30 septembre 2007
La Question Humaine
Cinéphiles attention, voilà un film réellement "artistique" comme il en sort à peine une dizaine par an dans le monde et peut-être deux maximum en France. Dire que La Question humaine est un miracle est un euphémisme ; je me demande encore comment des producteurs et des réalisateurs ont encore la volonté d'enfanter de tels longs-métrages quand quasiment tout le monde en France a renoncé et se contente de sortir des produits sans aucune autre intention de divertir, ce qui échoue de surcroît la plupart du temps.
La Question humaine n'est absolument pas destiné au spectateur occasionnel en recherche d'un moment pour décompresser. Ce film contentera plutôt ceux qui croient encore au 7e art, à ceux qui pensent que le cinéma, sans être intellectuel ou pédant, peut encore traiter de grands sujets : le pouvoir, le travail, la mémoire, la Mort, la maladie - sous une forme sophistiquée, sans vouloir à tout prix passer messages, ni prétendre être un pensum philosophique. La Question humaine hante longuement l'esprit après sa projection. Ce film a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs lors du festival de Cannes 2007, ce qui confirme que les films les plus intéressants de Cannes se trouvent, depuis plusieurs années, dans les sélections parallèles.
L'histoire et l'argument du film empruntent à un récit de François Emmanuel (édité chez Stock en 2000), repris quasi-intégralement par la voix-off du personnage principal : Simon (Mathieu Amalric), cadre d'une multinationale allemande, psychologue aux ressources humaines, se voit confier une enquête sur la santé mentale de son patron (Michael Lonsdale). Avec une ambiance glaciale digne d'un thriller, le jeune cadre va en perdre son équilibre et sa raison. Nicolas Klotz, le réalisateur, n'en est pas à son coup d'essai. Par contre, il vient de signer un coup de maître.
Si le récit captive autant et finit par nous plonger dans l'abîme du personnage, c'est qu'il commence sur un mode réaliste avant de doucement basculer dans un registre de l'étrange qui contamine tout. Les amateurs de Lynch, par exemple, devraient donc être servis, même si le film de Nicolas Klotz ne s'en inspire jamais (tour de force !). Contrairement à la presse qui en dit trop sur ce film, afin de ne rien déflorer de ses virages et risques, je n'ajouterai rien de plus si ce n'est que c'est une oeuvre très dense, captivante et exigeante, d'une audace très rare, et d'une mise en scène à ma connaissance inédite dans le cinéma français.
9/10
17:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Cinéma
21 septembre 2007
The Bourne Ultimatum
Le réalisateur anglais Paul Greengrass, longtemps journaliste, a pour particularité d'avoir un style très nerveux, quasi-documentaire, filmant essentiellement caméra à l'épaule. La consécration critique et publique est arrivée en 2002 avec Bloody Sunday (Ours d'Or à Berlin), qui retrace très minutieusement les événements tragiques du 30 janvier 1972 à Derry, Irlande du Nord. A partir de là, la carrière de Greengrass décolle, puisque son style intéresse Hollywood qui lui confie la suite de The Bourne Identity : The Bourne Supremacy. Très gros succès, ce deuxième volet est en effet emblématique de la réussite (trop rare) du mariage des moyens d'Hollywood et de la rencontre de réalisateurs doués, qui savent dynamiter les codes d'un genre (ici, le thriller dans le mode de l'espionnage).
Après un tel film, et un autre long-métrage à couper le souffle (l'anxiogène United 93), les producteurs de la saga Bourne ont dû se dire qu'il n'y avait probablement que Greengrass qui pouvait aller encore plus loin pour mettre en scène le dernier volet de la saga : The Bourne Ultimatum.
Greengrass ringardise pour de bon les gros blockbusters genre Mission: Impossible 3. Primo, parce que le film ne laisse pas souffler une minute, avec une mise en scène stupéfiante : un miracle de nervosité et de lisibilité. Secundo, parce que Matt Damon est l'anti-Tom Cruise : son physique passe-partout et sa sobriété sont inifiniment plus convaincantes. Tertio, parce que le film est bien plus crédible sur le plan des événements, et ne s'embarrasse d'aucun maniérisme, ni de clichés (il n'y a pas de "gadgets", pas de superbe nana espionne double jeu, etc.).
Rarement un film n'aura été aussi purement "action", c'est une véritable course ininterrompue de 2h, qui laisse le spectateur un peu groggy. La scène d'anthologie particulièrement hallucinante est la bagarre à Tanger qui oppose Bourne à un agent local de la CIA. Ce combat à mains nues transcrit l'instinct de survie avec une âpreté que je n'avais jamais ressentie. Assurément, c'est une séquence qui va faire date dans les écoles.
