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27 février 2007

Letters from Iwo Jima



Comme je l'écrivais à la fin de ma note sur Flag Of Our Fathers, après la relative déception suscitée par ce dernier, j'attendais beaucoup du point de vue japonais de la bataille d'Iwo Jima. Trop, sans doute.

Pourtant, ce deuxième volet ne souffre pas des mêmes écueils. L'histoire est ici quasiment linéaire, et presque... trop. Les Américains, dans le premier volet, avaient droit à de nombreux flashes-back ; les soldats japonais que nous suivons n'existent que pendant le cours de la bataille, en dehors d'une ou deux exceptions fugitives. Les 2h20 ne font alors que dérouler l'inéluctable, l'extermination de ces soldats de l'Empire, en large infériorité numérique, et privé de tout espoir de renfort, le reste du Pacifique étant déjà tombé dans les mains des Alliés.

Alors qu'Eastwood tenait là un sujet splendide, son scénariste Paul Haggis, décidément très axé sur le pathos, transforme l'entreprise en une enfilade de clichés. Les personnages sont manichéens, leurs relations prévisibles, et le traitement psychologique, naïf : oui, les Japonais n'étaient pas que de la chair à canon, c'était des hommes (révélation !), non, les Américains n'étaient pas tous gentils (bis). Par contre, les spécificités culturelles du Japon sont passées sous silence, rien ne permet de comprendre ou d'avoir de l'empathie pour ces soldats sacrifiés. Du coup, Letters From Iwo Jima souffre d'un défaut majeur, celui de ressembler hélas à un film hollywoodien... tourné en japonais : il ne propose pas de point de vue, procure une petite sensation de voir pour une fois l'envers du décor, mais c'est une illusion. Il n'apporte hélas... rien. Il ne fait que servir la soupe aux amateurs de "beaux films", larmoyants et tristes à souhait.

La réalisation et la photographie sont heureusement là pour nous montrer que nous avons affaire à un monsieur de la trempe de Clint Eastwood. Quelques séquences, grâce aussi au talent des comédiens, sont réellement prenantes et magnifiques, mais c'est un sentiment de gâchis qui prévaut quand on pense à la stature du réalisateur derrière un tel projet qui passe vraiment à côté de son potentiel.

7/10

14:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

26 février 2007

Primer



Primer, sorti sur seulement 6 copies en France, arrive chez nous avec retard, mais auréolé d'un buzz dû à quelques faits pas communs : tourné à l'arrache chez des amis, primé entre autres à Sundance en 2004 ; écrit, produit, tourné, éclairé, monté, interprété par autodidacte, Shane Carruth, pour une somme ridicule, cela a en effet tout du film culte.

Le pitch semble être une énième variation du voyage dans le temps, sujet inépuisable :

Deux ingénieurs développent à leur temps perdu une machine capable de réduire la masse des objets. Alors qu'ils en sont à peine à considérer les applications pratiques d'une telle invention, ils découvrent une capacité inattendue de leur machine : l'échelle temporelle ne serait pas la même à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ils s'empressent d'en construire un modèle suffisamment grand pour en expérimenter les effets sur eux-mêmes...

Néanmoins, le film se démarque par une volonté de coller à un vocabulaire très technique (une bonne partie du film est axée sur la laborieuse élaboration de la boîte et la découverte de ses effets), et à un effet limité : les protagonistes ne se baladent pas dans le temps, ils doivent s'enfermer plusieurs heures dedans pour "revenir" quelques heures dans le passé. Le film tente donc d'être beaucoup plus dans la "science" que dans la "fiction", ce qui est voulu bien entendu aussi par le budget serré, et le background matheux du cinéaste, ingénieur dans la vraie vie.

Formellement, le film est impressionnant pour un coup d'essai en 16mm : les teintes froides, associées à des prises de vue souvent lointaines, confèrent un aspect documentaire, néanmoins tempéré par un montage très inventif. En voyant cela, on peut se dire que Shane Carruth marche sur les pas de Darren Aronofsky (Pi) ou Vincenzo Natali (Cube) : l'exploitation extrêmement futée d'un budget ridicule pour exploiter une histoire hors du commun.

