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20 janvier 2008

Live ! (avant-première)



Live ! est le premier long métrage de fiction de Bill Guttentag, réalisateur récompensé à de nombreuses reprises pour ses documentaires Death On The Job (1991), Blues Highway (1994) et Twin Towers (2003).

Live ! est produit par Eva Mendes, la redoutable Américano-cubaine qui tenait la vedette aux côtés de Joaquin Phoenix dans le chef d'oeuvre de James Gray, We Own The Night. Elle occupe cette fois le rôle principal, nous permettant ainsi de savoir si la belle, qui a déjà tourné avec Robert Rodriguez et les frères Farrelly, est susceptible d'accéder à la division supérieure, comme le laisse supposer justement sa prestation dans We Own The Night.

On peut dire que Eva Mendes a en tout cas pris de sacrés risques en s'investissant autant dans Live ! Elle y incarne en effet une très ambitieuse responsable de programmes TV, qui décide de lancer une nouvelle émission de télé-réalité qui fera date dans l'histoire télévisuelle. Les candidats de cette émission au concept révolutionnaire s'affronteraient en direct à la roulette russe pour gagner 5 millions de dollars...

En allant à l'avant-première du film (en présence de Eva Mendes et de Bill Guttentag), avec un pitch et une affiche pareils, on pouvait s'attendre à un nanar, ou à une surprise. C'est heureusement dans ce deuxième cas de figure que ce film nous place, grâce au procédé parfaitement idoine ici du faux documentaire. La forme est donc totalement celles des (vrais) documentaires de Bill Guttentag, sauf que tout est est scénarisé. Néanmoins, les méthodes sont les mêmes : caméra à l'épaule, son parfois approximatif, pas de musique, séquences filmées en caméra cachée avec basse qualité d'image, etc.

Pour apprécier pleinement ce film, mieux vaut ne pas trop en savoir à l'avance. C'est donc volontairement que je ne détaillerai pas avec quel talent et quels ressorts ce faux documentaire arrive à nous faire croire à ce que le bon sens nous enjoint de refuser de penser que cela puisse arriver. Le scénario (de Bill Guttentag lui-même) est tellement malin qu'il est même fort possible que le film soit un bide aux USA, l'écart entre le premier et le deuxième degré étant constamment très étroit (comme, en son temps, Starship Troopers de Paul Verhoeven, d'ailleurs massacré aux USA).

Derrière son souci de réalité, Live ! est bel et bien une attaque salutaire et virulentes rouges sur la télé-réalité, dont l'audience va de pair avec la cruauté et l'humiliation de ses mises en scène. Les sondages cités dans le film sont hélas tout à fait réels : une majorité d'Américains serait prête à payer pour regarder des exécutions capitales en direct. Partant de ce constat, la guerre de l'audimat et la perspective d'une audience record dans l'histoire de la télé peuvent donc faire sauter les dernières barrières morales.

Bill Guttentag, avec son scénario pointu, parvient ainsi à mettre en exergue la complexité du jugement moral, de la concurrence et des valeurs contemporaines véhiculées par le phénomène de la télé-réalité. Il offre par ailleurs une excellente exploitation cinématographique du jeu de la roulette russe, utilisée également de manière remarquable comme ressort dramatique par Michel Cimino dans The Deer Hunter (Voyage au bout de l'enfer) et par Gela Babluani dans 13 Tzameti.

Eva Mendes démontre pour de bon qu'il va falloir compter avec son talent et pas qu'avec son physique, qui convient de toute façon parfaitement à son personnage détestable ; ce dernier n'est pas sans rappeler celui qu'incarne Gina Gherson dans The Insider (Revelations) de Michael Mann. De ce qui peut peut paraître comme de l'humour noir au départ, le film, grâce notamment à la prestation d'Eva Mendes, passe petit à petit dans l'horreur, avec une conclusion sans appel. 2008 commence fort, avec ce film inattendu, réflexion pour adulte en forme d'uppercut qu'on n'avait pas vu venir.

8/10

08 janvier 2008

Filatures



Une branche secrète de la police de Hong Kong mène des filatures sophistiquées. Le Capitaine Huang engage Piggy, une débutante au visage ingénu, donc insoupçonnable. Ensemble, ils vont tenter de remonter jusqu'au cerveau d'un casse. Mais le cerveau devine le danger et disparait. Piggy est assignée à une nouvelle affaire. Alors qu'elle est en pleine filature, sa route croise celle du cerveau...