Dans le genre, The Bourne Ultimatum est donc sans doute inégalé. Par exemple, Tony Scott, pourtant artisan de thrillers musclés, reste sur le carreau car son montage saccadé brouille le message. C'est exactement avec un film comme The Bourne Ultimatum qu'on peut mesurer la différence de virtuosité entre de très bons "faiseurs" et des artistes. Le revers de la médaille, c'est que le film ne dégage pas grand-chose d'autre que de l'adrénaline, et aussi brillant ce divertissement soit-il, il ne marque guère quelques heures après. D'autant plus que ce dernier volet dévoile enfin ce après quoi Jason Bourne court. C'est toujours pareil : on meurt de savoir, mais une fois qu'on a tué ce ressort dramatique, l'intérêt s'effondre.
Espérons donc que les producteurs n'auront pas la mauvaise idée d'enclencher un quatrième épisode (pas prévu de toute façon), car la fin est parfaite ainsi. Et quel film, tout de même.
9/10
11:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma
11 septembre 2007
4 mois, 3 semaines, 2 jours
Après plusieurs Palmes d'Or décevantes (palme-arnaque pour Fahrenheit 9/11 de Michael Moore en 2004, palme "par défaut" en 2005 pour L'Enfant des frères Dardenne, palme "hommage" et consensuelle pour Le Vent se lève de Ken Loach), Stephen Frears et son jury ont enfin relevé le niveau en attribuant en 2007 la récompense suprême au réalisateur roumain Cristian Mungiu, qui signe son deuxième long-métrage avec 4 Luni, 3 Saptamini Si 2 Zile.
Le film nous montre presque en temps réel la journée d'une jeune femme (l'actrice Anamaria Marinca, fabuleuse, qui joue dans le prochain Coppola) qui aide une amie à avorter dans la Roumanie de l'époque Ceausescu (1987). L'intelligence du film consiste à ne pas s'apesantir sur le contexte historique, qui reste toujours en arrière-plan, mais qui installe le film dans une ambiance de terreur. Avec un talent virtuose, Mungiu nous fait directement ressentir ce qu'il en coûtait de devoir vivre dans une dictature où le moindre fait et geste pouvait être épié.
L'avortement, qui était alors un crime à cette époque en Roumanie, représentait donc un risque énorme pour les femmes (dont 500 000 environ en sont mortes sous le régime Ceausescu). Mais Mungiu dépasse largement cette problématique (qui est plus un ressort dramatique, qui distille une tension de thriller), en s'attaquant au fond à la société roumaine où bon nombre d'individus balançaient entre lâcheté et exploitation odieuse de la situation.
Mungiu utilise principalement le plan-séquence, sous deux formes : le plan fixe et la caméra à l'épaule. Il en ressort bien entendu une grande impression de réalisme, voire de naturalisme. Les plans fixes sont ceux qui distillent le plus d'effroi (cf. la scène pivot du film de la négociation dans la chambre d'hôtel, où personne ne moufte dans la salle). Bouleversant, percutant, angoissant, le deuxième film de Cristian Mungiu est une réussite sur la forme et sur le fond, un uppercut qui fait mal longtemps après la fin de la projection. Rarement une Palme d'Or aura été aussi évidente et judicieuse. Il convient désormais d'attendre au tournant Cristian Mungiu pour son prochain film.
9/10
10:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cristian mungiu, anamaria marinca
08 septembre 2007
Porcupine Tree, La Cigale, 03/07/2007
Nous avons pris l'habitude de voir Porcupine Tree en concert au moins une fois par an à Paris, et il y a peu de choses à rajouter à chaque fois. Pourquoi ? Même explication que celle invoquée dans ma note relative à leur précédent passage dans la capitale.
Ce concert permettait de voir l'intégralité du nouvel album sur scène, après sa sortie en avril dernier. Nous avions eu l'immense privilège de le découvrir en septembre 2006 lors de la précédente tournée, où le groupe avait choisi de roder ses nouvelles compos sur scène, plus de 6 mois avant la sortie du nouvel album. Un des titres joués alors n'a finalement pas été retenu, c'est donc la première fois que nous entendions Way Out Of Here sur scène, car c'est celui-là qui n'avait pas été dévoilé l'an dernier. En réécoutant des enregistrements pirates de 2006, on s'aperçoit que les compositions de Fear Of A Blank Planet étaient tout de même déjà très finalisées, en dehors de certains arrangements (les cordes sur Sleep Together étaient alors inexistantes).
