquement (la partie de poker est un régal, tout en évitant les clichés habituels liés aux environnements de casinos), sans oublier l'humour, qui a heureusement su rester typiquement british (on est heureusement loin des punchlines à la Die Hard !).

Il n'y a pas de bon films de James Bond sans un bon méchant... or le casting a été chercher le Danois Mads Mikkelsen pour incarner Le Chiffre, ce qui est une satisfaction personnelle, l'ayant vraiment apprécié dans les films de son compatriote Anders Thomas Jensen (Les Bouchers Verts, Adam's Apples). Cette "sortie" hollywoodienne est largement méritée.

Avec un tel scénario et de tels acteurs, le réalisateur Martin Campbell, bon faiseur hollywoodien (de Goldeneye aux derniers Zorro), n'avait plus qu'à dérouler. Rien à redire, le résultat en est un divertissement inoffensif de luxe, ce que les films de James Bond auraient toujours dû être. On peut tout de même regretter les véritables "pubs" infligées de manière honteuse pour divers produits, des voitures aux montres en passant par les ordinateurs... Un peu plus de discrétion serait la bienvenue.

8/10

11:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

26 novembre 2006

The Host



Le Coréen Bong Joon-ho nous avait totalement épaté avec Memories Of Murder, deuxième film d'une qualité stupéfiante : un polar tragique et burlesque, au suspense haletant, dont les codes relatifs au film sur un serial killer étaient détournés avec une aisance et une réussite déconcertantes.

Bong confirme avec The Host, autre film de genre (fantastique cette fois), qu'il possède une virtuosité comparable à celle de son compatriote Park Chan-wook, mais avec un discours beaucoup moins creux. Comme dans son film précédent, non seulement Bong ne se laisse pas enfermer dans les clichés du film de genre, mais encore une fois il les détourne, et les ouvre vers d'autres frontières, notamment la satire sociale et la charge politique. Bong se moque ouvertement des USA dans le scénario, mais il le fait également dans sa mise en scène en réglant son compte aux conventions hollywoodiennes.

L'intelligence (et l'humour tragi-comique) du scénario n'a donc d'égale que la richesse de la mise en scène (extraordinaires premières 20 minutes, à montrer dans les écoles !). Le "monstre" (une bestiole mutante créée par des rejets toxiques de la part de l'homme) n'intéresse pas vraiment Bong ; c'est plutôt les causes et conséquences de son existence et des problèmes qu'elle pose qu'il cherche avant tout à explorer. Le spectateur lambda pourra se repaître du spectacle tandis que les cinéphiles avides de niveaux de lecture trouveront beaucoup, beaucoup de subtilités et de paradoxes à se mettre sous la dent.

Le seul minuscule bémol que j'apporterais à ce deuxième film est peut-être un certain manque d'émotion, certainement dû aux thématiques abordées ; la teneur dramatique portée par The Host est bien moins forte que Memories Of Murder.

J'ai néanmoins très hâte de voir où Bong Joon-ho va continuer à nous emmener. Son troisième film déclenche tous les fantasmes, puisqu'il s'agira en principe de l'adaptation d'une BD française d'anticipation sur fond de critique sociale (La Transperceneige), produite par Park Chan-wook (!). Vivement 2008...

9/10

19:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma

19 novembre 2006

Babel



Le talent du duo mexicain formé par Alejandro González Iñárritu (réalisateur) et Guillermo Arriaga (scénariste) n'est plus à démontrer. Amores Perros (Amours Chiennes) et 21 Grams sont deux films majeurs des années 2000, exemples époustouflants du mariage inespéré de deux virtuosités (formelle et narrative) qui ne s'éclipsent jamais au profit de l'une ou de l'autre.

Babel conclut (?) ainsi un cycle où le point commun est un accident va relier des gens qui n'ont aucune raison de l'être. Chacun des films d'Iñárritu dessine un effroyable puzzle de destins broyés, doublé d'une méditation sur le hasard et de sa noire ironie sur le cours de nos vies. Alors que Amores Perros et 21 Grams avait chacun leur propre unité de lieu, Iñárritu et Arriaga ont voulu s'attaquer à plus universel, en multipliant cette fois les pays où se déroule l'action, avec pas moins de trois continents pour trois histoires parallèles. Le but : montrer cette fois le paradoxe de l'universalité de la douleur et des gouffres d'incompréhension entre civilisations de cultures différentes.

