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08 juin 2006

Le Caïman



Nanni Moretti a choisi pour Le Caïman une structure classique mais souvent très mal mise en scène : le film dans le film. Cette mise en abyme sert ici à raconter l'histoire d'un producteur de séries Z, dont la société est au bord du dépôt de bilan, et dont la vie sentimentale est un désastre.

Son chemin va croiser celui d'une jeune réalisatrice qui lui apporte un scénario, "Le Caïman", dont il va s'apercevoir qu'il s'agit d'une biographie de Berlusconi. Commence alors à naître en lui un nouvel élan vital : celui de l'affirmation de sa dignité en parvenant à produire ce film dont personne ne veut.

Le Caïman, c'est donc le nom du film de Moretti, mais c'est donc surtout le nom du film que l'on voit se construire dans la tête du producteur, homme à la dérive dont le film de Moretti est l'étude principale. Le plus gros malentendu est de penser que ce film est consacré à Berlusconi...

Mais c'est du traitement de ces deux sujets à la fois (portrait d'un cinéaste au bout du rouleau et critique politico-sociale de l'Italie) que naît la confusion. Bien que Moretti soit plutôt habile dans la superposition et l'enchevêtrement de ces deux thèmes, il ne parvient pas à mon avis à être très convaincant dans aucun des deux.

La critique politico-sociale consiste tout simplement à rappeler quelques très grandes lignes de la vie de Berlusconi et à faire passer lourdement le message comme quoi l'Italie n'est plus qu'une Italie d'opérette, ou que la gauche a été d'une inefficacité totale face à l'ascension de Berlusconi ("Comme la gauche est triste, elle est triste au point de rendre les gens tristes").

Le drame familial et professionnel vécu par le personnage principal est lui plus intéressant, bien que tout ce qui arrive dans sa vie professionnelle soit d'une grande banalité et montre assez factuellement à quel point il est difficile de faire un film. Grâce aux talents des acteurs et à la mise en scène élégante de Moretti, il y a de beaux moments de grâce dans les scènes familiales. Ce sont hélas les trop rares moments d'émotion, le reste du film étant un peu victime de la mise en abyme qui apporte ici distance et aspect factice qui font au global du Caïman une série B. Seule la fin, magistrale (dont je ne dévoilerai rien ici pour ne rien gâcher) vient rappeler que Nanni Moretti est un cinéaste qui boxe normalement dans une autre catégorie.

6/10

16:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma

07 juin 2006

Dégustation du 01/06/06 - Glenmorangie, Bushmills, Johnnie Walker, Ardbeg, Talisker, Lagavulin


La dégustation de juin avait lieu dans un endroit prestigieux : le plus beau show room de France de Mercedes, le Mercedes-Benz Center à Rueil-Malmaison. Au programme, pas moins de 6 distilleries différentes et 8 whiskies à déguster (!), avec découvertes d'alliances gustatives des plus intéressantes...

Les plus blasés argueront que les distilleries étaient "bien connues" et n'apportaient donc nulle découverte, ce à quoi je rétorquerai immédiatement que le Club n'est pas constitué que d'experts (pour ma part, je n'avais jamais rien dégusté de 3 distilleries sur 6), et que les produits proposés par ces maisons étaient souvent loin de constituer des versions dégustées couramment.

Les 6 distilleries étaient réparties en 6 stands, disséminés dans le MBC (3 au rez-de-chaussée, 3 à l'étage), ce qui permettait de profiter des fantastiques Mercedes exposées (en dehors des voitures de luxe à vendre, dans lesquelles on pouvait même monter, il y avait des parties "musée" avec des SL300 d'exception, etc.). Mais il n'y avait pas que le lieu qui était prestigieux ; nombre de distilleries avaient choisi des versions très haut de gamme de leurs produits... Voici un petit compte-rendu, stand par stand, dont l'ordre est celui qui était suggéré par l'organisation afin de ne pas se casser le palais.