Un service de la police de Hong Kong fait réellement, et exclusivement, des filatures. Ils n'ont pas le droit de procéder à une arrestation. C'est l'idée de suivre cette unité qui a donné envie à Yau Nai Hoi, le scénariste attitré de Johnnie To, de passer pour la première fois derrière la caméra, après tant d'années de service aux côtés du maître du polar à Hong Kong.

Le titre original, Eye In The Sky, donne une meilleure idée de l'oppression paranoïaque que parvient à installer Hoi dans cet espace urbain si photogénique qu'est Hong Kong. Le budget étant limité, de nombreuses scènes de rues ont été tournées en secret, sans autorisation, depuis des toits d'immeubles, à l'insu des passants, ce qui renforce férocement le réalisme de ce jeu de surveillance très habile et très tendu entre mafieux et policiers.

La réalisation est virtuose, le montage aussi, tout dédié à ne jamais relâcher le suspense qui court tout au long des 90 minutes que dure le film. Hélas, le scénario reste un peu simpliste, et malgré un attachement plus développé que la moyenne à ses personnages, il manque un peu de profondeur et d'émotion pour que Filatures soit autre chose qu'un polar divertissant, mais un peu vide.

7/10

10:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Yau Nai Hoi

03 janvier 2008

I Am Legend



Ce deuxième film de Francis Lawrence (je n'ai pas vu son premier, Constantine, sorti en 2005) est directement adapté du livre culte de l'écrivain américain Richard Matheson, le roman d'anticipation I Am Legend, paru en 1954. Oeuvre-phare de la littérature SF, cette histoire avait déjà été transposée sur grand écran à deux reprises : dans The Last Man on Earth porté par Vincent Price en 1964, puis dans Le Survivant de Boris Sagal en 1971, emmené par Charlton Heston.

L'histoire est simple : Robert Neville (Will Smith), militaire scientifique, n'a pu endiguer le terrible virus issu d'un traitement miraculeux du cancer. La race humaine a été dévastée, une minorité a survécu mais est retournée à l'état animal, avec les symptômes de la rage. Pour une raison inconnue, Neville est immunisé et reste le dernier être humain sain dans ce qui reste de New York et peut-être du monde. Depuis trois ans, il envoie des messages de détresse sur ondes courtes, espérant trouver d'autres humains non infectés. Traqué par les victimes de l'épidémie, il cherche un moyen d'inverser les effets du virus à l'aide de son propre sang.

Le roman se passait à L.A., mais c'est New York City qui a été choisie pour le film, ce qui renforce bien entendu dramatiquement l'impact des scènes de ville-fantôme, absolument saisissantes. Celles de Londres désert dans 28 Days Later de Danny Boyle (même thématique) étaient déjà fascinantes, mais dans I Am Legend, comme la ville est désertée depuis plusieurs années, la nature y a repris ses droits et apporte une dimension poétique aux canyons urbains dépeints à l'écran.

La qualité de ce blockbuster de fêtes de fin d'année est précisément de ne pas ressembler tant que ça à un blockbuster. La première heure rend compte de la solitude écrasante de Robert Neville et de ses efforts pour ne pas devenir fou, tel un Robinson urbain. Les scènes d'action, féroces et violentes, n'en trouvent que plus d'impact, même s'il est très regrettable que les humains infectés aient été intégralement réalisés en effets spéciaux. Ils sont laids, très laids, et peu crédibles en fin de compte, car nous ne sommes pas ici dans un film de zombies...

Heureusement, Will Smith, lui, est vraiment à la hauteur, dans un de ses rôles sérieux ; pas de frime ou d'humour forcé comme dans Bad Boys ou I, Robot. Convaincant dans ce rôle solitaire, taciturne et presque déprimant, l'acteur porte les films sur ses épaules, et pour cause, il est seul... sauf dans les scènes de flash-back, glaçantes, qui narrent l'infection et la mise en quarantaine de Manhattan.

La faiblesse du film tient à son manque de réelle surprise, à l'invraisemblance des infectés, et à son dénouement (qui apparemment s'éloigne de la richesse du roman dont il est issu). Mais c'est un blockbuster à l'identité surprenante, même si inaboutie.

7/10

12 décembre 2007

Un baiser s'il vous plaît



J'avais découvert l'auteur Emmanuel Mouret avec Changement d'adresse en 2006, et ce fut un vrai coup coup de coeur, une révélation. J'étais immédiatement allé voir son film précédent, Vénus et Fleur (je n'ai pas vu son premier, Laissons Lucie faire), et les germes de son talent étaient déjà là. Issu comme François Ozon de la Femis, Emmanuel Mouret devrait logiquement cette fois s'imposer comme un des meilleurs auteurs français.

Toutes les qualités de Changement d'adresse sont là (burlesque, poétique, décalé, tendre, drôle, mélancolique, absurde, délicat, léger...), mais Mouret a encore progressé. Son scénario est bien plus abouti, car il emmène cette fois le spectateur dans une aventure encore plus imprévisible. Plus mûr aussi, Mouret apporte une dimension dramatique qui manquait à ses précédents films. Et cerise sur le gâteau, il évite avec un brio absolu tous les clichés des comédies.

Sa direction d'actrices telles que Julie Gayet et Virginie Ledoyen apporte une richesse plus grande encore à sa mise en scène millimétrée, et Mouret en tire véritablement le meilleur, tout en convoquant une fois de plus l'incroyable Frédérique Bel, cette fois dans un rôle secondaire.

Mouret conserve ses scènes cocasses (on pense à Chaplin, Keaton, Allen), d'un humour d'une finesse inégalée ; il garde aussi le rôle masculin principal du jeune homme "à côté de la plaque", et adopte toujours un style théâtral assumé. Ce film est une réussite encore une fois stupéfiante, les mots ne peuvent pas rendre compte de l'univers très décalé et iconoclaste d'Emmanuel Mouret, et pourtant si émouvant.

On n'attend qu'une chose : la suite ! En espérant que s'il garde le rythme d'un film par an, il saura aussi en garder la qualité. En tout cas, il mérite vraiment la reconnaissance, et ce film clôt pour moi de manière inespérée la saison 2007.

9/10

ps : j'ai vu ce film en avant-première, avec la présence d'Emmanuel Mouret, Virginie Ledoyen, Julie Gayet et Frédérique Bel. Il est assez amusant de constater que chacun semble assez proche en vrai de son personnage dans le film !

10 décembre 2007

Serj Tankian, Elysée Montmartre, 26/11/2007



Avant d'évoquer Serj Tankian, le charismatique chanteur de System Of A Down, il est bon de parler du groupe de première partie, Fair To Midland, signé l'an dernier sur le label de Tankian, justement. Si leur album Fables from a Mayfly: What I Tell You Three Times Is True provoquait déjà l'intérêt, il faut avouer que sur scène, ce combo est sacrément impressionnant. Que ce soit le niveau des musiciens, leur énergie, les vocalises très variées et surprenantes du chanteur (qui passe du style classic rock au growl hard core), Fair To Midland occupe la scène et l'espace sonore de manière irréprochable. Leur chanteur est en outre un personnage vraiment à part, qui se démène parfois comme frappé d'épilepsie, et qui est allé jusqu'à grimper à mains nues sur les ramps de lights, tout se secouant dans tous les sens, le pire pouvant arriver à tout instant s'il lâchait prise...

En comparaison, il faut avouer que le groupe mené par Serj a paru un peu fade. Malgré la présence du guitariste de Primus, les musiciens faisaient vraiment office de backing band au niveau tout juste honorable. Impression accentuée par le niveau ridiculement élevé du chant de Serj dans le mix... Alors oui, Serj est toujours aussi bon aussi bien dans son débit que dans son agilité à utiliser sa tessiture ; ses paroles engagées régalent toujours ; mais après l'ouragan Fair To Midland, il fallait bien reconnaître qu'il s'était fait plus ou moins volé le show par le groupe qu'il a signé sur son propre label !

De surcroît, bien qu'il n'ait qu'un seul album solo à son actif (joué en entier), Serj aurait pu tirer un peu sur la corde ; même en jouant deux reprises (une des Dead Kennedys et une des Beatles), le concert a duré moins d'une heure, et ça c'est un peu dur à avaler. A part un petit discours en français préparé, le show ne respirait pas une once de spontanéité. Alors, franchement, même si c'était sympathique, on a vu mieux, et Serj devra faire quelques efforts s'il veut réussir une carrière solo, au cas où System Of A Down ne se réveille jamais de son hibernation...