Sur scène, c'est bien sûr l'incroyable Anesthetize qui produit le plus d'effet (sa découverte en live l'an dernier nous avait estomaqué, mais l'effet produit reste fort même en connaissant très bien le morceau). Pour le reste de la setlist, on navigue toujours surtout dans les quatre derniers albums du groupe, la seule nouveauté étant Sever tiré de Signify.
Quand on s'est habitué à l'excellence, difficile d'être surpris... on attend néanmoins impatiemment le concert de l'Olympia (la consécration !) en décembre 2007. On a hâte de voir ce que Steven Wilson va imaginer, et aussi de découvrir encore de nouveaux titres, car c'est bien ce que l'artiste nous a annoncé en ce mois de juillet. On en salive d'avance !
Setlist:
Fear of a Blank Planet
Lightbulb Sun
My Ashes
Anesthetize
Open Car
Mellotron Scratch
Drown With Me
Half Light
Sentimental
Blackest Eyes
Sever
Way Out of Here
Sleep Together
Rappel:
Even Less
Mother and Child Divided
Halo
11:50 Publié dans Concerts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : concert, rock
07 septembre 2007
Planet Terror
Robert Rodriguez n'a pas raté la chance qui lui a été offerte. Les frères Weinstein ont mis la main à la poche pour que les deux compères de longue date, Tarantino et Rodriguez, puissent réaliser leur hommage aux séries des 70's, Grindhouse. Pour sa partie, Rodriguez s'est déchaîné ; le résultat est à la fois plus fidèle à l'idée directrice originelle que le segment de Tarantino (Death Proof), il est donc plus "léger", mais curieusement il est néanmoins plus audacieux.
Dans le double programme Grindhouse, les Américains pouvaient voir les deux films enchaînés (c'était l'intérêt de la démarche), et celui de Rodriguez avant celui de Tarantino. En Europe, nous aurons donc eu l'inverse, mais avec, par contre, des versions plus longues puisque nous avons eu droit à des sorties séparées de plusieurs semaines.
Il semble logique que Planet Terror ouvrait la soirée Grindhouse aux USA ; Rodriguez nous offre un pur spectacle politiquement et moralement incorrect, avec du mauvais goût et des trucs dégoûtants comme on n'en avait plus vu depuis longtemps. Et c'est là l'excellente surprise de son film : il parvient à divertir, faire rire, horrifier, le tout avec des scènes souvent borderline pour le grand public. Le pré-requis est donc d'apprécier un minimum la série B sous peine de passer totalement à côté de cet exercice de style. Le film de Tarantino venait logiquement conclure la soirée, car nettement plus "personnel".
C'est un pur régal côté acteurs : outre les petits rôles clins-d'oeil à foison (Bruce Willis, Tarantino himself, etc.), c'est extrêmement plaisant de voir réunis sur grand écran Messieurs Freddy Rodriguez (Federico dans Six Feet Under) et Naveen Andrews (Sayid dans Lost). On retrouve aussi deux des actrices principales de Death Proof, Rose McGowan et Marley Shelton, ou encore les sheriffs père et fils McGraw, personnages récurrents des univers de Tarantino et Rodriguez (le père apparaît pour la première fois dans Une Nuit en Enfer, le fils dans la suite, et les deux apparaissent ensemble pour la première fois dans Kill Bill 1). Ce n'est pas un hasard puisque plusieurs indices permettent de relier ainsi les univers de Planet Terror et Death Proof (unicité de certains lieux et personnages ; amusez-vous à les repérer !).
Un des grands attraits du projet Grindhouse était le faux entracte entre les deux films avec les fausses bandes-annonces, réalisées par Eli Roth, Rob Zombie, Edgar Wright et Rodriguez. Une seule nous est parvenue jusqu'en Europe, elle est diffusée avec Planet Terror. Il s'agit de Machete, que l'on doit à Rodriguez lui-même, et qui est à pleurer de rire. Bien vu, elle ne donne envie que d'une chose : voir le film. Or, justement, Rodriguez va le réaliser, encouragé par les excellents avis et le support des Weinstein qui ont adoré le trailer. Ouf, encore du bon temps en perspective !
Planet Terror a-t-il un défaut ? Oui, comme Death Proof, il est un peu trop long. Pas de beaucoup, mais on peut sentir que ce sont des versions rallongées (105 mn en Europe contre 80 aux USA pour Planet Terror et 127 mn contre 90 pour Death Proof). Il est donc d'autant plus intéressant d'attendre en DVD le coffret qui regroupera les versions américaines des deux films avec l'intégralité des bandes-annonces, histoire de voir enfin le projet Grindhouse tel qu'il avait été conçu à l'origine.
8/10
17:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma