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23 février 2006

Syriana



D'après Robert Baer, l'auteur du livre See No Evil ayant inspiré ce film, Syriana est le terme utilisé à Washington pour décrire le remodelage du Moyen-Orient souhaité par les USA. Ce terme provient de l'expression Pax Syriana, dont on trouve la signification sur Wikipedia.

Une fois cette explication donnée, on ne peut que reconnaître que ce titre résume à merveille le sujet du film, qui dénonce les agissements de l'industrie pétrolière américaine prête à tout pour maintenir le chaos au Moyen-Orient afin de continuer à en dominer le marché pétrolier. On nous montre cette industrie comme ayant corrompu tous les niveaux du gouvernement américain, qui semble donc plus préoccupé par les pétro-dollars que par la montée du terrorisme islamiste.

Depuis le début de l'année, les films américains très engagés politiquement s'enchaînent et tirent à boulets rouges sur une actualité brûlante (néanmoins, seul Lord Of War d'Andrew Niccol a été entièrement financé en dehors d'Hollywood). S'il peut paraître miraculeux qu'un conglomérat comme AOL-Time-Warner finance un film comme Syriana, George Clooney, producteur exécutif et chef de file des "stars" engagées, rappelle que l'ultime loi reste le dollar. Or, les blockbusters habituels marchent beaucoup moins bien qu'avant, alors qu'il y a une réelle demande du public pour des films plus critiques, et moins chers à produire. La rentabilité record de Fahrenheit 9/11 de Michael Moore a ouvert la voie.

Malgré tout l'intérêt politique de Syriana, qu'en est-il artistiquement ? Stephen Gaghan, réalisateur/scénariste, avait auparavant seulement tourné Abandon (2002), un thriller à la réputation de nanar même pas sorti en salles chez nous. Par contre, l'homme peut s'enorgueillir d'être le scénariste de Rules Of Engagement (2000) de William Friedkin (à ne pas rater à la Cinémathèque !) et de Traffic (2000) de Steven Soderbergh.

Traffic est vraiment un de mes films préférés de Soderbergh, à tous points de vue. La comparaison s'impose et c'est très intéressant : Syriana fonctionne aussi comme un puzzle, un film choral où 4 histoires parallèles finissent par se rejoindre.

Hélas, c'est là qu'on voit toute la différence entre un réalisateur surdoué comme Soderbergh et un "débutant" comme Stephen Gaghan, qui aurait peut-être dû confier la réalisation à quelqu'un de plus expérimenté et s'en tenir au scénario, dont je ne remets pas en cause le fond, plutôt passionnant, même si un petit peu porté sur les clichés par moments (entre autres : l'apprentissage du futur kamikaze ; l'omni-présence des relations père/fils, difficiles pour tous les personnages).

Le découpage des histoires parallèles est particulièrement haché et contraste avec le déroulement plutôt lent de l'action. Ce paradoxe entraîne une sensation de confusion qui aurait pu être facilement évitée, car l'histoire de Syriana n'est finalement pas si dense que cela. Les séquences sur chaque personnage sont trop courtes et ne permettent pas de s'attacher véritablement à eux, ni même de bien comprendre leurs motivations, d'autant plus que leur personnalité n'est jamais approfondie.

La façon de filmer, très "docu-fiction", caméra à l'épaule le plus souvent, contraste avec des plans nettement plus cinématographiques, plus fouillés, si bien qu'on a l'impression que Gaghan a hésité quant au style à donner à Syriana.

La photographie est très terne et là encore, on est bien loin des splendides images de Traffic (dont Soderbergh avait réalisé lui-même la photographie). Ceci est vraisemblablement voulu pour l'aspect "documentaire", mais les nombreuses images du désert paraissent bien peu vivantes, très sous-exploitées en tout cas.

Si je résume, j'ai apprécié le fond (pour sa rage non dénuée d'intelligence sur le sujet, et son pessismisme, puisque seuls les corrompus s'en sortent), mais assez peu la forme, qui handicape à mon avis grandement la portée du film.

7/10

10:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Cinéma

Commentaires

Assez d'accord avec toi, je suis assez décu par ce film dont la réalisation n'est pas a la hauteur, et le scénario trop fouillis pourqu'on se prenne au jeu.
Dommage c'était bien essayé ...

Écrit par : Angrom | 23 février 2006

Cette critique me rassure un peu car à l'issue du film je n'avais pratiquement rien compris... la faute aussi à cette 1ere heure difficilement captivante qui m'a plongé dans un coma profond pendant la 1/2h suivante :)

Même si je ne suis pas d'accord à 100% avec toutes les critiques, elles restent néanmoins très bien construites et très agréables à lire.

Écrit par : Jérôme | 23 mars 2006

Trés bonne critique! J'ai eu l'impression que les 3/4 du film ont servi à planter le décor. Il a fallu attendre la fin pour comprendre les tenants et aboutissants de ces 3/4 de film trés pénible à suivre. C'est le genre de film à regarder 2X, du moins, si on en a le courage. A part ça, le sujet montre encore une fois que les USA en font tout autant que les "méchants terroristes" à la différence que ce qu'ils font est volontairement ignoré des médias et donc des personnes qui pensent encore que les Américains sont les "bons"... J'ai préféré de trés loin, Traffic et Lord of War!

Écrit par : Pélé | 10 avril 2006

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