Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18 février 2009

Walkyrie



Ouf ! Bryan Singer a enfin laissé tomber les films de super-héros, qui allaient en s'essouflant, et qui ne lui permettaient pas d'exprimer pleinement son talent, tant les projets de l'envergure d'un Superman Returns imposaient une influence néfaste des studios qui les finançaient...

Avec Walkyrie, Singer ne revient pas directement à un film très personnel, mais au travers de ce thriller historique (un minimum de faits ont été romancés quant à la dernière tentative d'assassinat d'Hitler), il traite un thème qui lui est cher, le nazisme, déjà abordé dans Apt Pupil et dans X-Men avec le personnage de Magneto.

Walkyrie est un divertissement haut de gamme, une excellente surprise qui repose sur deux solides fondations : une mise en scène sobre (peu de scènes d'action) et classe (quelle photographie, quels cadrages !), et un suspense infernal (grand merci au scénariste Christopher McQuarrie de retour aux côtés de Singer après le fameux Usual Suspects), quand bien même tout le monde sait que l'attentat n'aura pas atteint son but.

C'est probablement la plus grande force du film : arriver à scotcher le spectateur à son fauteuil malgré la fin connue, lui faire sentir à quel point le retournement de l'Histoire s'est joué à de petits riens, et lui faire éprouver ce qu'on pu ressentir les officiers impliqués dans le coup d'Etat (incroyable scène dans le nid d'aigle d'Hitler des montagnes bavaroises). La section comprise entre l'explosion et la reprise en main par Hitler du contrôle de la situation constitue une des plus belles guerres des nerfs que j'ai pu voir au cinéma.

On pourra toujours reprocher au film d'être manichéen. Pas tant que ça : les personnages sont d'une noirceur rare, et interprétés par des acteurs pas vraiment lisses (Kenneth Branagh, Terrence Stamp, Bill Nighy). Même Cruise s'en sort grâce à sa sobriété et les handicaps de son personnage qui était borgne, amputé d'une main et de deux doigts à sa dernière main. On est loin d'un film d'héroïsme dévergondé et décervelé. Certes, c'est le rythme et l'efficacité qui sont privilégiés : le parti pris est assumé. Il ne faut espérer de Walkyrie un programme qu'il ne promet pas.

Le seul reproche que j'adresse au film est inhérent à sa conception : c'est le tournage en langue anglaise. Heureusement, le scénario est tellement passionnant qu'on finit par ne plus y prêter attention, mais il est fort probable qu'un projet intégralement allemand aurait changé la perception de nombre de spectateurs.

8/10

14 février 2009

L'Autre



Anne-Marie se sépare d'Alex. Il veut une vraie vie conjugale. Elle veut garder sa liberté. Ils se séparent sans heurt et continuent à se voir.
Pourtant, lorsqu'elle apprend qu'Alex a une nouvelle maîtresse, Anne-Marie devient folle de jalousie. Et bascule dans un monde inquiétant, fourmillant de signes et de menaces.


Ce pitch, la revue de presse dithyrambique et la présence de Dominique Blanc (qui a décroché la récompense de meilleure actrice à la Mostra de Venise avec ce film en 2008) m'ont incité à aller voir L'Autre, deuxième film du tandem Pierre Trividic et Patrick Mario Bernard.

Techniquement, nous avons affaire à du haut vol. La photographie est nettement influencée par l'œuvre de Michael Mann, tout comme l'environnement urbain qui est un personnage à part entière. La prise de son est très soignée et rejoint bien entendu le souci du détail propre aux bandes-sons de Lynch, qui sont un élément essentiel pour rentrer dans l'exercice de style métaphysique qui consiste à faire ressentir physiquement les émotions d'une personne qui sombre peu à peu dans une perception altérée de la réalité.

La seule limite de L'Autre est peut-être d'être trop cérébral, et de ne pas offrir suffisamment d'inquiétude dans l'étrangeté promise. Du coup, les 97 minutes du film semblent parfois un peu longues. C'est probablement un film à revoir, car son parti-pris de grande sécheresse en fait une œuvre difficile à réellement aimer. Il est indéniable que le sentiment de paranoïa et de malaise continue de hanter l'esprit après la projection. Il y a juste un goût d'inachevé : personnellement j'aurais aimé que le film aille plus loin dans son dérangement, à l'instar d'un Haneke.

7/10

08 février 2009

The Curious Case of Benjamin Button



Après le brillant Zodiac, qui marquait un retour en très grande forme de David Fincher, Benjamin Button pose un paradoxe dans le parcours de ce cinéaste américain surdoué dans sa mise en scène, mais qui persiste à ne pas écrire ses scénarios.

C'est en effet là que se situe ce paradoxe : Benjamin Button est un film visuellement magnifique, techniquement terrassant, mais son histoire est non seulement naïve voire mièvre, mais aussi terriblement linéaire et sans surprise (si tant qu'on connaît le pitch en entrant dans la salle), ce qui est ennuyeux sur près de 2h45... Fincher en vient même à utiliser des ressorts qu'on ne croyait voir que chez Jean-Pierre Jeunet (le galimatias autour du hasard et du destin pour amener l'accident de voiture). Quant au voyage initiatique de Button, il n'a pas grand-chose à envier à celui de Forrest Gump. Pourtant, Zemeckis et Fincher, c'est pas vraiment le même combat... mais là, presque !