Glenmorangie : Cette distillerie est célèbre (entre autres) pour ses alambics pot still les plus hauts d’Ecosse (5m13). Ces alambics jouent un rôle prépondérant dans le caractère léger et subtil du Glenmorangie. Seules les vapeurs d’alcool les plus volatiles sont en effet récupérées. La version proposée ce soir là était l'Artisan Cask (46%), un single malt distillé en 1995, vieilli en fût de bourbon de premier remplissage. Le moins qu'on puisse dire c'est que ce whisky est surprenant : le nez est plutôt épicé avec des notes de caramel, et en bouche, il est très fin mais plutôt sucré (vanille), et la finale poivrée... un mélange fort surprenant ! Très agréable à boire, en apéritif ou en dessert j'imagine. Si j'ai bien compris, cette version sera mise prochainement en vente en France. Reste à voir le prix, car au Royaume-Uni cette version vaut à peu près 45 euros les 50 cl. (car attention, son flacon fait bien 50 et pas les traditionnels 70 cl...).

Bushmills : On ne présente plus Bushmills ! Voir au besoin la soirée spéciale Bushmills de mars 2006. Ce qui est super pour nous membres du Club, c'est que le Bushmills présenté ce soir était différent de ceux dégustés en mars ! Et toujours dans le haut de gamme : cette fois, c'est le 21 ans (40%), single malt vieilli en fûts de madère. Rien qu'au nez, on sait qu'on a bien affaire à un Bushmills (épices, miel...). En bouche, c'est d'une finesse vraiment extra, avec les notes subtiles de fruits (agrumes) et de chocolat... or justement, ce Bushmills était à déguster avec la première association de la soirée : une alliance de glace à la vanille/mandarine avec chocolat et morceau d'orange, chaque ingrédient étant censé souligner ces arômes présents dans ce whiskey. J'ai trouvé cela intéressant, sans être pour autant vraiment convaincu. Il m'a sembleé que ce Bushmills était trop fin et peut-être pas assez puissant (40% donc) pour faire face à cette bouchée (excellente par ailleurs !). Encore un Bushmills vraiment intéressant, mais au prix un peu trop élevé (environ 140 euros).

Johnnie Walker : Je vois d'ici des mauvaises langues rire sous cape. Quoi, Johnnie Walker, dont le Red Label est le whisky le plus vendu au monde, était présent à cette soirée ? Oui... Bien qu'on puisse snober les blends, JW propose plusieurs types de "labels", avec des qualités évidemment croissantes : Red, Black, Green, Gold et Blue. Je n'avais jamais rien bu au-dessus du Black, et ça tombait bien car on nous proposait du Green, et le top du top chez JW, le Blue ! Rappelons que JW est un mélange de single malts de 4 distilleries : Cragganmore et Linkwood (du Speyside), Caol Ila (île d'Islay), et Talisker (île de Skye). La bonne idée du stand était de proposer 4 whiskies de ces distilleries pour en apprécier le nez et voir comment on en retrouvait les composantes dans les blends de JW. Le Green (43 %, 15 ans - l'âge dans un blend désignant le plus jeune âge des single malts présents dans le blend) a assez peu d'intérêt à mon avis ; on retrouve ce manque de personnalité qui caractérise les blends. Par contre, avec le Blue, je comprends qu'on puisse aimer un blend. Mais à quel niveau de prix faut-il alors monter (environ 150 euros !). Même si la qualité est surprenante, ce qui me plaît le plus dans le Blue est constitué d'arômes que j'aime dans les single malts dont il est issu (Caol Ila et Linkwood notamment). Et désolé, mais à ce prix là, personnellement je préfère aller vers des single malts de ces distilleries. Mais c'était vraiment une chouette opportunité que de pouvoir enfin faire connaissance avec le Blue à l'oeil...

