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10 décembre 2007

Cowboy



Comme son affiche le laisse présager, Cowboy repose intégralement sur les épaules de Benoît Poelvoorde. Ce dernier incarne un journaliste obligé d'animer une émission sur la sécurité routière pour pouvoir vivre, loin de ses envies de reportages. En pleine crise de la quarantaine, et assailli de doutes sur le sens de sa vie et sur le respect de ses idéaux quasiment perdus, il va se lancer à corps perdu dans la réalisation d'un reportage pour retrouver les protagonistes d'un drame (réel) : une prise d'otage d'un bus d'adolescents, en 1980, en Belgique. L'auteur des faits avait alors pour but d'attirer l'attention des médias pour dénoncer les inégalités sociales, pas de faire mal aux enfants. Cet épisode, qui a marqué sa jeunesse et forgé ses idéaux, il veut le faire revivre aux différents acteurs du drame pour montrer que 27 ans plus tard, rien n'a vraiment changé.

Sur ce pitch plutôt original, voire engagé, le film démarre sur les chapeaux de roues, mêlant avec brio satire sociale, cynisme débridé, et pathétique douloureux. Néanmoins, plus le film avance, plus le documentaire entrepris par le médiocre qui se rêve héros se transforme en fiasco, et curieusement l'ennui gagne aussi le spectateur, faute de rythme et faute de réalisme. Benoït Mariage (déjà auteur d'un film à forte connotation sociale, Les Convoyeurs attendent) ne parvient pas à garder l'équilibre du début du film. Le film semble fonctionner par scènes, sans réel liant entre elles, et le personnage joué par Gilbert Melki (l'ancien gauchiste auteur de la prise d'otage) est très insuffisamment développé. L'excellent Melki fait ce qu'il peut, mais son personnage n'existe pas vraiment. Dès lors il ne se dégage aucune émotion, aucun enjeu entre l'ancien anar, et ses anciens otages devenus adultes.

C'est fort dommage et le film, ponctué tout de même de scènes fortes, cruelles ou drôles, est finalement à recommander aux inconditionnels de Poelvoorde, au jeu ici très bien dosé, bien dirigé.

6/10

11:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, Benoit Mariage

05 décembre 2007

We Own The Night



James Gray est un cinéaste rare : trois films seulement depuis 1994. A l'âge de 25 ans, il écrit et tourne Little Odessa en 1994 et obtient le Lion d'Argent à Venise, tout comme le prix de la Critique du Festival de Deauville. Ce film très sombre, avec Edward Furlong et Tim Roth, se passe à Brighton Beach, une zone de New-York City rarement dépeinte au cinéma, dans le quartier de la mafia juive russe appelée Little Odessa. James Gray passe immédiatement pour un surdoué très prometteur.

Pour The Yards, en 2000, il embauche Mark Wahlberg et Joaquin Phoenix, qu'il convoque à nouveau en 2006 pour le tournage de We Own The Night (devis de la brigade des stups à NYC dans les 80's). Encore une fois, c'est à Brighton Beach que l'action se situe, et encore une fois l'ombre de la mafia russe plane sur le film. Et encore une fois, James Gray évite les clichés sur NYC, en tournant dans des quartiers qu'on ne voit jamais dans les films. Pas de redite avec Little Odessa néanmoins. We Own The Night explore l'histoire de Bobby (peut-être bien le rôle de sa vie pour Joaquin Phoenix, sidérant), patron d'une boite de nuit branchée appartenant à des Russes qui étendent leur influence grâce au trafic de drogue. Pour continuer son ascension, Bobby doit cacher ses liens avec sa famille : seule sa petite amie (Eva Mendes), Amada est au courant que son frère, Joseph (Mark Wahlberg), et son père, Burt (Robert Duvall), sont des membres éminents de la police new-yorkaise...

L'histoire a l'air classique. Elle l'est, mais écrite par James Gray, ce policier est nettement plus proche d'un drame quasiment shakespearien comme Heat de Michael Mann. Si Little Odessa ne m'avait pas spécialement impressionné à cause de son scénario, il faut avouer qu'avec We Own The Night, James Gray a hissé son cinéma à un niveau proche de celui de celui de Michael Mann (sans toutefois jamais le copier d'un point de vue du style). Comme dans Miami Vice, le film commence sans générique d'introduction sur une fantastique scène dans une boîte de nuit. Sur "Heart Of Glass" de Blondie, le couple Phoenix/Mendes nous est présenté. Il brûle l'écran. A partir de là, impossible de détourner son regard de cette tragédie vertigineuse. James Gray nous offre 1h50 de bonheur cinématographique, d'une énergie et d'une émotion tétanisantes. Il n'y a pas une séquence qui ne serve à moins de 100% le flux assez imprévisible de l'histoire.

Ce qui va rester probablement comme un des films majeurs de cette décennie a l'ironie de sortir moins d'un an après des films comme The Departed de Scorsese ou American Gangster de Ridley Scott, qui se donnaient des airs de grands classiques du polar, et qui y échouent totalement. James Gray, lui, avance avec plus de modestie, et rafle la mise. Le génie qu'on lui pressentait à ses débuts est bien là, mûr et avéré. Nous avons gagné un très grand. Vivement la suite !

