22 mai 2010
Enter The Void
Oscar et sa sœur Linda habitent depuis peu à Tokyo. Oscar survit de petits deals de drogue alors que Linda est strip-teaseuse dans une boite de nuit. Un soir, lors d'une descente de police, Oscar est touché par une balle. Tandis qu'il agonise, son esprit, fidèle à la promesse faite à sa sœur de ne jamais l'abandonner, refuse de quitter le monde des vivants. Son esprit erre alors dans la ville et ses visions deviennent de plus en plus chaotiques et cauchemardesques. Passé, présent et futur se mélangent dans un maelström hallucinatoire.
Huit ans sans long-métrage, c'est long, surtout quand le dernier en date est un des films les plus controversés (et réussis) de l'histoire du cinéma français : Irréversible. Certes, Gaspar Noé n'a pas chômé entre-temps, mais il a œuvré dans le court-métrage underground. Enter The Void était un projet absolument fantasmé tant le sujet, le lieu de tournage (Tokyo), et les défis techniques annoncés semblaient pouvoir être relevés par Noé lui-même uniquement.
A l'arrivée, on a eu un film pas finalisé superbement ignoré en compétition officielle à Cannes en 2009, et une sortie un an plus tard en raison du très long travail de retouche des images en post-production pour accentuer l'effet "trip" de l'âme du personnage principal en vue subjective, à la dérive dans Tokyo.
Alors ?
Comme d'habitude avec Gaspar Noé, Enter The Void est une œuvre qui a les défauts de ses qualités, conséquence inhérente aux parti-pris artistiques radicaux. Qu'on le prenne pour un pervers ou un manipulateur, Noé n'en est pas moins un virtuose, qui partage avec son maître Kubrick le goût des structures vertigineuses et des paris techniques. Rien que pour cette audace, Enter The Void mérite d'être vu, et impose une certaine considération, sinon le respect, au vu du manque total de risques de la quasi-intégralité des productions françaises.
Seul hic, Noé n'est pas Kubrick, et son voyage astral à la 2001 se prend quelque peu les pieds dans le tapis en raison d'une durée évidemment trop longue (2h30, la dernière demi-heure étant superflue et tombant dans des provocations relevant du dispositif risible, comme le coït vu de l'intérieur du vagin). En outre, les messages de Noé sont soit confus, soit simplistes (comme l'était le leitmotiv "le temps détruit tout" dans Irréversible). Il manque finalement un peu de matière grise pour étayer l'envergure de sa mise en scène. Malgré cela, Gaspar Noé reste une incongruité qu'on aime à suivre malgré ses défauts.
7/10
20:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaspar noé, nathaniel brown, paz de la huerta, cyril roy
Dans ses yeux (El Secreto de Sus Ojos)
1974, Buenos Aires. Benjamin Esposito enquête sur le meurtre violent d'une jeune femme.
25 ans plus tard, il décide d'écrire un roman basé sur cette affaire "classée" dont il a été témoin et protagoniste. Ce travail d'écriture le ramène à ce meurtre qui l'obsède depuis tant d'années mais également à l'amour qu'il portait alors à sa collègue de travail. Benjamin replonge ainsi dans cette période sombre de l'Argentine où l'ambiance était étouffante et les apparences trompeuses...
Oscar 2010 du meilleur film étranger, Dans ses yeux a ainsi coiffé sur le poteau Un Prophète de Jacques Audiard. Juste ou injuste, il faut reconnaître que Dans ses yeux affiche un art de mise en scène et une interprétation sans faille. Néanmoins, la facture est indéniablement plus classique que Un Prophète, même si le réalisateur Juan José Campanella emprunte habilement à différents genres (enquête policière, thriller politique, comédie, mélodrame), ce qui empêche de ranger son film dans une case précise. Petit regret, contrairement à Un Prophète, il n'y a pas réellement de réflexion cinématographique, ni de message à proprement parler. Un divertissement de première classe donc, mais pas plus - ce qui est déjà beaucoup.
8/10
20:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : juan josé campanella, soledad villamil, ricardo darin, pablo rago
08 mai 2010
Kick-Ass
Dave Lizewski est un adolescent gavé de comics qui ne vit que pour ce monde de super-héros et d'incroyables aventures. Décidé à vivre son obsession jusque dans la réalité, il se choisit un nom – Kick-Ass – se fabrique lui-même un costume, et se lance dans une bataille effrénée contre le crime. Dans son délire, il n'a qu'un seul problème : Kick-Ass n'a pas le moindre superpouvoir...
Il était difficile d'anticiper la bonne surprise offerte par ce troisième long-métrage de Matthew Vaughn (Layer Cake, 2004 ; Stardust, 2007). Le réalisateur américain signe ici une œuvre étonnante, qui commence comme une parodie potache de films de super-héros, et qui finit comme un actioner sanglant dans une ambiance totalement débridée et très tarantinesque dans le traitement de la violence. Vaughn ne s'est fixé aucune limite et pioche allègrement dans toutes les références pop, du teen-movie au blockbuster Marvel en passant par Kill Bill.
De ce côté foutraque ressort finalement un charme qui opère, le film étant difficilement prévisible et s'amusant à sortir franchement plusieurs fois du cadre imposé en règle générale par une telle production. Il est rassurant de voir que Hollywood est capable d'engendrer de tels divertissements pour adultes : c'est drôle, dur, violent, parfois touchant. A consommer sans modération comme un plaisir coupable. Bonne nouvelle, la suite (Kick-Ass 2 : Balls to the Wall) est en route pour une sortie en 2011, et on espère de tout cœur revoir le personnage de Hit Girl, la vraie vedette du film.
8/10
22:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, matthew vaughn, aaron johnson, nicolas cage, chloe moretz
02 mai 2010
Greenberg
Le premier film de Noah Baumbach, Les Berkman se séparent, m'avait laissé une grande impression. Cela remontait à 2006 (!), et tout ce temps passé inclinait à des attentes logiquement assez élevées pour son deuxième long-métrage. Le voici donc enfin, avec Greenberg, porté par un Ben Stiller dont la finesse de jeu est ici assez sidérante. Si on retrouve un sens du montage assez fulgurant, cette fois, comme l'écrit parfaitement l'Obs, "à force de vouloir jouer au plus malin, de chercher le décalage à tout prix, Noah Baumbach vide son film de sens. L'humour à froid tourne à l'humour à plat. Et, loin du petit miracle de son premier long, le réalisateur accouche d'un film poseur et vain".
Cela reste du ciné US indépendant plutôt recommandable, mais on est si loin du talent de son premier film que la déception est en effet cruelle.
5/10
22:30 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, noah baumbach, ben stiller, greta gerwig, rhys ifans
11 avril 2010
Bad Lieutenant
Terence McDonagh (Nicolas Cage) est un inspecteur de la police criminelle de la Nouvelle-Orléans. Il s'est gravement blessé au dos en voulant sauver de la noyade un détenu pendant l'ouragan Katrina. Mais il essaie de continuer tant bien que mal à faire son travail en prenant de puissants médicaments, en augmentant de plus en plus les doses... Il doit cependant faire face à une criminalité de plus en plus envahissante. Il est amoureux d'une prostituée (Eva Mendes). Il obligé de prendre des risques incroyables pour la protéger. Alors qu'il est sur les traces d'un dealer important, il doit également enquêter sur l'assassinat d'une famille d'immigrants africains...
Rien n'avait préparé à un tel retour en forme de Werner Herzog, grande figure de la nouvelle la vague du cinéma allemand des années 1960-70. Personnellement, en salles, j'en étais resté à son documentaire (impressionnant) de 2005, Grizzly Man. J'ai vu tout récemment en DVD son dernier long-métrage de fiction, Rescue Dawn (2007), avec Christian Bale, mais non sorti en salles en France. Le vieux maître était toujours en vie, mais pas spécialement en grâce.
Avec Bad Lieutenant (dont le seul point commun avec le film d'Abel Ferrara de 1992 est le personnage principal, à l'époque interprété par Harvey Keitel), Herzog livre ni plus ni moins un film très noir d'un genre nouveau, entre surréalisme et absurde, pour le plus grand régal des cinéphiles. Nicolas Cage retrouve enfin un rôle à sa démesure, en interprétant un homme sur le fil du rasoir, à l'instar du personnage de Sailor dans Wild At Heart de Lynch.
Tourné à la Nouvelle-Orléans dans les quartiers dévastés par l'ouragan Katrina, Herzog ne distille pourtant pas de critique politique voilée, mais il investit ainsi un cadre très original et propice à faire sentir au spectateur cette atmosphère moite, hallucinatoire et étrange (la convocation des iguanes, crocodiles et serpents comme acteurs du film est à ce titre une trouvaille de génie).
Le scénario est malin en diable, et s'écarte des lois du polar pour au contraire ouvrir des portes multiples, qui sont autant de chausse-trappes pour le spectateur qui n'a plus qu'à se laisser aller. Nombre de scènes sont anthologiques, avec des plans séquences filmés caméras à l'épaule qui nous font d'autant mieux entrer dans la tête hallucinée de l'inspecteur.
Il est inutile d'en dire plus ; mieux vaut aller le voir, sans hésitation aucune. Incontestablement la bonne surprise depuis le début de 2010.
9/10
11:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, werner herzog, nicolas cage, eva mendes