Intermède bar à cocktails


Un bar à cocktails était également à notre disposition, avec des produits autres que du whisky : du gin et de la vodka. Avant de monter à l'étage, je décidais de me rincer le palais avec un cocktail amer, et c'est ainsi que je pus découvrir une superbe vodka, française de surcroît (faite à Gaillac !), distillée cinq fois à base de pépins de raisin : Cîroc. On ne le trouve pas en grande surface, mais chez les cavistes, et pour environ 30 euros, voilà une belle affaire ! Découverte "dry" (même formule que pour le gin : vodka, avec un soupçon de Noilly-Prat, et une olive !), on peut dire que ce fut un surprenant et délicieux intermède !

Ardbeg : 4ème distillerie de la soirée, et le début des choses vraiment sérieuses ! Distillerie réputée mais uniquement auprès des connaisseurs (Ardbeg produit les single malts les plus tourbés d'Ecosse), j'avais hâte de découvrir enfin cette distillerie. Il y avait en fait deux stands Ardbeg : un où l'on pouvait déguster le single malt Still Young (56,2%, cask strength), et un autre où l'on pouvait découvrir une alliance avec des cigares (faits sur place, roulés à la main devant les amateurs ébahis) avec un autre single malt, Uigeadail (54,2%, cask strength). N'aillant découvert le stand "cigare" qu'à la fin (il était "caché" afin que la fumée ne perturbe pas la dégustation générale - excellente initiative d'ailleurs), j'avoue ne pas avoir pu me faire une idée fidèle du Uigeadail (après 7 whiskies, même avec rinçages entre chaque, le palais est à la fin quelque peu perturbé). Ce que je sais, c'est qu'il a été lancé en 2003, et créé à partir de fûts sélectionnés datant des années 1990 et certains bien plus anciens ayant contenu du sherry. Par contre, je peux parler du Still Young, qui doit son nom à ses 8 ans de maturation pour la version mise en vente en 2006 (contre 10 pour la première version portant un âge dans la gamme des Ardbeg).

Entièrement produit dans des fûts de premier remplissage, cette mise en bouteille est la deuxième d'une série annuelle provenant du même distillat. En 2004, une version 6 ans avait été mise en vente (Very Young). Chaque année, Ardbeg va sortir une version de ce distillat jusqu'à ce que ces fûts aient atteint l'age traditionnel de 10 ans.

 

Embouteillé à un taux d'alcool musclé de 56,2, le STill Young est très impressionnant ; ce n'est pas forcément subtil, mais il faut avouer que la séduction est quasiment immédiate. Ardbeg produit les malts les plus tourbés d'Ecosse ? Et comment ! La bouche est un feu d'artifice de tourbe, de fumée et de sel, avec une finale néanmoins herbacée, fruitée et longue, mais longue... Il y a un manque de complexité lié sans doute au jeune âge, mais pour une première rencontre avec Ardbeg, quelle rencontre ! Le prix de 49 euros en fait une sacrée affaire... Bravo !

Talisker : L'unique distillerie de l'île de Skye est bien connue. Nous avions droit ici au haut de gamme de Talisker, une version 20 ans cask strength titrant 58,8 %, vieilli en fûts de bourbon. Le whisky était ici proposé avec une alliance de saumon cru (une fine tranche roulée et fourrée de tapenade d'olive noire). Je dois dire que la fatigue des sens commençait à se faire sentir et c'est extrêmement dommage car je pense être passé à côté de ce Talisker, dont le caractère iodé s'accordait vraiment bien à mon goût avec la saumon (qui était d'une qualité irréprochable), mais j'ai eu le sentiment que c'était du whisky trop haut de gamme pour être marié ainsi à de la nourriture. Bref, à regoûter, les papilles reposées et sans accompagnement.

Lagavulin : L'exceptionnel était pour la fin, et ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai compris notre erreur tragique. En arrivant au 6ème stand, et après avoir dégusté avant 6 whiskies, une vodka et des petits fours, même avec des rinçages réguliers, le palais n'est donc plus en état d'apprécier à sa juste valeur un whisky de la classe de celui proposé par Lagavulin ce soir là : le top du top de la distillerie, le 25 ans cask strength titrant 57,2%. Il aurait donc fallu sauter quelques stands et venir directement à celui-ci, ce qu'on fait visiblement des connaisseurs par ailleurs bien peu respectueux de leurs pairs, puisque des indélicats se sont grassement servis et re-servis, tant et si bien que de nombreuses personnes n'ont rien eu (nous avons eu les dernières gouttes de l'ultime bouteille). Carton rouges à ces égoïstes et carton jaune au stand qui aurait pu assez facilement repérer qui venait se re-servir.

Le Lagavulin 25 ans, limité à 9000 bouteilles, coûte quand même la bagatelle de 240 euros. Avec 2cl dans le verre, on nous en offrait déjà en gros 7 euros de valeur commerciale. En outre, ce Lagavulin était proposé avec une alliance curieuse mais excellente : pain d'épice avec morceau de roquefort, poire et bergamote, chaque ingrédient étant censé se retrouver dans le whisky. Cette fois, j'ai pris soin de déguster séparément le whisky. J'en ai un souvenir exceptionnel. Là encore reste la frustration de ne l'avoir évidemment pas apprécié à sa juste valeur donc je n'en parlerai pas.

Conclusion : Une soirée très bien organisée (navettes pour nous emmener au MBC depuis la Porte Maillot, navettes pour le retour avec trois horaires différents...), des distilleries pour la plupart très connues mais proposant des versions très haut de gamme, des alliances avec des produits de très belle qualité, un lieu exceptionnel... Franchement, c'était fantastique, mais peut-être... trop ! Trop de bonnes choses en trop peu de temps (les deux heures sont passées à une vitesse...), et une sensation un peu absurde de frustration, du coup ! Sensation de ne pas avoir apprécié les plus beaux whiskies proposés à l'étage, faute de temps. Personnellement, il m'a manqué évidemment l'aspect chaleureux des dégustations habituelles à l'aveugle avec les commentaires de Jean-Marc ou de Corinne, mais c'était ici impossible bien entendu ! Cela aurait été plus intéressant que les échanges avec le personnel de certains stands qui nous ont pris soit pour des novices (étaient-ils au courant que c'était une dégustation pour les membres du Club de la Maison du Whisky ?), soit pour des clients potentiels à qui il fallait vendre le produit (Johnnie Walker, hum...). C'était toujours gentil, mais pas forcément adapté au profil des membres du Club. Ce sont des détails évidemment mineurs qui ne rabaissent en rien le plaisir éprouvé lors de cette soirée, dont l'existence était une véritable chance. Encore MERCI !

16:00 Publié dans Whisky | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Alcools!, alcools, alcool, whisky

06 juin 2006

Volver



Volver est le 15ème ou 16ème film de Pedro Almodovar, et une fois de plus (même si je n'ai pas vu absolument tous ses films), je suis passablement conquis.

Très franchement, je ne suis absolument pas surpris que le réalisateur espagnol n'ait toujours pas décroché la timbale à Cannes. Le buzz entourant Volver dans le presse a fait "pschitttt" au 59ème festival. Curieuse presse française, dont il faut ô combien se méfier et à laquelle je préfère ô combien les blogs, moins sujets à d'étranges "coups de coeurs" parfois bizarrement unanimes.

Bien entendu, Volver est plutôt au-dessus de la production "moyenne" cinématographique, grâce à son scénario et son jeu d'acteurs (tiens, les deux prix de consolation décrochés à Cannes...). Bien entendu, Volver est certainement bien plus touchant pour les femmes et pour les hispanophones. Mais Almodovar, une fois de plus, montre à quel point sa grammaire de metteur en scène est peu imaginative. Sa réalisation est à mes yeux banale, et je me suis surpris à me poser une question : si l'histoire de Volver avait été située en France, avec des acteurs français tout aussi talentueux (et nous en avons), en aurait-on fait tout un foin ?

