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27 octobre 2008

Mesrine : L'Instinct de mort



Difficile d'émettre un avis sur la partie tant qu'on n'a pas vu le tout. Il faudrait probablement attendre de voir le second volet du dyptique, Mesrine : L'Ennemi public n°1, pour juger de la réussite de l'entreprise. Néanmoins, après 30 ans de tentatives de porter la vie de Mesrine à l'écran, on peut sans doute d'ores et déjà dire que le résultat risque de ne pas être totalement à la hauteur des attentes.

Si le talent de mise en scène de Jean-François Richet n'est plus à démontrer, la tension et le rythme insufflés à ce premier volet s'accommodent assez mal de l'esthétique franchouillarde de la reconstitution du Paris des années 60 et 70. Le film ne décolle d'ailleurs qu'à partir du moment où Mesrine s'envole pour le Québec. On assiste alors à un véritable film de gangster, tout en action nerveuse et fluide, sans aucun relent hollywoodien, et c'est toute sa singularité.

Heureusement, Richet ne cherche donc pas à faire du film un véritable biopic, car de ce point de vue, le scénario est plombé. Même avec deux films totalisant 4 heures, il est difficile de cerner une personnalité aussi complexe que celle de Mesrine. Cela explique sans doute les nombreuses maladresses ou points obscurs. Par exemple, on ne comprend guère la relation entre Mesrine et l'OAS ; et la scène de torture en Algérie n'apporte rien si ce n'est une tentative douteuse de donner des pistes sur les origines du racisme de Mesrine ou de sa rage à son retour en France.

Cassel insuffle l'ambivalence qui convient au personnage : une dimension clownesque qui attire la sympathie, tempérée par son absence apparente d'humanité qui lui permet de commettre les violences les plus écœurantes. Cependant, quelque chose sonne faux dans l'interprétation de Cassel, peut-être est-ce un côté un peu trop théâtral, peut-être force-t-il un peu trop le côté bigger than life de Mesrine, quitte à faire du sous-De Niro.

En tout cas, les dyptiques (ou trilogie etc.) sont un ressort étonnamment sous-exploité par les producteurs, car une fois qu'on a vu le premier épisode, même si on n'est pas totalement emballé (comme c'est mon cas ici), on sait qu'on ira voir la suite ne serait-ce que pour connaître la suite des évènements. Mais elle est, dans le cas de Mesrine, connue : ça ne finit pas bien.

6/10

25 octobre 2008

Goldfrapp, Théâtre Marigny, 20/10/2008



Cela fait un choc, d'assister à un concert "parfait", surtout quand on ne s'y attend pas, et d'autant plus lorsqu'on est un peu blasé. Sans pourtant être un "fan" de Goldfrapp (j'apprécie beaucoup, et cela va sans doute encore s'intensifier), je dois reconnaître qu'en ce 20 octobre 2008, j'ai assisté à un concert où tout était au diapason : l'interprétation, le son, le mixage, les lumières, l'ambiance, le lieu... Difficile de revenir sur Terre après ça, de quitter la salle, avec certes des étoiles plein la tête et le sentiment d'avoir assisté à quelque chose de fort rare.

Révélation artistique de l'année 2000, Goldfrapp (duo masculin-féminin anglais composé de Will Gregory et Alison Goldfrapp) avait proposé avec son premier album Felt Mountain "la rencontre de John Barry et d'Ennio Morricone". Cette accroche marketing stickerisée sur l'album à l'époque avait le mérite de ne pas être inexacte, à une nuance près : l'influence des architectes sonores des James Bond et des films de Sergio Leone (entre autres) a été formatée pop, parfois électronisée, avec tout ce que cela sous-entend de simplification et de modernisation. Le résultat, onirique, mystérieux et envoûtant, reste l'une des plus belles réussites artistiques de cette décennie.

Après ce coup de maître (sorti chez Mute, le label de Depeche Mode, qui a su remarquablement travailler et faire fructifier l'art du duo), Goldfrapp a pris de court ceux qui les rangeaient déjà dans la même case que Portishead, en proposant un changement de style total pour ses deux albums suivants. Finie l'introspection romantique, bonjour la disco pourvoyeuse de glam rock synthétique. Si les fans de la première heure ont eu du mal à s'en remettre, c'est pourtant avec ce songwriting beaucoup moins substantiel, plus froid et mécanique que Goldfrapp a décroché ses hits, en particulier les titres Ooh La La et Strict Machine (celui-ci ayant été notablement repris dans le chef d'oeuvre Miami Vice de Michael Mann dans l'inoubliable scène d'intro dans la discothèque).

Plutôt que de poursuivre dans l'ambiance des dancefloors décadents (avec son talent, le duo aurait pu continuer facilement à délivrer du tube glam-disco apparemment bien facile à tricoter pour eux, et qui leur a rapporté gros), Goldfrapp n'a pas eu peur de continuer à prendre des risques, en sortant cette année son quatrième album, Seventh Tree, la suite logique de Felt Mountain. Sans aucun doute leur album le plus abouti à ce jour, Seventh Tree est une réussite artistique insolente qui annonce la couleur dès sa pochette.

Celle-ci évoque irrésistiblement le chef d’œuvre de Stanley Kubrick, Barry Lyndon, et à sa prodigieuse lumière pastorale dont le maître avait souhaité qu’elle soit la plus naturelle possible. Ce retour au songwriting s’accompagnait d’un même désir naturaliste : place à des mélodies et à des sons plus purs, plus organiques, inspirés par les arbres, les animaux... Il n'y a guère de déchet sur l'album, qui propose des compositions admirablement orchestrées (guitare acoustique, harpe, orgue et synthés bricolés) et évite les pièges de l'easy listening. Entièrement marqué par la grâce, l'album offre des mélodies superbes, habillées d'ambiance singulières, dignes héritières des Beatles (Magical Mystery Tour), de Kate Bush et d'Air. Alison Goldfrapp y déploie tout son talent, sans en faire trop. Aujourd'hui, la demoiselle de 37 ans est citée par Madonna (très avare de compliments) comme sa chanteuse préférée.

Si j'aime les disques qui proposent un tout (contenant et contenu) qui font d'un album une véritable œuvre d'art (cf. Frances The Mute de The Mars Volta), il est rare que ce genre d'album soit transcendé sur scène. Or, c'est bien ce qu'a réussi Goldfrapp, avec cette formation exceptionnelle sur scène : un ensemble de 14 violonistes et violoncellistes, 6 choristes, et 8 musiciens (dont une harpiste). A priori, il s'agissait de se roder pour un concert deux jours plus tard pour la BBC dans le cadre des Electric Proms (cf. photo ci-dessous).

La présence de cet ensemble a permis de proposer orchestration classico-électro-pop très riche, décuplant les arrangements des disques, ou permettant d'en proposer des nouveaux pour les titres issus des albums plus disco, comme cette réécriture du tube Ooh La La, où l'emploi bluegrass de la guitare acoustique a remplacé habilement le synthétiseur. L'intelligence de Goldfrapp a été d'utiliser cet arsenal de musiciens aux bons moments, sans jamais surcharger la partition.

Le concert était ainsi placé sous le signe de la grâce... donc à l'image du dernier album. Les choristes portaient des masques surréalistes que n'aurait pas renier David Lynch pour une séquence onirique d'un de ses films. Les musiciens étaient tous de blanc vêtus, dans des costumes très simples, à l'exception d'Alison Goldfrapp, uniquement vêtue d'une tunique noir et blanc d'Arlequin, qui lui arrivait à peine à mi-cuisses. Boucles dorées, visage très blanc, jambes nues et pieds nus, elle évoquait un elfe tout en fragilité, irradiant malgré tout un érotisme distant (elle parle très peu) et équivoque (elle attire probablement de façon équivalente les deux sexes). Pouvait-on imaginer plus bel écrin que le théâtre Marigny pour sa voix cristalline, qui semble avoir remué le public au plus profond de son âme, totalement fasciné, et ne s'arrachant avec peine de cet univers si extatique et sensuel que pour couvrir les musiciens sous un tonnerre d'applaudissements entre chaque chanson.

J'ai assisté à un des rares concerts où les conditions étaient réunies pour donner les mêmes sensations que peuvent procurer la littérature ou le cinéma : une stimulation sensorielle, intense et magique. C'est ça, l'art !

Setlist :

Paper Bag
Road To Somewhere
A&E
Cologne Cerrone Houdini
Utopia
Eat Yourself
Monster Love
U Never Know
Caravan Girl
Ooh La La
Happiness
Clowns
Little Bird
Black Cherry

Cette photo provenant du concert pour les Electric Proms de la BBC donne une idée du rendu de la scène, sans qu'on voit hélas l'orchestre.

22 octobre 2008

Appaloosa



Acteur exigeant, Ed Harris a su manœuvrer habilement entre films de "grands" (Cronenberg, Eastwood, Weir, Stone, Pollack, Cameron, Romero...) et quelques gros blockbusters "alimentaires" (Rock, Benjamin Gates). Souvent cantonné aux seconds rôles, l'acteur a surpris en passant derrière la caméra (exercice en général peu convaincant pour les acteurs) en s'attaquant à un biopic du peintre Jackson Pollock. Salué par la critique et bien reçu par le public, Ed Harris revient avec sa deuxième réalisation, avec un choix tout à fait étonnant de sa part : un western, ce bon vieux genre désuet dont on a vu quelques rares tentatives de retour ces dernières années (pour le meilleur : Open Range de Kevin Costner en 2004 ou encore The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford en 2007 ; pour le moins bon, 3:10 to Yuma cette année).

Si Ed Harris a donc osé s'attaquer à ce genre battu et rebattu, c'est vraisemblablement qu'il avait quelque chose d'intéressant à dire... ou plutôt à montrer, car Ed Harris a compris que ce qui fait la force des grands westerns, ce sont les visages, les silences, pour peu qu'on sache les filmer. Or Ed Harris possède ce genre de regard inimitable, insondable et d'acier, qu'Eastwood porta si bien dans les westerns de Leone. On assiste au même régal ici, avec un Viggo Mortensen qui apporte lui aussi une puissance tranquille, crépusculaire. L'amitié virile qui transparait entre les deux personnages apporte une profondeur et une sincérité au film, qui se retrouve ainsi dans la digne lignée des grands westerns des 50's. Le regard, encore, est bien le nœud de toute la tension de ce film, avec également celui de Jeremy Irons (dans la peau du "méchant"), froid et cruel comme celui d'un loup.

Sur une histoire archi-simple, Ed Harris (co-auteur du scénario de surcroît) a su faire de ce western le récit d'un affrontement où les émotions, les non-dits, et les valeurs sont les sujets de la (brillante) mise en scène. Un véritable régal, du plaisir de cinéma à l'état pur. Chapeau bas, M. Harris.

8/10

18 octobre 2008

Blindness



Si le Mexique peut se targuer d'avoir Alejandro González Iñárritu, le Brésil possède lui aussi un réalisateur surdoué, à savoir Fernando Meirelles. Les deux cinéastes ont décuplé les espoirs placés en eux suite à leur premier film coup de poing, Amores Perros pour Iñárritu, et Cidade de Deus pour le second. Cidade de Deus figure d'ailleurs en 18e position du top 250 d'IMDb, ce qui est assez ahurissant pour un film tourné en portugais.

Dans les deux cas, Iñárritu et Meirelles n'écrivent pas leurs scénarios ; ce ne sont pas des auteurs. Et dans les deux cas, ils devraient peut-être attacher plus d'importance au scénario qu'ils mettent en scène, car aucun n'a réédité l'exploit de leurs premiers films respectifs, tournés dans leurs pays et dans leurs langues d'origine. Par la suite, c'est en anglais et avec le financement de majors qu'ils ont réalisé leurs longs-métrages, et la pente semble assez dangereuse pour Meirelles.

Après un deuxième long adapté du roman de Le Carré (The Constant Gardener), Meirelles s'est attaqué à une autre adaptation de roman : L'Aveuglement, de l'écrivain et journaliste portugais José de Sousa Saramago, qui devint en 1998 le premier écrivain portugais à être récompensé du Prix Nobel de littérature. A l'époque, Meirelles voulait faire de cette adaptation son premier long, mais Saramago avait refusé d'en vendre les droits. Dommage qu'il ait changé d'avis par la suite...

Le pitch, séduisant en diable, propose de s'attacher à ce que devient l'humanité, frappée soudainement de cécité contagieuse, pour une raison inconnue. Blindness, hélas, gâche ce beau potentiel en s'évertuant pendant deux heures à rabâcher avec force détails clichés (racket, viols, etc.) la maxime "l'homme est un loup pour l'homme". Le spectacle laisse d'autant plus indifférent que les personnages (même principaux) ne sont jamais vraiment définis ; le scénariste a voulu imiter le livre, où on ne sait rien de la psychologie des personnages. Ce qui fonctionne à l'écrit ne fonctionne pas dans le film.

