31 décembre 2008
Largo Winch
Allez, je le confesse, je suis allé voir ce film uniquement à cause de mon attachement à la B.D., dont les scénarii de Jean Van Hamme m'épatent toujours par leur haute capacité de divertissement, sous couvert de la caution "un peu de culture financière". J'avais peu d'attente, et hélas, sans grande surprise, l'adaptation cinématographique balaie d'un revers de main toute la verve et l'intelligence de l'œuvre de Francq et Van Hamme, pour ne retenir qu'une lecture évitant soigneusement toute finesse et privilégiant l'action (traitement inspiré sans vergogne de la trilogie Bourne) au détriment de tout approfondissement narratif.
Le réalisateur Jérôme Salle avait été un peu remarqué pour son premier long-métrage Anthony Zimmer (les droits ont été rachetés depuis pour un remake hollywoodien) parce qu'il changeait un peu des conneries du style Les Rivières pourpres et autres thrillers fantastico-religieux. Je n'ai pas de chronique d'Anthony Zimmer car la sortie de ce film est antérieure à la création de ce blog, mais mes carnets m'indiquent une note de 6/10. Pas de progression avec ce Largo Winch qui propose peu ou prou les mêmes défauts qu'Anthony Zimmer, ou plus récemment ceux de Secret Défense. En gros, on s'applique à embellir avec force effets de manche hollywoodiens une entreprise vide de tout souffle épique et romanesque, et désespérément vide de direction d'acteurs (quand acteurs dignes de ce nom il y a). On met du polish pour camoufler les défauts : hop, ça brille, c'est beau, mais c'est creux dedans.
Si côté mise en scène, il n'y a rien de spécial à se mettre sous la dent, le scénario n'était de toute façon pas né sous les meilleurs auspices : co-écrit par Salle lui-même, avec l'aide du fils de Jean-Paul Rappeneau (qui a à son actif quelques bonnes daubes franchouillardes), les deux bonshommes semblent avoir eu pour mission de confectionner un pilote de série, où on essaie de caser un maximum de trucs qui seront peut-être explicités plus tard, si le public achète. Il serait ainsi vain d'essayer de faire la comparaison entre la B.D. et le film, tant ce dernier propose un bric-à-brac issu des trois premiers tomes du premier, tout en modifiant ou ignorant des personnages pourtant clés (Freddy Kaplan, Dwight Cochrane). Saupoudrage : c'est le mot qui me vient à l'esprit en pensant aux personnages grossièrement dessinés dans ce film. Les deux seuls vrais acteurs du film, Gilbert Melki et Kristin Scott Thomas, font ainsi du mieux qu'ils peuvent avec ce qu'on leur donne. Et Kristin Scott Thomas ne peut rien de toute façon contre la ridicule perruque dont elle est affublée...
Le tout se laisse regarder malgré tout avec indulgence, mais le gâchis est terrible quand on pense au matériau de base. Je me mets alors à rêver de ce que pourrait donner une adaptation avec un réalisateur comme Paul Greengrass ou Michael Mann...
6/10
18:01 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, jérôme salle, tomer sisley, kristin scott thomas, gilbert melki
25 décembre 2008
Burn After Reading
Alors qu'il travaille à l'écriture d'un roman, un agent de la CIA voit le fichier contenant son texte tomber aux mains d'employés d'un centre de firness, qui prennent ce contenu pour des informations confidentielles qu'ils vont tenter de monnayer. Ce pitch est le prétexte de la nouvelle comédie des frères Coen, qui ont tourné cette pochade très (trop) vite après leur retour en grâce avec No Country For Old Men.
Tourné apparemment pour le fun entre amis du gotha hollywoodien à l'instar d'un Ocean's 13 de Soderbergh, Burn After Reading échoue hélas dans sa tentative de "film pour s'amuser mais qui a quand même la classe". Faute à un exercice de style coenien qui ne retient que les plus gros clichés misanthropes de leur œuvre passée. Alors, les élèves surdoués délivrent une copie certes honorable, mais tout juste passable pour eux. Techniquement, même la photo est tristounette, alors qu'elle est l'œuvre du magicien Emmanuel Lubezki, chouchou des Terrence Malick, Alfonso Cuaron et Michael Mann.