Le duo a donc voulu montrer d'un cran la difficulté de l'exercice. Iñárritu a reçu cette année pour Babel la Palme de la mise scène à Cannes, et c'est parfaitement justifié, tant sa virtuosité reste éblouissante. Iñárritu n'a pas son pareil pour cadrer et capter les paysages, les acteurs, avec une ferveur et une audace folles, le tout magnifié par un montage extrêmement précis et habile. Par contre, cette fois, c'est le scénario qui ne réussit pas totalement à atteindre l'objectif fixé. Trop ambitieux ? Pour la première fois, Arriaga ne parvient pas à donner une véritable symbiose aux trames parallèles. Certes, elles sont reliées par des arcs, mais parfois trop ténus, et tout au long de Babel on a trop l'impression de voir trois films en un ; de surcroît, la partie se déroulant au Japon, malgré une idée géniale d'utiliser des acteurs sourds et muets, n'est pas au niveau des deux autres se déroulant au Maroc et aux Etats-Unis (et Mexique). Il manque clairement la constante intensité émotionnelle à laquelle Arriaga nous avait habitués, y compris avec son scénario pour le film de Tommy Lee Jones, Trois Enterrements (Palme du meilleur scénario à Cannes en 2005...).

Babel propose quand même un grand nombre de moments magiques, que ce soit dans l'action ou dans la contemplation, mais il faut bien avouer que Babel est inégal tout au long de ses 2h20. Une telle oeuvre reste tout de même très au-dessus de la masse des films sortis cette année, mais pour du Iñárritu, je ne peux pas m'empêcher d'être un peu déçu de voir que le maître n'a pas réussi un troisième chef d'oeuvre. J'espère qu'il passera à d'autres défis que le film choral, et il pourrait être intéressant de le voir aussi travailler avec un autre scénariste. Ma confiance n'est néanmoins pas entamée : je suis toujours persuadé qu'Iñárritu sera, à l'heure du bilan d'ici quelques dizaines d'années, un des plus grands réalisateurs que la Terre ait portée.

8/10

22:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma

18 novembre 2006

The Prestige



L'Anglais Christopher Nolan est un des "jeunes" réalisateurs de tout premier ordre à avoir émergé ces dernières années. En trois films fort différents et épatants (Memento, Insomnia, et Batman Begins, sa grande intronisation à Hollywood avec laquelle il a réussi le tour de force d'arriver à imposer sa patte), Nolan a rejoint le club des réalisateurs bankable au talent de mise en scène aussi puissant que personnel, à l'instar de ses homologues américains David Fincher et Bryan Singer, de quelques années ses aînés.

The Prestige avait sur le papier tout pour susciter d'intenses spéculations. Après le cultissime Memento, on retrouve un scénario (adapté d'un roman, toutefois) co-écrit par Nolan himself et Jonathan Nolan, son frère ; sujet évidemment plus personnel que le blockbuster Batman Begins, mais avec les moyens de Batman Begins (même équipe technique : Wally Pfister directeur de la photographie, Nathan Crowley chef décorateur, et Lee Smith chef monteur) ; mêmes acteurs époustouflants (Christian Bale et Michael Caine), et de nouveaux venus chez Nolan mais qui n'en finissent plus de briller ailleurs (Hugh Jackman et Scarlett Johansson, vus ensemble la semaine dernière à l'affiche du dernier Woody Allen).

Techniquement, admettons-le de suite, The Prestige est étonnament un bon cran en-dessous de ces précédentes réalisations. Trop souvent, les images font factices (très "studio") et la photographie ne brille vraiment pas par sa beauté. Peut-être est-ce l'effet "film en costumes" (époque victorienne), mais on retrouve trop peu souvent la brillante fluidité et inventivité de la mise en scène de Nolan. Le réalisateur et son directeur de photographie disent avoir mis au point un style artisanal, privilégiant des mouvements d'appareils simples et réduisant l'optique au strict minimum : "On a essayé , autant que possible de filmer les scènes caméra à l'épaule pour capter la beauté de l'instant. C'était beaucoup plus efficace et spontané. C'est une démarche originale et libératrice qui donne au film un style naturaliste et qui se distingue nettement de l'approche actuelle du film en costume". Etonnament, je ne retrouve pas le résultat de ces intentions à l'écran. Non pas que le film soit laid, loin de là, mais il n'a clairement pas la classe à laquelle on pouvait s'attendre de la part de Nolan. Film "mineur" ou bâclé avant de tourner la suite de Batman ?

Par contre, au niveau du scénario qui raconte la terrible rivalité entre deux magiciens dans le Londres du début du XXe siècle, on retrouve parfaitement certaines thématiques chères à Nolan, à savoir la dualité, la quête de la personnalité, l'abnégation à une cause et ses sacrifices. La cruauté dont les deux magiciens vont faire preuve pour arriver à se surpasser l'un et l'autre n'a quasiment pas de limite et les frères Nolan exploitent très bien la misère qu'ils vont semer autour d'eux dans cette fuite en avant. Accessoirement, cette plongée dans le milieu si secret de la magie est assez originale pour susciter très souvent beaucoup de curiosité, ce qui permet évidemment aussi de prendre ce film comme un "simple" divertissement (sombre, certes).

8/10

18:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2)