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23 mars 2009

The Chaser



Qu'il est bon d'aller à la rencontre de films venant de pays étrangers ! Quand on a la chance qu'ils soient distribués... Après les excellents suédois Morse et autrichien Revanche, voici dans un genre totalement différent, le coréen The Chaser. Le point commun entre ces trois films ? Une furieuse envie de sortir des sentiers battus, une vitalité et une virtuosité qui s'expriment de façon très différente mais évidente. Nos films français souvent nombrilistes et les productions hollywoodiennes stéréotypées n'en paraissent que plus honteuses.

On n'avait plus vraiment vu de bonnes surprises en provenance de Corée du Sud depuis un bon moment. C'est donc avec grand étonnement qu'on est obligé de reconnaître que ce premier long-métrage de Na Hong-jin se place directement au même niveau que ceux de Park Chan-wook et Bong Joon-ho, les deux maîtres incontestés du cinéma coréen. Hong-jin a su insuffler à The Chaser la noirceur, le suspense, la virtuosité et l'humour noir qu'on retrouve dans les œuvres de Bong Joon-ho, et la grandiloquence (par moments) de Park Chan-wook.

Projeté en sélection officielle à Cannes en 2008, mais hors compétition (on se demande bien pourquoi), The Chaser semble redéfinir le polar et ses codes autour du serial killer, comme s'il n'y avait jamais eu de film de ce genre auparavant. Le personnage principal (le "héros") est une ordure (un ex-flic devenu proxénète qui se met en tête de trouver qui fait disparaître ses filles), le serial-killer est connu dès le départ, le suspense et le rythme haletant reposent donc sur des ressorts totalement inhabituels. L'ambiance du film tient entièrement dans un espace-temps contraint (une nuit) dans un Seoul pluvieux, boueux et impénétrable. Hong-jin possède un don particulier pour la captation de petits détails, pas forcément signifiants, mais qui apportent une touche savamment mise en valeur par le montage.

S'il y a des scènes particulièrement stressantes, l'ensemble déconcerte par les ruptures de ton souvent orchestrées par un humour ravageur et totalement... coréen. Inimitable. A quoi va bien pouvoir ressembler le remake hollywoodien déjà prévu avec l'inévitable Leonardo DiCaprio ? La réponse ne m'intéresse même pas, en fin de compte, je préfère acheter le DVD et revoir ce petit chef d'œuvre. En espérant que ce n'était pas un one-shot, et qu'un cinéaste est né (une histoire, invérifiable, venant de Cannes, veut que Na Hong-jin n'avait pas encore été diplômé de son école de cinéma quand il a terminé The Chaser).

9/10

21 mars 2009

Revanche



Revanche (titre original, le mot ayant la même signification en allemand et en français) est une variation franchement originale sur les thèmes de la culpabilité, de la rédemption et du pardon. Film autrichien de Götz Spielmann, il était en compétition pour l'Oscar 2009 du meilleur film en langue étrangère, et on comprend cette sélection à la vision de ce huitième long-métrage du cinéaste, qui en a aussi écrit le scénario.

Spielmann n'a donc rien du débutant et sa maîtrise formelle est impressionnante ; elle n'a rien à envier à son fameux compatriote Michael Haneke. Le scénario ne navigue néanmoins pas dans les mêmes eaux, même si Spielmann, à l'instar d'Haneke, s'ingénie à décevoir les dispositions manichéennes du spectateur. C'est bien là le coup de maître de Spielmann : parti sur un pitch simplissime (un employé d'un bordel à Vienne et sa copine prostituée décident de braquer une banque dans un petit village en campagne pour fuir leur triste vie), il n'a cesse de nous emmener vers des situations, des paysages et des personnages qui fascinent par leur complexité.

Malgré la noirceur de son film, le cinéaste ne se reconnaît pas dans un cinéma social et dénonciateur : "Au-delà des conflits et des événements douloureux que je relate, il y a dans mes films une note foncièrement optimiste, la conviction que la vie a du sens et vaut d'être vécue", insiste-t-il. En mettant l'accent sur la quête spirituelle que mènent ses personnages, Spielmann se refuse à faire un film manipulant les spectateurs par les larmes car selon lui, "il n'y a pas d'incompatibilité entre émotions d'une part et réflexions lucides et précision formelle de l'autre". Désireux de ne pas proposer un banal thriller, le réalisateur n'a pas fait reposer Revanche sur le suspense, tenant à se démarquer du genre et plus essentiellement à confronter des personnages ordinaires à des situations tragiques.

Heureusement qu'il y a encore des distributeurs comme MK2 pour permettre de voir de telles œuvres ; Revanche est sorti sur 9 copies en France, ce qui laisse songeur.

8/10

19 mars 2009

Franz Ferdinand, Olympia, 17/03/2009



En moins de 6 ans et en 3 albums, Franz Ferdinand a déjà aligné un nombre impressionnant de tubes, et il est d'ailleurs très difficile de trouver un autre groupe issu du Royaume-Uni à avoir aligné autant de refrains, devenus de gros classiques, en si peu d'années.