On peut sourire devant ce cabotinage, mais pour que la cote des Coen continue à se redresser, il faudra des longs-métrages d'un calibre un peu plus lourd. Reste que c'est inoffensif et qu'il est agréable de voir Brad Pitt jouer les imbéciles avec la même conviction que George Clooney.
6/10
21:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, joel coen, ethan coen, george clooney, brad pitt, frances mcdormand, john malkovich
14 décembre 2008
Secret Défense
Après la bonne surprise de Pour elle, on pouvait penser que Secret Défense allait poursuivre la veine des bonnes surprises qui émaillent trop rarement nos productions nationales. La bande-annonce pouvait le laisser supposer. Nous n'y sommes pas, et le film référence français en matière d'espionnage reste toujours encore Les Patriotes d'Eric Rochant, sorti en 1994.
Pourtant, comme Eric Rochant, Philippe Haim s'est soigneusement documenté, et s'est entouré de multiples conseillers pour réviser l'écriture du scénario, si possible pour garantir la vraisemblance des situations et le profil des personnages (en vrac : Malek Chebel, islamologue et docteur en psychologie clinique, Anne Giudicelli, ancienne journaliste, spécialiste du monde arabe et musulman, Eric Dénécé, ancien officier de renseignement, Jean-Pierre Lasserre, ancien officier-traitant et chef de poste à la D.G.S.E, Antoine Sfeir, rédacteur en chef des "Cahiers d'Orient", Jean Guisnel, grand reporter au Point, et Stéphane Berthomet, ex-capitaine à la Division Nationale Anti-Terroriste).
Or, sur des sujets aussi complexes que le terrorisme issu des mouvements islamistes, il convient de prendre son temps... Secret Défense, ramassé sur 1h40, n'est finalement qu'action et ne s'embarrasse pas toujours de la vraisemblance des enchainements. Philippe Haim a dû regarder un peu trop la série 24, et les bureaux de la DGSE ressemblent à s'y méprendre à ceux de Jack Bauer : bureaux high-tech, agitation frénétique, chefs qui se la pètent... La façon de filmer, caméra à l'épaule, et le montage saccadé procèdent également de cette tentative de donner du réalisme et de la vitesse. Ca donne envie de sourire.
Heureusement, il y a des scènes plus convaincantes, et le parallèle établi entre la jeune civile recrutée par la DGSE et le petit délinquant paumé recruté par un réseau terroriste, fonctionne plutôt bien, grâce au jeu d'acteurs, âpre et sans faille, de Vahina Giocante et de Nicolas Duvauchelle. Ces deux parcours participent d'un seul et unique destin : celui de jeunes gens broyés par des machines de guerre qui les utilisent en les manipulant de A à Z. Le film tire sa force d'arriver à en rendre compte.
En dehors de l'absence de style manifeste à cause d'une mise en scène hachée, le défaut "technique" principal est encore la musique stéréotypée et grotesque, qui entache là aussi cette production française, mais il faut souligner que le compositeur est celui du Transporteur 3, alors...
Secret Défense franchit quand même le stade du film divertissant, mais il aurait pu être tellement plus crédible s'il avait su remiser ses effets de manche au placard. La grammaire hollywoodienne dessert réellement nos productions. Revoir Eric Rochant, donc...
6/10
11:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe haim, gérard lanvin, vahina giocante, nicolas duvauchelle
07 décembre 2008
Pour elle
Tout ce qui a été dit du thriller Ne le dis à personne pourrait peu ou prou être répété pour le premier long-métrage de Fred Cavayé (nom à retenir). Pour elle partage en effet dans les grandes lignes les mêmes qualités et même défauts que le dernier film de Guillaume Canet. Il faut par contre noter que si les thrillers français sont en général des produits ressemblant fort à du téléfilm commandé par le service public pour un primetime consensuel, il est rassurant de voir que Ne le dis à personne n'était pas une tentative isolée de sortir cette malédiction française.
Comme chez Canet, la réalisation nerveuse, tendue et réaliste offre un spectacle de premier plan. Car contrairement aux codes hollywoodiens, le montage ne hache pas menu les bonnes trouvailles de mise en scène. Par contre, si Canet se gaufrait un peu par le choix de tenter de caser ses chansons préférées dans la B.O., la musique stéréotypée de Pour elle est le seul élément à desservir des scènes dont la puissance se suffisent souvent à elles-mêmes sans avoir besoin d'être soulignées inutilement et parfois lourdement par une partition médiocre.
Différence notable, Fred Cavayé a mis en scène un scénario nettement moins dense que celui de Ne le dis à personne. Chez Cavayé, le mot d'ordre semble être la fluidité et l'efficacité. La durée du film (1h36) permet d'aller à l'essentiel. Avec un pitch classique d'une personne accusée à tort de meurtre, le film surprend : il s'agit pour une fois non pas de démontrer envers et contre tout son innocence, mais d'une fuite en avant, avec un désespoir relativement surprenant.
Pour faire passer avec conviction tout cela, une carte maitresse du film repose dans le casting étonnamment réussi. Dans le rôle de M. Tout-le-monde, nous avons affaire cette fois à Vincent Lindon (à comparer avec François Cluzet pour Ne le dis à personne). L'acteur arrive à insuffler tout le doute et la fragilité d'un quidam obligé de franchir la ligne rouge pour sauver ce qui lui est cher. Diane Kruger offre une prestation de premier plan, où elle travaille au corps l'expression de la douleur et du désespoir, sans pathos. L'empathie est totale, on a vraiment envie de la sauver ! Ensuite, pas vraiment de nom notoire, mais une galerie de "gueules" vraiment crédibles. Notons avec amusement le recours à un petit rôle incarné par le réalisateur Olivier Marchal (36 Quai des Orfèvres), autre particularité partagée avec le film de Canet.
Cette série B séduit donc de façon inattendue, par son économie de moyens, son efficacité et son interprétation subtile.
7/10
10:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fred cavayé, vincent lindon, diane kruger
02 décembre 2008
Hunger
Artiste vidéaste renommé, Steve McQueen n'a pas raté sa transition vers le cinéma puisqu'il a décroché avec Hunger une Caméra d'Or à Cannes pour son premier film. De surcroît, il s'est attaqué à un sujet difficile, un moment clé du conflit irlandais au début des années 80 : les mouvements blanket protest et dirty protest, suivis d'une grève de la faim qui entraîna la mort de dix prisonniers appartenant à l'IRA, dont Bobby Sands, symbole de la résistance au gouvernement britannique.
Le corps est au centre de l'attention de Steve McQueen. En effet, privés de tout, les prisonniers politiques n'ont plus que leur corps pour protester. Refusant de porter l'uniforme (et restant donc nus), se repliant dans une grève de l'hygiène, les conditions de détention sont effroyables. Le personnel carcéral n'a plus que les coups pour se venger de ce que leur font subir ces prisonniers déterminés, sur lesquels ils n'ont finalement pas de prise. Le travail de plasticien de McQueen s'accapare totalement ce contexte étouffant pour construire des plans très étudiés, à la limite de l'abstraction (les excréments sur les murs), ou de l'étude clinique (la décomposition d'un corps privé de nourriture pendant plus de deux mois), au milieu desquels surgit une violence furibonde, fruit de la frustration du pouvoir politique anglais impuissant.
La rareté des dialogues, la violence des images, la précision du cadrage, les plans-séquences oppressants (rappelant Haneke) : la maîtrise formelle aboutit à une expérience saisissante, terrifiante aussi, parfois écœurante, mais certainement très rare. On comprend la motivation du jury pour l'obtention du prix à Cannes.
Mais le film de Steve McQueen n'est pas qu'un simple objet formel. Le brio du propos politique est enclavé dans un face-à-face idéologique brillant, sous forme d'un plan-séquence de 17mn, où Bobby Sands s'entretient avec le père Dominic Moran. L'annonce d'une nouvelle grève de la faim afin d'obtenir un statut à part pour les prisonniers politiques de l'IRA est le point de départ d'un débat sur ce qui peut pousser quelqu'un à se laisser mourir ou non pour une cause.
On ressort de la salle sonné. Hunger n'est pas un film plaisant, mais comme le dit son auteur : "Je conçois le film comme une sorte de voyage, un voyage difficile, exigeant. Disons que c'est une façon comme une autre, pas inintéressante, de passer une heure et demie dans le noir".
8/10
17:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : steve mcqueen, michael fassbender, liam cunningham