L'autre écueil, de taille, et cette fois réellement imputable à Meirelles, était : comment rendre lisible, en images, la perte de vue ? Comment entrainer le public dans un monde où l'image n'existe plus alors que le cinéma n'est fait que de cela ? Il n'y avait peut-être pas de réponse satisfaisante ; encore une fois, ce qui fonctionne à l'écrit ne fonctionne pas dans le film. Meirelles dit avoir réfléchi sur la manière de déstructurer le plus possible l'image. Il l'a éclaircie au maximum, blanchie et rendue la plus brillante possible, tout en jouant sur les couleurs qui ont été dénaturées. Il a multiplié les angles de caméra et joué sur les surfaces réfléchissantes, dans le but que le spectateur perde progressivement confiance en ce qu'il voit. Le résultat ressemble presque à un nanar, du moins fortement à une série B, mais sans aucune envergure. Les brillants acteurs que sont Mark Ruffalo, Gael Garcia Bernal et Julianne Moore font ce qu'ils peuvent, mais l'ennui est profond et la déception très grande venant d'une réalisation de Fernando Meirelles. Ca sent le sapin pour le Portugais, mais espérons que son 4e film permettra d'oublier ce gros faux-pas.

5/10

14 octobre 2008

The Dark Knight



Après un Batman Begins assez ahurissant, dont on on pouvait penser que ce n'était "que" le début d'une montée en puissance encore plus spectaculaire, Christopher Nolan n'est pas parvenu avec ce deuxième volet à transformer tous les espoirs suscités. Et cela est d'autant plus décevant que Nolan en a écrit le scénario (avec son frère), et qu'en tant que co-producteur, il semble avoir eu les coudées franches pour aboutir à une vision assez personnelle du film.

Il en résulte, pour le bon côté des choses, une noirceur très surprenante pour un film hollywoodien de super-héros ; même si cette veine a déjà été exploitée avec succès (en particulier avec les Spider-Man de Sam Raimi), ici on dépasse tout ce qui a déjà été fait, avec une confrontation du Bien et du Mal qui débouche sur l'opposition du fascisme (le nettoyage obsessionnel de Gotham) comme réponse (inefficace) au nihilisme (la gratuité absolue des actes du Joker).

Cette noirceur est bâtie à partir du catalyseur qu'est ce méchant ultime, le Joker, porté au panthéon des vilains par la performance de Heath Ledger. Une telle réussite est à double tranchant : les scènes où il apparait sont portées par une énergie et une tension monstrueuses, mais il anéantit l'intérêt des scènes où il est absent. L'autre vilain, Double-Face, reste fade en comparaison, et la multiplicité des personnages secondaires, mal définis, accentue ce problème. Autre souci de taille : Batman, censé être le contrepoids du Joker, est le grand "absent" du film.

Si on peut relever plusieurs éléments néfastes à son charisme (le manque de toute expression derrière un masque qui ne laisse presque plus de peau découverte ; la voix de Christian Bale, inutilement trafiquée, qui supprime toute nuance), la relative économie de ses apparitions, censée sans doute renforcer leur impact, semble traduire un embarras de la part de Nolan. A force de mettre l'accent sur le "réalisme" (longues explications sur les armes de Batman, choix de tourner à Chicago pour figurer Gotham), Nolan parvient trop bien à convaincre que Batman n'est qu'un type ordinaire utilisant des armes sophistiquées pour lutter contre des vilains qui n'ont rien d'exceptionnel (hormis leur mental), dans une ville standard nord-américaine. Cette surexploitation du "réalisme" est dangereuse car elle vide Batman de toute sa dimension mythique ; l'apparition de clones de Batman en costumes approximatifs au sein même du film est d'ailleurs un terrible témoignage de cette banalisation d'un super-héros qui n'a plus grand-chose de super.

Il commence à être au final agaçant de voir les films de super-héros opérer de véritables "kidnappings" de réalisateurs brillants (ex. : Sam Raimi et Bryan Singer), qui passent du coup plusieurs années de leur carrière sur des projets dont l'ampleur finit tout de même par les desservir. The Dark Knight s'englue dans des longueurs et dans un scénario qui tente de caser beaucoup trop de personnages et de sous-intrigues à la fois. Le fabuleux style de Nolan se retrouve écrasé dans l'entreprise. Espérons qu'il saura revenir au plus vite vers des films éminemment plus personnels, son plus abouti restant toujours à ce jour Memento.

7/10