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12 décembre 2007

Un baiser s'il vous plaît



J'avais découvert l'auteur Emmanuel Mouret avec Changement d'adresse en 2006, et ce fut un vrai coup coup de coeur, une révélation. J'étais immédiatement allé voir son film précédent, Vénus et Fleur (je n'ai pas vu son premier, Laissons Lucie faire), et les germes de son talent étaient déjà là. Issu comme François Ozon de la Femis, Emmanuel Mouret devrait logiquement cette fois s'imposer comme un des meilleurs auteurs français.

Toutes les qualités de Changement d'adresse sont là (burlesque, poétique, décalé, tendre, drôle, mélancolique, absurde, délicat, léger...), mais Mouret a encore progressé. Son scénario est bien plus abouti, car il emmène cette fois le spectateur dans une aventure encore plus imprévisible. Plus mûr aussi, Mouret apporte une dimension dramatique qui manquait à ses précédents films. Et cerise sur le gâteau, il évite avec un brio absolu tous les clichés des comédies.

Sa direction d'actrices telles que Julie Gayet et Virginie Ledoyen apporte une richesse plus grande encore à sa mise en scène millimétrée, et Mouret en tire véritablement le meilleur, tout en convoquant une fois de plus l'incroyable Frédérique Bel, cette fois dans un rôle secondaire.

Mouret conserve ses scènes cocasses (on pense à Chaplin, Keaton, Allen), d'un humour d'une finesse inégalée ; il garde aussi le rôle masculin principal du jeune homme "à côté de la plaque", et adopte toujours un style théâtral assumé. Ce film est une réussite encore une fois stupéfiante, les mots ne peuvent pas rendre compte de l'univers très décalé et iconoclaste d'Emmanuel Mouret, et pourtant si émouvant.

On n'attend qu'une chose : la suite ! En espérant que s'il garde le rythme d'un film par an, il saura aussi en garder la qualité. En tout cas, il mérite vraiment la reconnaissance, et ce film clôt pour moi de manière inespérée la saison 2007.

9/10

ps : j'ai vu ce film en avant-première, avec la présence d'Emmanuel Mouret, Virginie Ledoyen, Julie Gayet et Frédérique Bel. Il est assez amusant de constater que chacun semble assez proche en vrai de son personnage dans le film !

10 décembre 2007

Serj Tankian, Elysée Montmartre, 26/11/2007



Avant d'évoquer Serj Tankian, le charismatique chanteur de System Of A Down, il est bon de parler du groupe de première partie, Fair To Midland, signé l'an dernier sur le label de Tankian, justement. Si leur album Fables from a Mayfly: What I Tell You Three Times Is True provoquait déjà l'intérêt, il faut avouer que sur scène, ce combo est sacrément impressionnant. Que ce soit le niveau des musiciens, leur énergie, les vocalises très variées et surprenantes du chanteur (qui passe du style classic rock au growl hard core), Fair To Midland occupe la scène et l'espace sonore de manière irréprochable. Leur chanteur est en outre un personnage vraiment à part, qui se démène parfois comme frappé d'épilepsie, et qui est allé jusqu'à grimper à mains nues sur les ramps de lights, tout se secouant dans tous les sens, le pire pouvant arriver à tout instant s'il lâchait prise...

En comparaison, il faut avouer que le groupe mené par Serj a paru un peu fade. Malgré la présence du guitariste de Primus, les musiciens faisaient vraiment office de backing band au niveau tout juste honorable. Impression accentuée par le niveau ridiculement élevé du chant de Serj dans le mix... Alors oui, Serj est toujours aussi bon aussi bien dans son débit que dans son agilité à utiliser sa tessiture ; ses paroles engagées régalent toujours ; mais après l'ouragan Fair To Midland, il fallait bien reconnaître qu'il s'était fait plus ou moins volé le show par le groupe qu'il a signé sur son propre label !

De surcroît, bien qu'il n'ait qu'un seul album solo à son actif (joué en entier), Serj aurait pu tirer un peu sur la corde ; même en jouant deux reprises (une des Dead Kennedys et une des Beatles), le concert a duré moins d'une heure, et ça c'est un peu dur à avaler. A part un petit discours en français préparé, le show ne respirait pas une once de spontanéité. Alors, franchement, même si c'était sympathique, on a vu mieux, et Serj devra faire quelques efforts s'il veut réussir une carrière solo, au cas où System Of A Down ne se réveille jamais de son hibernation...