10/10

09:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, James Gray

02 décembre 2007

My Blueberry Nights



Je me demande encore ce que Wong Kar-Wai a voulu faire en tournant pour la première fois aux USA, et en langue anglaise. Visiblement, quelque chose s'est perdu entre Hong-Kong et les USA ! Deux citations résument bien le ratage :

"Wong Kar-Wai se ridiculise comme un bleu avec cette panouille pas possible sur fond de pâtisserie et de bisous de posters" Jean-Philippe Tessé, Chronic'art

"Bluette insipide et carte postale du touriste Wong Kar-Wai en vacances aux Etats-Unis, le film assène sa philosophie de comptoir et ses métaphores sexuelles malheureuses (...). Complètement tarte" Olivier Bonnard, TéléCinéObs

En outre, Wong Kar-Wai a fait la cruelle erreur de vouloir tourner ce film avec la chanteuse Norah Jones dans le rôle principal, qui n'avait alors jamais été actrice. Si elle arrive à faire illusion dans la première partie du film face à Jude Law, en échangeant des banalités et en mangeant de la tarte aux myrtilles, elle paraît soudainement bien pâlote face aux brillantes Natalie Portman et Rachel Weisz, qui déroulent des rôles de composition qui évitent au film le zéro pointé.

Reste de My Blueberry Nights quelques belles images qui n'appartiennent quà Wong Kar-Wai, mais c'est trop maigre. Car même ses fameux ralentis tournent au gimmick quand ils sont utilisés à l'envi. Décidément, on se demande quelle mouche a piqué ce réalisateur.

4/10

09:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, Wong Kar-Wai

30 novembre 2007

Once



C'est un conte de fées comme l'histoire du cinéma en est traversée de temps à autre. C'est l'histoire d'un réalisateur irlandais débutant, John Carney, qui doit tourner un film avec l'excellent acteur Cillian Murphy, mais celui-ci se désiste peu de temps avant le tournage, pas satisfait d'avoir à donner la réplique à l'actrice non professionnelle que le réalisateur a en tête (Markéta Irglová, pianiste). Dans la foulée, le producteur retire ses billes. En catastrophe, le réalisateur demande à son ami Glen Hansard, compositeur de la musique du film, de tenir le rôle principal. Hansard est lui aussi acteur non-professionnel, bien qu'il ait tourné une seule fois, dans The Commitments (1991) d'Alan Parker. Glen Hansard possède un groupe, The Frames, qui marche bien, et n'est pas très chaud pour faire l'acteur, mais accepte finalement de dépanner son ami.

Le budget tombe à 160 000$, le Irish Film Board en finance 75% et Carney y verse tout le reste de ses économies. Tous les acteurs y jouent gratuitement. Le film se tourne en 17 jours, en décors et lumière naturels, sans autorisation de la ville de Dublin pour les scènes extérieures.

Le film remporte le prix du public au festival de Sundance cette année, Spielberg s'enthousiasme (""A little movie called Once gave me enough inspiration to last the rest of the year"), et le buzz est tel que le film rapporte finalement 100 fois sa mise.

Dans les rues de Dublin, deux âmes seules se rencontrent autour de leur passion, la musique... Il sort d'une rupture douloureuse. Elle est mariée à un homme qu'elle n'aime plus. Dans un monde idéal, ils seraient fait l'un pour l'autre. Ensemble, ils vont accomplir leur rêve de musique.

On peut donc enfin découvrir en France ce film très axé sur la musique et la force créative, à tel point que cela en est presque un film musical tant récit et plages musicales s'imbriquent avec force. Les chansons, composées par les deux acteurs (qui sont donc des musiciens, en fait !), sont de très belles pièces pop/folk/rock (irlandais), avec un charme indéniable et attachant. Cette histoire, qui aurait facilement pu verser dans la guimauve, est finalement tellement touchante, souvent drôle, et sincère qu'elle désamorce tous les pires a priori qu'on pouvait avoir.

De surcroît, le scénario évite avec habileté bien des poncifs (qu'on ne citera donc pas pour ne rien spoiler !), ce qui rend ce premier film véritablement attachant et finalement bien rare, aux antipodes de ce que son pitch pouvait laisser penser. Si vous aimez la musique, si vous aimez être touché, si vous aimez rire, si vous aimez les films avec des acteurs désarmants de naturel (et pour cause, puisque ce ne sont pas des professionnels), courez voir ce film, très rafraîchissant.

Enfin, un film qui met en scène la statue de Phil Lynott (le regretté leader de Thin Lizzy), inaugurée en 2005 dans Harry Street à Dublin, ne pouvait pas être mauvais ! ;-)

8/10

22:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, John Carney

28 novembre 2007

De l'autre côté



On n'en finit plus d'encenser le réalisateur germano-turc Fatih Akin. Prix du scénario à Cannes (seul prix, qui en général, ne fait pas trop débat), j'ai enfin donc pu découvrir ce réalisateur (notamment aussi suite à la lecture de la note d'Angrom - merci !). Les précédents films d'Akin ne m'avaient pas trop attiré, sans doute à tort.

Il faut avouer qu'au bout du compte, Auf der anderen Seite est en effet un film d'une rare virtuosité scénaristique (scénario d'Akin lui-même), où une histoire chorale traite extrêmement habilement de la mort, de la famille, et des relations politiques entre la Turquie et l'Union Européenne (à travers l'Allemagne). Il est très rare de voir un tel équilibre entre un enjeu émotionnel fort et une réflexion politique qui dépasse la simple toile de fond. Sans dévoiler quoi que ce soit, on peut dire qu'en plus Akin parvient à éviter les clichés habituels qui collent aux histoires chorales.

La mise en scène est sans artifices, fluide et entièrement au service de l'histoire qui évite tout pathos malgré ses fortes émotions. Du cinéma d'auteur de bel ouvrage, fin, intelligent, intense, pas pédant et accessible à tous, voilà qui est bien rare finalement. A conseiller aux cinéphiles et bien au-delà.

8/10

22:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma, Fatih Akin