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28 novembre 2007

De l'autre côté



On n'en finit plus d'encenser le réalisateur germano-turc Fatih Akin. Prix du scénario à Cannes (seul prix, qui en général, ne fait pas trop débat), j'ai enfin donc pu découvrir ce réalisateur (notamment aussi suite à la lecture de la note d'Angrom - merci !). Les précédents films d'Akin ne m'avaient pas trop attiré, sans doute à tort.

Il faut avouer qu'au bout du compte, Auf der anderen Seite est en effet un film d'une rare virtuosité scénaristique (scénario d'Akin lui-même), où une histoire chorale traite extrêmement habilement de la mort, de la famille, et des relations politiques entre la Turquie et l'Union Européenne (à travers l'Allemagne). Il est très rare de voir un tel équilibre entre un enjeu émotionnel fort et une réflexion politique qui dépasse la simple toile de fond. Sans dévoiler quoi que ce soit, on peut dire qu'en plus Akin parvient à éviter les clichés habituels qui collent aux histoires chorales.

La mise en scène est sans artifices, fluide et entièrement au service de l'histoire qui évite tout pathos malgré ses fortes émotions. Du cinéma d'auteur de bel ouvrage, fin, intelligent, intense, pas pédant et accessible à tous, voilà qui est bien rare finalement. A conseiller aux cinéphiles et bien au-delà.

8/10

22:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma, Fatih Akin

24 novembre 2007

Deep Purple, Olympia, 18/11/2007



Le dernier concert à Paris du groupe remontait au 24 janvier 2006, au Zénith. Pas de nouvel album entre-temps, cette tournée était donc à mi-chemin entre le prolongement de la promotion de Rapture Of The Deep (trois titres de ce dernier album dans la setlist) et le plaisir de jouer sur scène.

Le groupe a visiblement fait l'effort de faire plaisir aussi aux ultra-fans en incluant enfin à sa setlist trois raretés : Mary Long (choix surprenant tiré de Who Do We Think We Are), The Battles Rages On (très inattendu, mais réussi), et Loosen My Strings (tiré de Purpendicular, pas joué sur la tournée de 1996 si mes souvenirs sont bons, donc jamais joué avant cette tournée 2007). En 2006, la seule surprise venait de l'interprétation rarissime auparavant de Living Wreck, tiré de In Rock. Deep Purple arrive donc à s'affranchir d'une vulgaire setlist "best-of", et il faut le saluer.

Le seul problème éventuel, c'est l'âge du groupe, et les membres historiques encore présents dans le line-up actuel ont quand même 62 ans, excepté Ian Paice qui aura 60 ans l'an prochain. Ian Gillan, déjà un peu limité l'an dernier, devient de plus en plus restreint quant à sa tessiture, c'est frappant et j'en ai mal pour lui, même s'il garde un charisme intact. Ce n'était clairement pas un de ses meilleurs soirs, techiquement, à l'Olympia.

Roger Glover, à la basse, même âge que Gillan, est par contre toujours la locomotive des "anciens". Ian Paice semblait plus en forme qu'en 2006, et la grande surprise venait de Steve Morse, que j'ai vu pour la première fois ne pas être 100% dans le coup. Lui et Don Airey, aux deux instruments mélodiques, constituent habituellement vraiment l'attraction scénique du groupe. Peut-être Morse était-il malade, mais toujours est-il qu'il a semblé parfois un peu ailleurs. Son jeu et son feeling restent néanmoins à un niveau stratosphérique, et il mérite toujours d'être considéré comme le plus grand guitariste électrique encore en activité. Il est simplement... humain, après tout !

Bon moment malgré tout, ce retour à l'Olympia (après le concert du 17 juin 1996 immortalisé sur l'excellent Live At The Olympia '96) ne fut pas LE concert dont on pouvait rêver, et ne sera pas non plus le concert de l'année. C'est d'ailleurs de loin le concert le moins impressionnant des 5 que j'ai vu de Deep Purple, même si c'est relatif. Dur de vieillir...

Setlist:

Pictures Of Home
Things I Never Said
Into The Fire
Strange Kind Of Woman
Rapture Of The Deep
Mary Long
Kiss Tomorrow Goodbye
Well Dressed Guitar
The Battles Rages On
Lazy
Loosen My Strings
Keyboard solo
Perfect Strangers
Space Truckin'
Highway Star
Smoke On The Water

Rappel:
Hush
Black Night

19 novembre 2007

American Gangster



A quand remonte le dernier bon film de Ridley Scott ? En 2001, pour Black Hawk Down, ou en 2000, pour Gladiator, selon les goûts. Depuis le monstrueux doublé Alien (1979) et Blade Runner (1982), films qui marquent encore les cinéphiles, Ridley Scott a souvent alterné le meilleur (Thelma & Louise, 1991) et le pire (G.I. Jane, 1997, ou encore Hannibal, 2001).

Depuis quelques années, ce stakhanoviste semble filmer un peu tout ce qui présente, et cette fois, avec American Gangster, ça se profilait un peu mieux que d'habitude avec une histoire comme on les aime depuis The Godfather : l'ascension, l'apogée et la chute d'un grand gangster. Basé cette fois sur des faits réels, Frank Lucas fut le seul black de l'histoire du grand banditisme à avoir atteint un tel niveau de pouvoir (il avait Harlem sous sa coupe) et de richesse (Lucas avait eu l'idée de génie de s'approvisionner directement en héroïne pure en Asie grâce à des officiers américains véreux, pendant le conflit du Vietnam).

Avec Denzel Wahsington dans le rôle de Frank Lucas, et Russell Crowe dans le role de l'inspecteur Roberts (dont la vie personnelle, véritable désastre, est à rapprocher de l'inoubliable Vincent Hanna dans Heat de Michael Mann), on pouvait s'attendre à fort beau duel. Si Russell Crowe ne déçoit guère (même s'il est loin d'être aussi habité que dans Revelations de Michael Mann ou Gladiator de Ridley Scott justement), Denzel Washington n'est ni Marlon Brando ni Robert De Niro. Il n'en impose pas du tout autant, et il semble nettement plus à l'aise dans les rôles de "gentils" que de "méchants". Manque de charisme et de carrure, cet american gangster n'est donc pas hyper impressionnant et en toute logique, ne peut donc pas hisser le film au rang des références indirectes qu'il soulève souvent.

Cet ersatz se laisse regarder avec plaisir, bien sûr, Ridley Scott étant un un vieux bricard qui sait y faire, et la reconstitution de l'environnement politique et social des années 70 à New-York City est particulièrement bien exécuté. Mais cette livraison manque de souffle épique, de noirceur et d'émotion : non seulement le film ne procure guère de grandes scènes de tension, mais de surcroît il ne procure guère d'empathie pour ses personnages. Ca ressemble à un excellent documentaire un peu romancé. Dommage.

6/10

18:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

15 novembre 2007

Eastern Promises



David Cronenberg s'approche de son vingtième long-métrage, et toujours pas de raté à déplorer. Même avec un film de "commande" comme Eastern Promises, il n'y a rien à craindre : le maître sait construire deux films en un, comme il l'a déjà prouvé avec sa précédente commande, A History Of Violence. Même si Eastern Promises et A History Of Violence ne sont pas des films d'auteur à proprement parler, Cronenberg n'en ayant pas signé le scénario, il leur en a apporté des modifications et se les est totalement appropriés.

Le scénariste, Steven Knight, à qui l'on doit le tétanisant Dirty Pretty Things (réalisé par Stephen Frears, un de ses multiples chefs-d'oeuvres), explore pour la seconde fois la face cachée et terrifiante de Londres. Une sage-femme, Anna (Naomi Watts), enquête sur l'identité d'une jeune Russe, morte en couches, le soir de Noël. Elle découvre que celle-ci était une prostituée, mêlée malgré elle aux agissements d'un groupe de proxénètes appartenant à la Mafia russe.

Sur une trame de thriller a priori classique, Cronenberg donne l'apparence de verser dans les clichés hollywoodiens par ses personnages archétypaux, la construction simple et directe de son film, son dénouement, etc. Néanmoins, plusieurs indices montrent que Cronenberg a pris une distance subtile avec ce premier degré faussement revendiqué : scènes tendues traversées de grotesque (conception toujours très particulière de l'humour chez le Canadien), personnages au jeu outrancier (aucun acteur n'est Russe d'origine, la vraisemblance n'intéresse pas Cronenberg), reconstitution presque folklorique de la société russe... tout concourt subversivement à créer une ambiance fantasmée. C'est dans ces conditions que Cronenberg nous assène ses uppercuts, que ce soit lors des irruptions de violence (qu'on attend sans qu'elles viennent, et qui surgissent quand on n'y est plus préparé), ou de la façon de distiller soudainement un malaise surgissant des saillies de bizarreries, d’animalité, qui ne cadrent pas avec les allures faussement classiques de ce thriller.

Car bien entendu, ce n'est pas le suspense qui intéresse Cronenberg. Lui qui rêvait d'être chirurgien, il se sert depuis ses débuts de la caméra comme d'un bistouri pour explorer les pulsions qui se logent dans notre chair. Si les mutations du corps et celles de l'esprit, liées aux thématiques du sexe et de la machine, ont jusqu'alors été au coeur du cinéma de Cronenberg, depuis A History Of Violence, c'est le regard sur le mal et la violence purs qui semble l'attirer. Les scènes d'égorgement, de mutilation, de tuerie bestiale, sont ici, dans leur dimension scénaristique mafieuse, ce que le cinéaste a fait de plus organique.