Cowboy



Comme son affiche le laisse présager, Cowboy repose intégralement sur les épaules de Benoît Poelvoorde. Ce dernier incarne un journaliste obligé d'animer une émission sur la sécurité routière pour pouvoir vivre, loin de ses envies de reportages. En pleine crise de la quarantaine, et assailli de doutes sur le sens de sa vie et sur le respect de ses idéaux quasiment perdus, il va se lancer à corps perdu dans la réalisation d'un reportage pour retrouver les protagonistes d'un drame (réel) : une prise d'otage d'un bus d'adolescents, en 1980, en Belgique. L'auteur des faits avait alors pour but d'attirer l'attention des médias pour dénoncer les inégalités sociales, pas de faire mal aux enfants. Cet épisode, qui a marqué sa jeunesse et forgé ses idéaux, il veut le faire revivre aux différents acteurs du drame pour montrer que 27 ans plus tard, rien n'a vraiment changé.

Sur ce pitch plutôt original, voire engagé, le film démarre sur les chapeaux de roues, mêlant avec brio satire sociale, cynisme débridé, et pathétique douloureux. Néanmoins, plus le film avance, plus le documentaire entrepris par le médiocre qui se rêve héros se transforme en fiasco, et curieusement l'ennui gagne aussi le spectateur, faute de rythme et faute de réalisme. Benoït Mariage (déjà auteur d'un film à forte connotation sociale, Les Convoyeurs attendent) ne parvient pas à garder l'équilibre du début du film. Le film semble fonctionner par scènes, sans réel liant entre elles, et le personnage joué par Gilbert Melki (l'ancien gauchiste auteur de la prise d'otage) est très insuffisamment développé. L'excellent Melki fait ce qu'il peut, mais son personnage n'existe pas vraiment. Dès lors il ne se dégage aucune émotion, aucun enjeu entre l'ancien anar, et ses anciens otages devenus adultes.

C'est fort dommage et le film, ponctué tout de même de scènes fortes, cruelles ou drôles, est finalement à recommander aux inconditionnels de Poelvoorde, au jeu ici très bien dosé, bien dirigé.

6/10

11:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, Benoit Mariage

06 décembre 2007

Porcupine Tree, Olympia, 03/12/2007



Cinq mois jour pour jour après leur concert à la Cigale, revoici la deuxième partie de la tournée européenne qui conduit cette fois Porcupine Tree à une salle qui tient du couronnement : l'Olympia.

Même Steven Wilson était suffisamment impressionné par le poids de l'histoire de cette salle pour en toucher deux mots en public, en nous apprenant que ses parents étaient dans la salle... (repérés d'ailleurs juste devant la console de mixage à la mezzanine !)

Inutile de s'étendre sur les qualités habituelles de Porcupine Tree en live. Attardons-nous plutôt sur les spécificités de ce 11e concert du groupe en ce qui me concerne.

Tout d'abord, de ces onze concerts, c'est sans aucun conteste le son plus parfait que j'ai pu entendre. Cela aurait été dommage que ce ne soit pas le cas à l'Olympia, une des salles de France les plus abouties niveau acoustique depuis sa réouverture.

Les animations et court-métrages du Danois Lasse Hoile continuent d'apporter un contrepoint visuel désormais indispensable à la musique déjà très cinématique du groupe. L'apogée de cette combinaison a eu lieu sur LE morceau phare, Anesthetize. Il est rare qu'une oeuvre musicale parvienne à faire ressentir ce dont elle parle. Or, la grande désillusion pour Wilson qu’est le rapport qu’entretiennent les jeunes avec la culture et avec la musique en particulier l’a conduit à mettre en musique des textes qui flirtent littéralement avec l’inspiration d’un Roger Waters, tout simplement. Même émotion, même intelligence sensible du propos, même sublimation de thèmes sombres et émouvants. C'est assez impressionnant, mais en concert, la conjuguaison de la musique de l'album et des images de Lasse Hoile permettent de ressentir cet état d'aliénation surréaliste, comme l'avait justement fort bien réussi Alan Parker avec son film Pink Floyd The Wall.

Steven Wilson a su communiquer juste ce qu'il faut de chaleur et d'humour (bien anglais) avec son public, qui a salué chaque titre de la setlist avec tonnerre d'applaudissements et standing ovation à la fin. On peut ergoter longtemps sur la setlist, mais Steven Wilson ne joue pratiquement plus aucun titre composé avant 1997, les deux plus anciens étaient justement issus de Signify (Dark Matter, et beau cadeau, Waiting (Phase 1)). Ce n'est pas un hasard, c'est le premier album qui peut être considéré comme un effort de groupe et pas comme un album solo déguisé. Avis personnel : au vu des progrès effectués par le groupe en terme de composition, même des titres de Signify paraissent désormais un peu simples par rapport au reste, et ils accusent leur âge.

On peut par contre légitimement regretter l'absence de titres de Lightbulb Sun, ce qui aurait permis d'avoir un très bon équilibre. Mais cette deuxième tournée européenne avait aussi pour but de promovoir le EP de quatre titres issus des sessions de Fear Of A Blank Planet, et c'est ainsi que nous avons pu ré-découvrir sur scène Cheating The Polygraph (dévoilé en septembre 2006 avant la sortie de l'album, mais qui n'avait pas été retenue), et surtout What Happens Now ?, un sommet du groupe qui n'a pas trouvé sa place sur le dernier album simplement parce qu'il ne s'intégrait pas dans le concept.

Nous ne devrions pas revoir Porcupine Tree cette fois avant un bon moment, au mieux fin 2008, car Steven Wilson devrait enfin s'accorder un break. Il sera sans doute tout relatif car en février sortira enfin l'édition "deluxe" de Lightbulb Sun qui aura droit au même traitement que Stupid Dream et les trois derniers albums, à savoir une sortie en CD+DVD-A avec remixage complet (dont surround), et il est question à présent d'un album solo de Steven Wilson !

"You're tying me up, I'm dying of love... It's OK" (Trains)

Setlist:
Fear Of A Blank Planet
What Happens Now ?
The Sound Of Muzak
Lazarus
Anesthetize
Open Car
Dark Matter
Blackest Eyes
Cheating The Polygraph
A Smart Kid
Way Out Of Here
Sleep Together

Rappels:
Waiting (Phase 1)
Trains
Halo

05 décembre 2007

We Own The Night



James Gray est un cinéaste rare : trois films seulement depuis 1994. A l'âge de 25 ans, il écrit et tourne Little Odessa en 1994 et obtient le Lion d'Argent à Venise, tout comme le prix de la Critique du Festival de Deauville. Ce film très sombre, avec Edward Furlong et Tim Roth, se passe à Brighton Beach, une zone de New-York City rarement dépeinte au cinéma, dans le quartier de la mafia juive russe appelée Little Odessa. James Gray passe immédiatement pour un surdoué très prometteur.

Pour The Yards, en 2000, il embauche Mark Wahlberg et Joaquin Phoenix, qu'il convoque à nouveau en 2006 pour le tournage de We Own The Night (devis de la brigade des stups à NYC dans les 80's). Encore une fois, c'est à Brighton Beach que l'action se situe, et encore une fois l'ombre de la mafia russe plane sur le film. Et encore une fois, James Gray évite les clichés sur NYC, en tournant dans des quartiers qu'on ne voit jamais dans les films. Pas de redite avec Little Odessa néanmoins. We Own The Night explore l'histoire de Bobby (peut-être bien le rôle de sa vie pour Joaquin Phoenix, sidérant), patron d'une boite de nuit branchée appartenant à des Russes qui étendent leur influence grâce au trafic de drogue. Pour continuer son ascension, Bobby doit cacher ses liens avec sa famille : seule sa petite amie (Eva Mendes), Amada est au courant que son frère, Joseph (Mark Wahlberg), et son père, Burt (Robert Duvall), sont des membres éminents de la police new-yorkaise...

L'histoire a l'air classique. Elle l'est, mais écrite par James Gray, ce policier est nettement plus proche d'un drame quasiment shakespearien comme Heat de Michael Mann. Si Little Odessa ne m'avait pas spécialement impressionné à cause de son scénario, il faut avouer qu'avec We Own The Night, James Gray a hissé son cinéma à un niveau proche de celui de celui de Michael Mann (sans toutefois jamais le copier d'un point de vue du style). Comme dans Miami Vice, le film commence sans générique d'introduction sur une fantastique scène dans une boîte de nuit. Sur "Heart Of Glass" de Blondie, le couple Phoenix/Mendes nous est présenté. Il brûle l'écran. A partir de là, impossible de détourner son regard de cette tragédie vertigineuse. James Gray nous offre 1h50 de bonheur cinématographique, d'une énergie et d'une émotion tétanisantes. Il n'y a pas une séquence qui ne serve à moins de 100% le flux assez imprévisible de l'histoire.

Ce qui va rester probablement comme un des films majeurs de cette décennie a l'ironie de sortir moins d'un an après des films comme The Departed de Scorsese ou American Gangster de Ridley Scott, qui se donnaient des airs de grands classiques du polar, et qui y échouent totalement. James Gray, lui, avance avec plus de modestie, et rafle la mise. Le génie qu'on lui pressentait à ses débuts est bien là, mûr et avéré. Nous avons gagné un très grand. Vivement la suite !

10/10

09:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, James Gray