Les scènes magnifiques ne manquent pourtant pas (par exemple : toutes celles où Cate Blanchett danse, en particulier sous le kiosque), mais l'émotion est souvent facile. Il faut aller chercher des passages particuliers pour trouver du vrai Fincher, de l'original et inimitable : les scènes de nuit dans l'hôtel en Russie en sont un exemple rassurant.

Il est difficile de reprocher à Fincher de vouloir probablement draguer quelques Oscars (il n'en a jamais eu...). Certes, qui peut le plus peut le moins, mais c'est assez rageant de voir un des plus grands cinéastes américains de sa génération délivrer une telle coquille creuse (vide serait injuste). La réflexion sur la vie et la mort tourne court, le pitch offrait pourtant là une occasion de délivrer autre chose que du premier degré destiné à faire pleurer dans les chaumières. Rapidement, hélas, pour tromper l'ennui, on se prend à surveiller les prouesses des trucages numériques et du maquillage pour voir de quoi Brad Pitt (plutôt transparent dans ce film) aura l'air au plan suivant, à mesure qu'il rajeunit. Mauvais signe...

6/10

06 février 2009

Espion(s)



On le tient enfin, le digne film de genre (espionnage) à prétendre s'inscrire dans la qualité lancée par Les Patriotes d'Eric Rochant. Nicolas Saada, critique aux Cahiers du Cinéma pendant plus de 10 ans, et présentateur d'une émission spécialisée sur les musiques de film sur Radio Nova, a en effet considérablement étudié son premier long-métrage de manière à ne pas tomber dans les pièges et clichés qu'il a eu l'habitude de dénoncer en tant que critique.

On aurait justement pu craindre un effet pervers : une surenchère de références liée aux codes du genre et à la culture cinématographique de Saada. Si l'ombre d'Hitchcock plane subtilement sur le film (le quidam qui se retrouve embarqué dans une histoire qui le dépasse : La Mort aux Trousses, L'Homme qui en savait trop...), il n'y nulle citation directe, contrairement à ce que peut faire un cinéphile comme Tarantino dans ses œuvres. Et quant aux codes, Saada, auteur du scénario, a su les dépasser en ne faisant de l'espionnage qu'un cadre, celui d'une histoire d'amour peu banale, froide et désenchantée. Dans les scènes incontournables au genre, on ne trouve aucun gadget, aucune technologie.

Saada désamorce également les poncifs des personnages principaux du genre en en faisant des être fragiles, faibles, manipulés, à l'opposé d'héros ou de femme fatale. Guillaume Canet, habituellement difficilement supportable comme acteur, colle parfaitement au personnage : les traits creusés, il est renfermé et sans idéal.

Sobriété, classicisme et rigueur semblent être les maîtres mots de la mise en scène de Saada, qui semble avoir tout compris pour éviter les pièges inhérents aux productions françaises. Il a choisi de situer l'action à Londres, en s'immergeant dans la ville avec des plans resserrés. Les scènes d'intérieur sont remarquables de composition, avec une lumière froide et crue du meilleur effet. L'économie des dialogues permet d'axer le ressort dramatique des scènes-chocs sur une tension apportée par des plans fixes utilisés aux bons moments. On en oublie complètement du coup l'approximation des effets spéciaux très limités par le budget.

Il serait injuste de ne pas terminer ce billet par quelques mots sur la musique du film. Grand connaisseur du sujet, Saada ne pouvait pas se contenter d'une prestation stéréotypée qui dessert tant les productions françaises (cf. mes notes sur Pour Elle et Secret Défense). Il a fait appel sans trop y croire à Cliff Martinez, compositeur de Steven Soderbergh notamment, qui a accepté. Tour à tour élégante et oppressante, c'est au final une musique qui sied totalement au film, sans surligner inutilement les scènes.

8/10

01 février 2009

Revolutionary Road



Il est évident que l'ancien metteur en scène de théâtre Sam Mendes a réussi à ne pas vendre son âme au diable en se lançant dans le cinéma. Depuis 1999 et le succès planétaire d'American Beauty, cet Anglais a su sortir subtilement du cadre hollywoodien, sans en avoir l'air.

American Beauty restera sans doute une exception dans son œuvre, et en particulier parce qu'Alan Ball en est le scénariste ; il est à craindre pour Mendes que toute sa filmographie sera systématiquement comparée à son premier film.

Et c'est bien ce à quoi on ne peut résister pour parler de Revolutionary Road, car thématiquement, le film tisse un lien de parenté plus qu'évident avec American Beauty. Une nouvelle fois, le cadre de la banlieue résidentielle et proprette est convoqué pour en montrer l'étouffante aliénation qui peut conduire à la crise existentielle et à la mort.

Bien heureusement, Mendes ne raconte pas la même histoire pour autant, non seulement parce qu'il change d'époque, mais aussi parce que le scénario se resserre autour d'un couple, LE couple DiCaprio/Winslet (Kate Winslet étant Mme Mendes à la ville). La maturité acquise depuis Titanic permet de mesurer le chemin parcouru par ces deux acteurs, la maîtrise absolue revenant à Kate Winslet qui est époustouflante dans son rôle de femme au foyer complètement déchirée par ses idéaux.

Mendes a su faire de ce drame autre chose que les clichés qu'on pouvait en craindre, et il y a des leçons de mise en scène cinglantes. Techniquement, il navigue à mon avis dans les mêmes eaux que David Fincher, Paul Thomas Anderson, ou James Gray, à ceci près que Mendes est anglais, pas américain. Leurs films sont gages d'un moment de cinéma de qualité minimum. Des valeurs sûres, que chacun ordonnera selon sa sensibilité personnelle.

8/10