A chacun de se déterminer... Néanmoins, il me semble significatif qu'Almodovar ne cartonne pas dans son propre pays.

A ce sujet, il me paraît pertinent de rapporter quelques propos de la réalisatrice espagnole Isabel Coixet, dans l'émission Cinéfilm sur France Inter, en avril dernier, pour la sortie de son film The Secret Life of Words (La vida secreta de las palabras). Venant d'une Espagnole, réalisatrice, je pense que c'est plutôt intéressant, même si ça n'est qu'une opinion (bien plus éclairée que la mienne ceci dit).

Cette année, le film de Coixet a reçu quatre Goya en Espagne, l'équivalent de nos César, dont celui du meilleur film, de la meilleure réalisatrice et du meilleur scénario.

Pedro Almodovar a produit son film, après avoir été époustouflé par le scénario de son film précédent (Ma vie sans moi, qui avait gagné le Goya du meilleur scénario), à tel point qu'il avait voulu le réaliser mais Almodovar avait reconnu qu'il ne serait jamais parvenu à un tel résultat.

Cela n'a pas empêché Isabel Coixet de confier sur le plateau de Cinéfilm qu'elle avait vu Volver et qu'une fois de plus, pour elle, c'était un film plein de clichés sur l'Espagne, plutôt tape à l'oeil, plein de couleurs, reflétant l'image traditionnelle de l'Espagne qui s'exporte bien à l'étranger (je résume).

Volver est moins extravagant, moins provocateur il me semble que l'Almodovar moyen, mais je suis sur le fond totalement d'accord avec cette vision un peu "bluff" du cinéma de l'Espagnol. Il ne s'agit nullement de dénigrer ses talents mais juste de les relativiser... pour éviter d'être déçu. En clair, avec Volver, les fans d'Almodovar ne devraient pas l'être (déçus), mais les non-fans ne devraient pas non plus être surpris.

En tout cas, Almodovar peut continuer à faire la gueule aux cérémonies de clotûre du festival de Cannes ; s'il ne densifie pas un peu ses sujets et sa réalisation, il n'est pas prêt de repartir avec l'Or. A moins qu'il n'ait le Festival à l'usure !

7/10

15:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

31 mai 2006

Dans la peau de Jacques Chirac (avant-première)



L'endroit hype où il fallait être mardi 30 mai était le MK2 Quai de Seine, à l'avant-première parisienne (même l'entarteur belge Noël Gaudin était là, c'est dire), en présence des réalisateurs Karl Zéro et Michel Royer et du producteur Yves Darondeau, qui se sont soumis au jeu très intéressant des questions, qui permettent d'alimenter cette note avec nombre d'éclairages utiles à la compréhension de ce projet très particulier.

Jacques Chirac est l'homme politique qui a été le plus filmé en France ; l'INA estime qu'il y a environ 40 000 heures d'archives où Chirac apparaît. Il y a une trace filmée de lui quasiment tous les jours depuis près de 40 ans.

Ceci a permis à Michel Royer, spécialiste des archives télévisuelles, de trouver au fil des ans, nombre de documents étonnants (pour info, Royer alimente "Madame, Monsieur, bonsoir", émission diffusée sur France 5 et consacrée au traitement de l'information par le petit écran au fil des époques ; mais il est aussi un co-créateur de l'émission "Les Enfants de la Télé", ainsi que "Les 24 heures de la télé", mettant en valeur les archives de l'INA dans le cadre des Journées du patrimoine, etc.). Royer, qui a aussi longtemps travaillé pour Canal+ (notamment l'émission le Vrai Journal), a un jour donné l'idée à Karl Zéro de compiler toutes les images fortes trouvées sur Chirac pour en faire un documentaire (l'idée n'était pas encore d'en faire un film). C'était il y a 7 ans ; mais aucune télévision n'en a voulu à l'époque. Le projet a donc été abandonné.