Le groupe a su proposer un rock vitaminé, mâtiné de funk et d'énergie punk, avec des influences aussi variées que Talking Heads, The Beatles ou The Kinks. Mieux, il a su évoluer doucement, mais sûrement, au gré de ses 3 albums. Le premier ne comportait aucun temps mort, ce qui pouvait fatiguer. Le deuxième a su ralentir le tempo sur des titres bien choisis, laissant transparaitre une certaine élégance purement britannique. Enfin, le dernier album propose un ralentissement général du tempo, avec un élargissement certain du champ sonore : pour la première fois, il y a des claviers, et du meilleur effet ! "On a essayé de construire le disque selon le modèle d’une nuit de sortie : il y a d’abord une première partie de préparation, une excitation latente, puis le climax de la soirée, et enfin le retour au bercail, avec l’aube naissante et la fatigue", a déclaré le groupe à sa sortie. La présence de claviers (au son délicieusement distordu, style eighties) était indispensable pour accomplir ce but et chauffer à blanc le public sur le dancefloor.

Dancefloor, c'est d'ailleurs ce à quoi la fosse de l'Olympia a ressemblé pendant les 1h20 de concert (un peu court, mais diablement intense et épuisant). On n'était pas loin de l'ambiance de folie du fameux concert historique (gravé pour la postérité en DVD) de Mika en juin 2007.

Il faut reconnaître à Franz Ferdinand une fraîcheur et une énergie indéniables, qui permettent de passer un concert non pas inoubliable, mais extrêmement divertissant. Impossible de ne pas taper du pied, claquer des mains, chanter à tue-tête, et oublier ses soucis. Sur scène, le groupe est un mélange intéressant d'élégance de dandy (difficile de ne pas penser aux Beatles en voyant Nick McCarthy, le guitariste/claviériste), et de décontraction rock, ce qui ne les empêche pas de se déchaîner si besoin (le solo de batterie où tous les musiciens encerclent la batterie et tapent dessus). Le moment fort ? Indéniablement Lucid Dreams, morceau de près de 10 minutes tiré de leur dernier album, qui commence comme du rock psychédélique et qui se termine en orgie électro. Déjà remarquable sur disque, ce titre était évidemment taillé pour la scène ; il suscite euphorie et transe.

Dans la logique de leur intérêt artistique (leurs disques sont illustrés par des pochettes aux motifs géométriques inspirés du Bauhaus et du constructivisme, et le dernier propose un hommage au style du photographe Weegee), le groupe avait choisi des projections vidéo sur écran géant d'un pop art fort agréable.

Difficile, de nos jours, de demander plus, surtout pour 35€ (en fosse) à l'Olympia, pour un groupe de cette envergure. Donc, chapeau bas.

Setlist:

Matinée
Do You Want To?
No You Girls
Walk Away
The Fallen
Twilight Omens
Take Me Out
Turn It On
40′
Bite Hard
Michael
Ulysses

Rappels:
What She Came For
The Outsiders
Lucid Dreams
This Fire

16 mars 2009

Omar Rodríguez-López, Point Ephémère, 12/03/2009



Omar Rodríguez-López, le guitariste compositeur prolixe de At The Drive-in, The Mars Volta, Omar Rodríguez-López Quintet, El Grupo Nuevo de Omar Rodríguez-López, et autres entités représentant sa carrière "solo", est la principale force créative sur plus de 30 albums depuis 1996. Carrière très difficile à suivre donc, non seulement par la quantité, mais aussi la diversité des collaborations et des patronymes des projets sous lesquels sortent ces albums.

Il était donc difficile de savoir à quoi s'attendre pour sa tournée sous le nom d'Omar Rodríguez-López Group. C'est finalement à un pot-pourri de titres issus de certains de ses albums "solo" et de compositions non identifiées (probablement à venir sur de nouveaux albums) auxquels nous avons eu droit, avec le monstrueux (au sens propre du terme) Thomas Pridgen à la batterie, le batteur actuel de The Mars Volta, qui a fait l'attraction de la tournée 2008 du groupe.

N'ayant pas pu rester jusqu'au bout du concert (pour raisons personnelles, le concert d'Omar ayant hélas commencé à 21h50...), cette chronique sera donc incomplète. Pour attaquer les festivités, Omar a choisi Boiling Death Request a Body to Rest Its Head On, tiré de l'album Se Dice Bisonte, No Bùfalo (2007). Cet album est d'ailleurs clairement un des plus intéressants de sa carrière solo. Il a été écrit en même temps que Amputechture (de The Mars Volta) et la bande originale du film El Búfalo de la Noche de Jorge Hernandez Aldana (d'où le nom de l'album). On y trouve des membres de The Mars Volta (dont le chanteur Cedric Bixler-Zavala et le bassiste Juan Alderete), mais aussi le titre Rapid Fire Tollbooth, qui devint sous forme légèrement retravaillée, Goliath, une des compositions de bravoure du quatrième album de The Mars Volta, The Bedlam In Goliath.

Le seul autre titre que j'ai reconnu était Dyna Sark Arches,, tiré du tout premier album solo d'Omar, A Manual Dexterity: Soundtrack Volume One (2001). Les autres titres que j'ai vus avaient l'inconvénient d'être chantés par une jeune femme, dont le registre était limité, et la justesse souvent en défaut. Cela contrastait hélas fortement avec la maîtrise impressionnante des musiciens. C'est d'autant plus étonnant que la chanteuse en question serait Ximena Sariñana, actrice et auteure/interprète d'un album solo sorti chez Warner au Mexique. Il est donc probable qu'il s'agisse d'une furure collaboration d'Omar, en rodage sur scène.

Ce que j'ai vu du concert d'Omar était donc hélas aussi peu lisible que sa discographie studio, ce qui est regrettable. Voici une vidéo de bonne qualité de Dyna Sark Arches, filmée quelques jours plus tôt, le 9 mars 2009 aux Pays-Bas :



Il ne faut pas passer sous silence la performance de Zechs Marquise, qui a offert une première partie de qualité dûment saluée par le public. La section rythmique est assurée par deux frères d'Omar, à savoir Marfred et Marcel Rodríguez-López. Ce dernier, multi-instrumentiste, assure des claviers dans The Mars Volta... c'est une petite famille ! Leur musique évolue dans le rock expérimental, psychédélique, avec de forts relents de King Crimson. C'était leur tout premier concert en France. Il ne manquait parfois qu'un chant pour compléter idéalement des compositions au potentiel réel. A suivre, donc, puisqu'ils n'ont qu'un album à leur actif.

14 mars 2009

Morse



Les films nordiques qui nous parviennent sont bien souvent du meilleur calibre. Personnellement, je suis particulièrement amateur des longs-métrages de Anders Thomas Jensen, Susanne Bier, Nicolas Winding Refn et bien sûr Aki Kaurismäki.

Il semblerait qu'il faille désormais compter avec le Suédois Tomas Alfredson. On sait bien peu de choses de lui, mais ce n'est pas un débutant. Né en 1965, il a surtout réalisé des épisodes de séries TV suédoises, mais aussi quatre longs-métrages de 1995 à 2004, jamais distribués en France. Avec son cinquième film, Låt den rätte komma in (Let the right one in - rebaptisé Morse pour l'exploitation française ; on comprend le pourquoi seulement vers la fin du film, mais c'est un choix peu opportun en tout cas), le cinéaste se retrouve propulsé comme un des meilleurs espoirs du cinéma européen. Le film a récolté une moisson insensée de prix dans les festivals du monde entier (plus de 40 prix). Le remake américain de Morse est déjà en route (il sera réalisé par Matt Reeves, qui a cartonné avec Cloverfield).

Le problème de Morse, c'est qu'il convient de ne pas trop en dire, et le peu qu'on peut en dire risque d'induire en erreur. Essayons tout de même.

Oskar est un jeune adolescent, fragile et marginal, totalement livré à lui-même et martyrisé par les garçons de sa classe. Pour tromper son ennui, il se réfugie au fond de la cour enneigée de son immeuble, et imagine des scènes de vengeance... Quand Eli s'installe avec son père sur le même palier que lui, Oskar trouve enfin quelqu'un avec qui se lier d'amitié. Ne sortant que la nuit, et en t-shirt malgré le froid glacial, la jeune fille ne manque pas de l'intriguer... et son arrivée dans cette banlieue de Stockholm coïncide avec une série de meurtres. Oskar va finir par comprendre qu'Eli a des besoins particuliers, mais cela ne va pas remettre en cause leur complicité naissante, au contraire...

Morse est une variation surprenante et glaciale du thème du vampire, qui n'est ici qu'un prétexte pour mettre en scène une histoire d'amitié/amour peu banale entre deux très jeunes ados. Tomas Alfredson filme avec un détachement et une austérité toute scandinave les rares moments sanglants, de façon à en retirer tout effet de manche inutile, et tout cliché potentiel. Les plans, d'une esthétique sobre, sont ciselés à l'extrême, et dégagent une impression de maîtrise extrême. Le scénario, adapté d'un roman best-seller en Suède, permet beaucoup d'interprétations possibles et les détails remarquables sont fort nombreux, mais impossible d'en parler ici sans spoilers.

Retenons que si Morse a autant séduit dans le monde entier, c'est bien parce qu'il dépasse sans effort le carcan du fantastique horrifique, pour s'élever à une altitude d'étrange poésie. Le contraste entre la candeur d'Oskar et l'animalité enfantine de son amie Eli, leur solitude désespérée et leur relation impossible restent présents à l'esprit longtemps après la fin de la séance. Vivement la suite des aventures de Tomas Alfredson, en effet.

8/10