26 août 2009
Inglourious Basterds
Après l'inégal Death Proof, il y avait nombre de fans de Tarantino, dont je fais partie, qui espéraient vivement que le cinéaste allait se ressaisir. Le problème de Tarantino, c'est clairement son excès de vanité qui semble avoir pris une ampleur démesurée depuis qu'il a renoué avec le succès critique et public grâce à Kill Bill (tour de force il est vrai, retour magistral après le relatif échec commercial de Jackie Brown). Le bonhomme semble tout bonnement croire qu'il peut, par la grâce de sa mise en scène, transcender n'importe quel dialogue médiocre, transformer n'importe quelle scène en moment culte.
Déjà, il s'était fait damer le pion par son ami Robert Rodriguez dans leur programme Grindhouse, le jouissif Planet Terror coiffant sans problème au poteau Death Proof qui ne s'inscrivait finalement pas tellement dans l'esprit Grindhouse. Avec l'accueil plutôt frais à Cannes 2009 de Inglourious Basterds (hormis le prix d'interprétation masculine pour Christoph Waltz), mes craintes étaient élevées, et donc mes attentes revues sagement à la baisse.
C'est probablement grâce à cela que finalement, je suis sorti fortement soulagé du visionnage de ce nouveau long-métrage. La prise de risque est néanmoins importante, car encore une fois, comme avec Death Proof, Tarantino ne délivre pas vraiment le programme vanté. Malgré les affiches, les taglines, le pitch et la bande-annonce, non non et non (nein nein nein !), Inglourious Basterds ne donne pas dans le spectacle sanglant et débridé d'exécution sauvage de nazis. Cette thématique occupe finalement une place toute petite dans les 2h33 du film.
En fin de compte, l'opinion de chacun sur Inglourious Basterds sera donc grandement influencée par les attentes consciemment (ou inconsciemment) placées dans le film, puisqu'un nouveau Tarantino reste encore et toujours un événement. Si on fait abstraction du programme annoncé de destruction de nazis, et si on fait abstraction de la durée bien trop longue (Tarantino manque vraiment de recul pour ne pas voir que son film serait diablement meilleur en lui enlevant 20 bonnes minutes), il reste un film qui ne devrait pas décevoir les cinéphiles. OK, ça fait pas mal de si... mais j'ai envie de voir le verre au trois-quarts plein plutôt qu'au quart vide.
Car Tarantino n'était pas loin de reproduire un coup de maître. Franchement hors normes et bien plus intéressant que Death Proof, Inglourious Basterds est un film délirant, novateur et gonflé. Tarantino ose, et on aime le suivre quand il se lance ainsi dans l'inconnu. Inglourious Basterds ressemble grosso modo à une B.D. filmée (Pulp Fiction était l'essence cinématographique même du comic), mais dans le cadre de la seconde guerre mondiale : il fallait y penser, Quentin l'a fait. Inglourious Basterds est une uchronie qui réalise des fantasmes fous, qu'on taira pour ne pas spoiler. De fait, tout est outrancier, grotesque, à l'encontre des conventions, mais porté par des fulgurances de mise en scène et de montage qui n'appartiennent qu'à Tarantino.
Fini les dialogues creux et interminables sur des sujets populaires médiocres ; de par sa situation géographique et historique, Tarantino est contraint de parler de culture, de vraie culture, et utilise à bon escient son expertise immense de cinéphile, pour placer avec un talent sidérant le cinéma au cœur de son film. Cette mise en abyme, totalement inattendue, balaie presque les défauts agaçants du film : les gimmicks qui deviennent lassants (comme le découpage en chapitres, les arrêts sur image pour introduire des personnages, les emprunts à Ennio Morricone...), les scènes mal écrites entre Mélanie Laurent et Daniel Brühl, et le jeu bien pâle de ce dernier.
Dans l'ensemble, malgré quelques faux pas, Inglourious Basterds est une preuve que Tarantino reste un cinéaste surdoué, hors du commun, qui s'amuse encore et toujours à faire voler en éclats les genres codifiés pour mieux les réinventer, et qui sait communiquer avec un enthousiasme contagieux son amour immodéré pour le cinéma. Si l'homme pouvait trouver un moyen de canaliser son énergie, et faire montre d'un peu plus d'humilité et de recul, nul doute qu'il aurait encore les capacités à nous clouer le bec avec un nouveau chef d'œuvre.
8/10
08:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : quentin tarantino, brad pitt, mélanie laurent, christoph waltz, michael fassbender, eli roth, diane kruger
07 décembre 2008
Pour elle
Tout ce qui a été dit du thriller Ne le dis à personne pourrait peu ou prou être répété pour le premier long-métrage de Fred Cavayé (nom à retenir). Pour elle partage en effet dans les grandes lignes les mêmes qualités et même défauts que le dernier film de Guillaume Canet. Il faut par contre noter que si les thrillers français sont en général des produits ressemblant fort à du téléfilm commandé par le service public pour un primetime consensuel, il est rassurant de voir que Ne le dis à personne n'était pas une tentative isolée de sortir cette malédiction française.
Comme chez Canet, la réalisation nerveuse, tendue et réaliste offre un spectacle de premier plan. Car contrairement aux codes hollywoodiens, le montage ne hache pas menu les bonnes trouvailles de mise en scène. Par contre, si Canet se gaufrait un peu par le choix de tenter de caser ses chansons préférées dans la B.O., la musique stéréotypée de Pour elle est le seul élément à desservir des scènes dont la puissance se suffisent souvent à elles-mêmes sans avoir besoin d'être soulignées inutilement et parfois lourdement par une partition médiocre.
Différence notable, Fred Cavayé a mis en scène un scénario nettement moins dense que celui de Ne le dis à personne. Chez Cavayé, le mot d'ordre semble être la fluidité et l'efficacité. La durée du film (1h36) permet d'aller à l'essentiel. Avec un pitch classique d'une personne accusée à tort de meurtre, le film surprend : il s'agit pour une fois non pas de démontrer envers et contre tout son innocence, mais d'une fuite en avant, avec un désespoir relativement surprenant.
Pour faire passer avec conviction tout cela, une carte maitresse du film repose dans le casting étonnamment réussi. Dans le rôle de M. Tout-le-monde, nous avons affaire cette fois à Vincent Lindon (à comparer avec François Cluzet pour Ne le dis à personne). L'acteur arrive à insuffler tout le doute et la fragilité d'un quidam obligé de franchir la ligne rouge pour sauver ce qui lui est cher. Diane Kruger offre une prestation de premier plan, où elle travaille au corps l'expression de la douleur et du désespoir, sans pathos. L'empathie est totale, on a vraiment envie de la sauver ! Ensuite, pas vraiment de nom notoire, mais une galerie de "gueules" vraiment crédibles. Notons avec amusement le recours à un petit rôle incarné par le réalisateur Olivier Marchal (36 Quai des Orfèvres), autre particularité partagée avec le film de Canet.
Cette série B séduit donc de façon inattendue, par son économie de moyens, son efficacité et son interprétation subtile.
7/10
10:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fred cavayé, vincent lindon, diane kruger