Il a refait surface il y a 2 ans, en pensant cette fois à une sortie en salles. Karl Zéro et Michel Royer ont ainsi montré des montages de 10 à 30 minutes, à diverses télévisions (qui financent les films) et producteurs. Les réactions étaient positives, mais finalement personne n'a osé produire le film. La même année, le film Fahrenheit 9/11 de Michael Moore est sorti et a eu le succès que l'on sait. Zéro et Royer, ne voulant pas être accusé de copier le style de Michael Moore, ont dû alors trouver une nouvelle idée de mise en scène, car à l'origine, les images d'archives devaient être commentées par Zéro et ponctuées de nouveaux entretiens avec des proches de Chirac.

Zéro a eu l'idée d'utiliser exclusivement des images d'archives (et pas de nouveaux entretiens), ainsi que de faire commenter les images par la propre voix de Chirac, en faisant appel à Didier Gustin (car il estime que c'est l'imitateur qui s'en rapproche techniquement le plus, alors qu'un Yves Lecoq ou un Laurent Gerra insuffle trop de sa personnalité dans son imitation et ce n'était pas ce qu'il cherchait pour ce projet). Les commentaires ont été écrits non seulement par Zéro, mais aussi par Eric Zemmour, journaliste au Figaro, qui a signé en 2002 une biographie de Jacques Chirac (Chirac, l'homme qui ne s'aimait pas).

Sous cette forme, finalement une seule société de production a osé co-financer le film (le reste étant financé sur les deniers personnels de Karl Zéro) : Bonne pioche, qui a connu en 2005 un succès inattendu grâce à La Marche de l'Empereur, projet dont personne n'avait voulu non plus.

Très loin d'être un simple bêtisier, ce film est plutôt une leçon de politique originale. Sous un aspect certes ludique (car on rit franchement beaucoup durant 1h30), le film se contente de montrer des faits, et uniquement des faits (tout ce que dit la voix off est également factuel). Même si on n'apprend rien de vraiment nouveau, ce portrait de Chirac nous renvoie à nos propres responsabilités d'électeurs : si Chirac est l'homme politique français le plus "capé", c'est grâce à nous. Et le film nous rappelle en fait durement pourquoi : Chirac, qui n'a jamais cru à rien, avec son cynisme assumé (plusieurs séquences le rappellent ô comment !), a toujours dit ce que les gens voulaient entendre au bon moment et au bon endroit. Comme n'importe quel politique, diront les plus blasés ; oui, mais Chirac est sans doute le seul à s'y être employé aussi intensément et avec autant de talent.

Ce film n'est donc nullement un brûlot ou une critique négative de Chirac, mais dresse au contraire un portrait presque flatteur du talent de l'homme pour conquérir le pouvoir : la "bête" politique, cette vitalité unique, occupant inlassablement le terrain pour aller à la pêche aux voix, son talent pour tuer politiquement ses ennemis, ces gaffes dont il a su jouer pour passer pour un "grand con" et se faire percevoir comme plus proche de M. Tout-le-monde, son extraordinaire capacité d'apprentissage, et son talent presque unique pour mentir ("plus c'est gros, plus ça passe", appliqué souvent avec succès).

La mise en images de quarante années de tels exploits est évidemment désopilante, mais elle laisse une impression douloureuse en sortant de la salle : finalement, celui qui peut en rire le dernier, c'est bien Chirac, puisque tout ceci a marché. Dur constat (ou rappel, c'est selon) pour notre démocratie.

8/10

11:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Cinéma

29 mai 2006

X-Men : The Last Stand



L'association des plus grands talents ne fait pas nécessairement les plus grandes oeuvres. Par contre, l'association de plusieurs bras cassés aboutit rarement à un résultat heureux. Et avec ce dernier volet de la trilogie X-Men, le résultat est hélas conforme aux cauchemars du cinéphile...