Le monstrueux talent de Cronenberg est donc d'arriver à phagocyter totalement un récit plutôt banal avec ses thèmes de prédilection. Ce faisant, ses points de force habituels ressortent peut-être avec encore plus de puissance qu'avec sa période comprise entre Dead Ringers (Faux-Semblants) et Spider, où Cronenberg avait fui le succès inattendu de La Mouche pour délivrer des films fort peu accessibles au grand public.

Cronenberg a trouvé avec Viggo Mortensen un véhicule absolument idéal pour l'incarnation des tourments qu'il a en tête. Mortensen est donc désormais à égalité avec Jeremy Irons, qui avait lui aussi tourné deux fois avec Cronenberg (Dead Ringers et M. Butterfly). Difficile de ne pas souhaiter une troisième collaboration. Cronenberg se réinvente avec une maestria qui laisse admiratif, avec certes un tournant plus grand public, mais continue de figurer en tête des réalisateurs les plus passionnants.

9/10

19:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, cronenberg

11 novembre 2007

The Kingdom



Quand on sait que Michael Mann, le plus doué des cinéastes américains en activité, est le producteur de The Kingdom (Le Royaume), alors qu'il ne produit que ses propres films (excepté The Aviator, de Scorsese, qu'il devait d'ailleurs initialement réaliser), l'attente montre d'un cran pour ce qui se profilait comme un "blockbuster pas trop bas du cerveau puisqu'il parle de politique américaine au Moyen-Orient". Quand on a en plus dans le rôle vedette Jamie Foxx, acteur chouchou de Michael Mann (Ali, Collateral, Miami Vice, excusez du peu !), l'attente se transforme en curiosité piquée au vif.

A vrai dire, le film démarre sur les chapeaux de roues, avec un générique documentaire rappelant l'historique de la création de l'Arabie Saoudite (le royaume en question) et de ses relations avec l'Occident. Contexte complexe, comme les aime Michael Mann. A Riyad, un double attentat à la voiture piégée ravage tout un quartier résidentiel d'Occidentaux travaillant pour les raffineries. Contre l'avis du ministère de la défense américaine, une section d'intervention du FBI obtient le droit d'enquêter quelques jours sur place.

La carnage de l'attaque (contre femmes, enfants...) est saisissant et justifie amplement l'interdiction au moins de 12 ans en France. Le réalisme cru rappelle d'ailleurs Blackhawk Down de Ridley Scott. Mais le réalisateur de The Kingdom, Peter Berg (à qui on doit le très moyen Very Bad Things en 1998 avec Christian Slater et Cameron Diaz), n'est pas Ridley Scott, et même si on sent qu'il vise à imiter tant bien que mal le maître Michael Mann (caméra à l'épaule, changement de mise au point à la volée...), son style est sans âme. Il reste un bon faiseur, mais ça ne va pas chercher beaucoup plus loin. Heureusement, il y a l'interprétation (mention spéciale à tous les acteurs incarnant les Arabes), et les décors, absolument stupéfiants. Difficile de croire que Hollywood ait pu avoir le feu vert pour tourner à Riyad avec une fiction aussi délicate, la production du film a donc dû déployer des trésors d'ingéniosité pour arriver à une telle maestria visuelle. On s'y croit, et franchement, on n'aimerait pas y être.

Le film est globalement une franche réussite dans sa première heure, le temps d'installer l'histoire et d'instaurer des scènes d'affrontement (psychologiques ou plus physiques) entre la petite troupe de FBI et la garde nationale et la police saoudiennes. Les trois derniers quarts d'heure sont moins intéressants dans la mesure où hélas, les Américains sont hélas les meilleurs, et perdus dans des aurtiers chauds de Riyad, ils ratatinent néanmoins peu à peu tous les méchants terroristes sans subir de pertes. Heureusement, le scénario donne à voir autant que possible le point de vue des Saoudiens, et l'équilibre tance en permamence ; on évite donc le manichéisme béat. Malgré une fin volontairement ouverte donnant à réfléchir, il est vraiment dommage de voir que le drapeau américain sort finalement bien propre, donnant au final une touche de fierté nationaliste désagréable à ce blockbuster qui possède pourtant bien des atouts par ailleurs. Une contrainte dont aurait pu s'affranchir un Michael Mann s'il avait été derrière la caméra, mais contrainte dont ne peut s'affranchir, probablement, un film destiné quand même à remplir les salles aux USA.

7/10

21:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma