01 mars 2006
The Saddest Music In The World
Il y a des films qui rassurent sur l'état du cinéma en tant qu'un des beaux-arts, et pas seulement comme du divertissement accompagné de pop-corn pour les masses. Le dernier film de l'excentrique Guy Maddin en fait partie, et en regardant de plus près en quoi ce film consiste, on peut vraiment penser que c'est un miracle que de telles oeuvres puissent encore exister...
Commençons par un aperçu du synopsis :
Winnipeg, au Canada, en 1933, au coeur de la Grande Dépression. Lady Port-Huntly, baronne locale de la bière, bien décidée à profiter de la fin proche de la Prohibition, lance le concours de la musique la plus triste du monde.
Des candidats du monde entier affluent vers la ville enneigée et glaciale. Attiré par le prix de 25 000 $, chacun tente d'interpréter à sa manière la plus profonde tristesse au cours d'une compétition euphorique, largement arrosé à la bière locale, la Muskeg, et suivie à la radio par des américains qui ont soif.
Ajoutons que le tout est filmé en noir et blanc, avec une post-production consistant à vieillir le film pour l'amener à une qualité proche celle qu'on trouvait à l'époque du cinéma muet : image granuleuse, scintillement, défilement irrégulier... et le son est quant à lui également peu naturel, comme aux débuts du cinéma parlant, avec ses imperfections techniques et son absence de "réalisme". Tout ceci n'est pas très vendeur ! Et pourtant, il se dégage ainsi du film un charme suranné et une puissance d'évocation onirique impressionnants.
Il convient de souligner que même si l'image et le son ont été calqués au plus près sur ce qu'on parvenait à faire il y a plus de 70 ans, le montage est quant à lui d'une fulgurance et d'une inventivité toute autre. C'est un des nombreux atouts du film.
Au-delà de cette mise en forme particulière, le fond n'en est pas moins très intéressant. Le concours de la musique la plus triste du monde est un prétexte pour se faire rencontrer les personnages d'un drame familial (père, frères, ex-femme, maîtresse...). Ces personnages sont excentriques, voire farfelus : la baronne de la bière est cul-de-jatte (Isabella Rossellini), son ancien mari est un producteur de comédies musicales, dont la maîtresse est nymphomane et amnésique (Maria de Medeiros) et dont le frère est un musicien ne supportant pas qu'on le touche, etc.
Le film comporte un très grand nombre de scènes tour à tour féériques, loufoques, bizarres, drôles, tendres, cruelles... Le surréalisme qui se dégage par moment évoque forcément un des derniers cinéastes à encore briller dans le domaine : David Lynch. Ce n'est néanmoins qu'un trait de caractère que Maddin partage avec Lynch, car leurs personnalités sont bien différentes dans le résultat final.
The Saddest Music In The World est peut-être un peu trop dense pour être digéré en une seule fois, et la surprise continuelle de la mise en scène contribue sans doute à semer le doute chez le spectateur. Bonne nouvelle, voici donc un film qui gagnera à être revu.
8/10
10:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma
Commentaires
J'avais bien aimé "Dracula, pages tirées du journal d'un vierge" son précédent film si ma mémoire est bonne. Maddin utilisait un peu les mêmes techniques de film vieilli. Et si je me souviens bien "Dracula" était muet, de surcroit...
Je me laisserai peut être tenter par cet Ovni si j'arrive a trouver un peu de temps ...
Écrit par : Angrom | 01 mars 2006
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