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06 février 2009

Espion(s)



On le tient enfin, le digne film de genre (espionnage) à prétendre s'inscrire dans la qualité lancée par Les Patriotes d'Eric Rochant. Nicolas Saada, critique aux Cahiers du Cinéma pendant plus de 10 ans, et présentateur d'une émission spécialisée sur les musiques de film sur Radio Nova, a en effet considérablement étudié son premier long-métrage de manière à ne pas tomber dans les pièges et clichés qu'il a eu l'habitude de dénoncer en tant que critique.

On aurait justement pu craindre un effet pervers : une surenchère de références liée aux codes du genre et à la culture cinématographique de Saada. Si l'ombre d'Hitchcock plane subtilement sur le film (le quidam qui se retrouve embarqué dans une histoire qui le dépasse : La Mort aux Trousses, L'Homme qui en savait trop...), il n'y nulle citation directe, contrairement à ce que peut faire un cinéphile comme Tarantino dans ses œuvres. Et quant aux codes, Saada, auteur du scénario, a su les dépasser en ne faisant de l'espionnage qu'un cadre, celui d'une histoire d'amour peu banale, froide et désenchantée. Dans les scènes incontournables au genre, on ne trouve aucun gadget, aucune technologie.

Saada désamorce également les poncifs des personnages principaux du genre en en faisant des être fragiles, faibles, manipulés, à l'opposé d'héros ou de femme fatale. Guillaume Canet, habituellement difficilement supportable comme acteur, colle parfaitement au personnage : les traits creusés, il est renfermé et sans idéal.

Sobriété, classicisme et rigueur semblent être les maîtres mots de la mise en scène de Saada, qui semble avoir tout compris pour éviter les pièges inhérents aux productions françaises. Il a choisi de situer l'action à Londres, en s'immergeant dans la ville avec des plans resserrés. Les scènes d'intérieur sont remarquables de composition, avec une lumière froide et crue du meilleur effet. L'économie des dialogues permet d'axer le ressort dramatique des scènes-chocs sur une tension apportée par des plans fixes utilisés aux bons moments. On en oublie complètement du coup l'approximation des effets spéciaux très limités par le budget.

Il serait injuste de ne pas terminer ce billet par quelques mots sur la musique du film. Grand connaisseur du sujet, Saada ne pouvait pas se contenter d'une prestation stéréotypée qui dessert tant les productions françaises (cf. mes notes sur Pour Elle et Secret Défense). Il a fait appel sans trop y croire à Cliff Martinez, compositeur de Steven Soderbergh notamment, qui a accepté. Tour à tour élégante et oppressante, c'est au final une musique qui sied totalement au film, sans surligner inutilement les scènes.

8/10