Or, le film prend le pari osé d'être très "rubik's cube", quasiment uniquement axé sur les paradoxes temporels, qu'il ne cherche absolument pas à éviter, au contraire, mais à confronter, ce qui là encore le démarque. Il faut donc une concentration très intense pour arriver à suivre, et encore, il est probablement impossible de comprendre tout du premier coup. Cela ne me pose pas de souci, au contraire, mais le problème est : Primer donnera-t-il envie d'être revu pour mieux en percer le mystère ? Pas sûr, car au-delà de ce simple jeu technique, Primer brille par l'absence d'émotion. Les personnages ne sont pas approfondis et le scénario ne permet pas d'exploiter vraiment ce qu'on comprend vers la fin du film.

Heureusement, Primer ne dure qu'1h17, mais n'y allez pas pour vous divertir, ni même pour espérer débattre du film pendant des heures : Primer est comme un mode d'emploi compliqué, il faut l'avoir sous les yeux pour en tirer quelque chose. Avis aux amateurs...

6/10

18:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

23 février 2007

Bug



On ne présente plus William Friedkin. Il a fallu 10 mois pour découvrir enfin son nouveau film, très remarqué à la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2006. L'attente était donc élevée, surtout après sa traversée du désert durant les années 90, et l'espoir retrouvé avec The Hunted (2003).

Huis clos adapté d'une pièce de théâtre, Bug ne renie pas ses origines et est une véritable leçon de mise en scène et de direction d'acteurs. A plus de 70 ans, le subversif réalisateur américian montre qu'il a encore un savoir-faire envié.

Bug est ni plus ni moins que la descente aux enfers de deux individus à la dérive et en proie à la paranoïa (qui prend ses origines dans des causes donnant une dimension politique au film). Bug est tellement osé et parfois hystérique qu'on peut arriver à en rire ; oui, ce grotesque est à la fois comique, et terrifiant. Bug est une expérience, qui peut tout à fait se couper d'une bonne partie du public. Si vous avez aimé Naked Lunch de Cronenberg, il ne faut pas rater Bug, qui pourrait aussi bien lui aussi être adapté d'un roman de William S. Burroughs.

C'est finalement assez rare, donc il faut le signaler, le travail sur la bande-son et sa spatialisation est remarquable. Le film perdrait un grand intérêt être vu en stéréo. Enfin, si on veut chipoter, on pourrait dire que Bug est peut-être trop long d'environ 10 minutes pour être presque parfait formellement. Le récit prend le temps de (trop ?) installer les personnages principaux, et le rythme prend ensuite assez brutalement une accélération déstabilisante.

8/10

16:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

16 février 2007

The Good German



Après l'expérimental Bubble, et en attendant Ocean's 13 en juin, le surdoué Steven Soderbergh s'amuse une fois de plus à brouiller les pistes en multipliant les projets on ne peut plus différents. Cette fois, il s'attaque à un thriller dramatique situé en 1945, en plein Berlin, au moment de la conférence de Postdam. Fort bien, mais Soderbergh s'est lancé dans un exercice de style, consistant à non seulement tourner en noir et blanc, mais à aussi à donner à son film tous les aspects d'un film tourné à l'époque du récit.

Nous avons donc droit à un générique en 4/3, avec les moyens d'incrustations de l'époque ; une image retravaillée pour lui donner des défauts (rayures, tâches) ; une vitesse de défilement légèrement accélérée par moments ; un son parfois défaillant, une musique très appuyée...

Cette démarche peut faire penser à celle de Guy Maddin et son dernier film, The Saddest Music In The World. Néanmoins, si Maddin était allé beaucoup plus loin (lui avait cherché carrément à remonter aux sources du cinéma parlant), il avait également su tirer une étrange modernité de son film par une mise en scène qui elle, n'empruntait rien au passé. Or, Soderbergh, lui, étouffe quasiment son style dans The Good German. En dehors de quelques fulgurances qui lui sont propres, le film dégage une terrible odeur de naphtaline. Si techniquement, l'exploit est sans doute de taille (et la photographie noir et blanc, surexposée et savante, est superbe), on peut se questionner sur l'intérêt d'une telle démarche. Hommage, oui, certes, et alors ?

De plus, tout affairé à sa mise en scène taxidermiste, Soderbergh semble pour la première fois de sa carrière, avoir oublié de se pencher autant sur le scénario, même s'il n'est pas de son oeuvre (mais de celle du scénariste de Donnie Brasco, mais aussi du nanar La Somme de toutes les peurs), et même s'il est adapté d'un roman de Joseph Kanon. Ce qui aurait pu être un terrible constat sur la chasse aux nazis et les prémices de la guerre froide dans cette Allemagne en ruine, se retrouve être une collection d'images sans rythme, sans énergie, et après un bon début, c'est l'ennui qui gagne. Même George Clooney, dont c'est la cinquième participation à un film de Soderbergh, semble ici transparent. Je ne retiens que la performance de Cate Blanchett, qui irradie l'écran. C'est maigre. Grosse déception donc d'un des plus intéressants cinéastes américains. Steven, reprends-toi, vite !

6/10

08:29 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma

11 février 2007

La Vie des autres



Après avoir vu ce film, on peut avoir un réflexe : retenir le nom (pourtant un peu compliqué) de Florian Henckel von Donnersmarck. Pour son premier film, ce jeune homme allemand (mais diplômé en philosophie de l'université d'Oxford) de 33 ans s'est permis de rafler quantités de récompenses, et pas seulement dans son pays. C'est amplement compréhensible au vu des qualités de La Vie des autres, si nombreuses qu'on ne les trouve habituellement que dans une oeuvre d'un cinéaste confirmé.

De facture "classique", la mise en scène est discrète mais totalement appropriée à la mise en valeur du jeu des acteurs et de l'émotion. Un soin particulier a été visiblement accordé à la photographie (oeuvre de Hagen Bogdanski, responsable de celle d'Antibodies). Le plus impressionnant, techniquement, reste sans doute la direction des acteurs, car le casting comporte plusieurs pointures allemandes, dont Sebastian Koch (vu récemment sur nos écrans dans le dernier film de Verhoeven, Black Book). Là encore, grand signe de maturité de la part du cinéaste.

Enfin, le scénario aborde, sous une trame de drame, un sujet délicat et ô combien sensible dans le pays d'origine du cinéaste :

Au début des années 1980, en Allemagne de l'Est, l'auteur à succès Georges Dreyman et sa compagne, l'actrice Christa-Maria Sieland, sont considérés comme faisant partie de l'élite des intellectuels de l'Etat communiste, même si, secrètement, ils n'adhèrent pas aux idées du parti.
Le Ministère de la Culture commence à s'intéresser à Christa et dépêche un agent secret, nommé Wiesler, ayant pour mission de l'observer. Tandis qu'il progresse dans l'enquête, le couple d'intellectuels le fascine de plus en plus...


Florian Henckel von Donnersmarck a passé quatre années à préparer son film, en particulier le scénario, et ça se voit. La finesse et l'acuité de sa description du monde impitoyable des rouages de la Stasi démontrent en effet une grande analyse, servie par une interprétation à faire froid dans le dos. Le film nous plonge littéralement dans les heures les plus sombres de la RDA. On peine à croire que tout ceci avait lieu sur notre continent il y a encore moins de 20 ans ! Cette histoire est d'ailleurs inspirée de faits réels, auxquels von Donnersmarck a évidemment rajouté une trame plus romanesque, plaidoyer pour la liberté d'expression artistique et la liberté d'opinion. Subtil, passionnant, intelligent, sans sentimentalisme, La Vie des autres est une très belle surprise qui devrait ravir les cinéphiles exigeants.

8/10

19:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Cinéma