Il est difficile de comprendre qu'est-ce qui a pu pousser la Fox et Marvel (producteurs) à finalement choisir Brett Ratner, expert ès-comédies navrantes (Rush Hour 1, 2 et bientôt 3...), film d'action stéréotypé (Coup d'éclat avec Pierce Brosnan...), et ratage honteux (Dragon Rouge, de loin le pire épisode de la trilogie Hannibal).

On s'étonne autant du choix du co-scénariste Simon Kinberg (XXX 2, Mr & Mrs Smith !). Heureusement, l'autre co-scénariste, Zak Penn, est un rescapé de X-Men 2, mais bien évidemment, le grand absent, c'est Bryan Singer, un des réalisateurs les plus doués de sa génération et qui avait co-signé les scénarii des deux premiers X-Men. Lui seul assurait une cohésion à l'ensemble du projet.

Son absence est ici extrêmement cruelle. Le talent et l'implication de Singer avaient permis de signer les films de super-héros les plus fins et parmi les mieux mis en scène qui soient. Ce troisième volet casse la dynamique mise en place, à la fois par une réalisation désespérante et un scénario qui prend l'eau. Pourtant, ce n'est pas totalement désagréable à regarder, grâce au plaisir de retrouver les personnages si bien développés par Singer.

La réalisation : pas de miracle, Ratner filme comme un employé va au bureau. C'est plat comme un téléfilm tourné à la chaîne. Le problème, c'est que si cela peut suffire pour Rush Hour, pour un film de la saga X-Men, cela évacue totalement toute émotion aux moments-clés (en particulier les scènes avec Jean Grey - je ne détaille pas pour ne pas spoiler). Pire encore (vu que X-Men est tout de même principalement un film d'action), l'intensité des combats est quasiment nulle. L'affrontement final est à ce titre horriblement factice. Peu de plans larges, montage saccadé... Où est le panache ?

Le scénario : il est frustrant car l'histoire centrée autour de Jean Grey et du mutant qui annihile les pouvoirs des autres mutants donne lieu à une intrigue propice à des enjeux avec une envergure très intéressante. Ce terreau fertile est hélas inhibé par des dialogues très peu inspirés (et des punchlines qui tombent lamentablement à l'eau...) et une multiplication stupide du nombre de mutants, tant et si bien qu'aucun n'est correctement développé. Il en résulte soit de la frustration (Colossus, Angel - alors que ce dernier apparaît sur l'affiche à droite juste derrière Wolverine, en tenue de combat de surcroît, ce qui n'est jamais le cas dans le film !), soit du ridicule (Juggernaut, Multiple Man...). Nos X-Men habituels en sont réduits à de la figuration et du stéréotype (Wolverine, Mystique, Cyclope...).

Mais le pire est peut-être la destruction de la vision originale du projet. Bryan Singer avait réussi à glisser intelligemment une réflexion derrière le film d'action ; une ode à la tolérance. Cet aspect est ici totalement oublié, voire inversé. Les mutants qui se révoltent, embrigadés par Magneto, sont des camés, des immigrés (en bref, des parias), qui ne veulent laisser aucune liberté de choix aux autres mutants souhaitant perdre leur gène mutant, par peur que le gouvernement ne se serve finalement de l'antidote pour faire disparaître toutes les mutations (menace qui ne plane pourtant à aucun moment, mais simple prétexte pour la baston finale !). Le thème de la xénophobie est donc ici déporté vers des mutants qui en veulent à d'autres mutants et aux humains non mutants... Glissement malheureux et pervers.

En a-t-on fini avec X-Men au cinéma ? On serait tenté de le croire avec le titre du film, mais la Fox se laisse une grande porte de sortie avec la présence d'une scène post-générique (il faut rester jusqu'à l'ultime fin pour la voir...).

Rebaptisons le film en "X-Men : L'affrontement final sauf si le box-office impose le contraire". Oui, mais alors, tout sauf Brett Ratner svp ! On regardera néanmoins avec attention Superman Returns (le 12 juillet) pour voir si Bryan Singer n'a pas quitté la franchise X-Men pour rien...

6/10

12:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma