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25 janvier 2009

Slumdog Millionaire



Danny Boyle ne sera peut-être jamais considéré comme faisant partie de la crème des plus grands réalisateurs du monde, mais il est probable qu'on réévaluera un jour l'importance de son œuvre. La qualité et la variété de sa filmographie forcent le respect, et le plus amusant reste sans conteste les variations assez inexplicables dans le succès public rencontré : si tout le monde connaît au moins de nom les gros succès comme Petits meurtres entre amis (1995) ou Trainspotting (1996), quasiment personne n'a entendu parler de Millions (2005), et La Plage (2000) a été victime d'une hypertrophie médiatique qui lui causa énormément de tort (premier film à être tourné par Leonardo DiCaprio après le délire Titanic).

Après s'être attaqué aux comédies (dramatique, policière) et aux genres (thriller, horreur, science-fiction), Boyle a choisi de continuer à prendre des risques, en allant à nouveau vers l'inconnu. Avec Slumdog Millionaire, il est allé tourner intégralement en Inde, avec peu de moyens, mais une liberté totale laissée par le studio. Le réalisateur s'amuse (a posteriori) dans ses récentes interviews à décrire le caractère totalement chaotique du pays, qui a évidemment déteint sur le tournage, qui ne s'est jamais passé comme prévu.

Les films de Boyle se caractérisent par des qualités multiples : bien racontés, dynamiquement filmés, magnifiquement photographiés, intelligemment mis en musique, et parfaitement interprétés. Slumdog Millionaire réunit à nouveau tout cela, et Boyle a réussi à s'adapter à l'environnement urbain indien : il a ainsi filmé en numérique avec des dispositifs discrets des scènes de bidonville, à l'insu des habitants. L'énergie et l'authenticité qui en ressortent sont phénoménales, même si Boyle abuse parfois de ses effets de mise en scène (effets clippesques inutiles).

Les seuls couacs sont en général du côté du scénario. Pour Slumdog Millionnaire, exceptionnellement Boyle n'a pas travaillé avec Alex Garland, son scénariste attitré depuis La Plage. Il fait équipe pour la première fois avec Simon Beaufoy (The Full Monty). Hélas, le scénario n'évite pas des facilités assez voyantes, mais heureusement pas rédhibitoires. Thématiquement, Boyle montre souvent crument, comme à son habitude, que l'homme est un loup pour l'homme, et il revient à l'un de ses thèmes de prédilection : l'argent et ses conséquences, abordé de manière très différente dans quatre de ses films précédents (Petits meurtres entre amis, Trainspotting, Une vie moins ordinaire, et Millions).

Néanmoins, avec un film accumulant beaucoup d'éléments a priori contre lui (aucun acteur connu pour nous Occidentaux ; affiche atroce, bande-annonce peu claire ; présence dissuasive du jeu Qui veut gagner des millions - pourtant uniquement prétexte à toute la structure narrative), Danny Boyle se permet in fine un coup de maître avec une œuvre terriblement haletante, émotionnelle, populaire (dans le bon sens du terme) et virtuose, se permettant de croquer les contradictions d'un pays étranger (l'Inde) dont on ne connaît que quelques clichés. Miracle, tout ceci est couronné d'un succès public et critique (avalanche de récompenses majeures aux Golden Globes et autres festivals). Ce qui devrait permettre à Danny de bénéficier de plus de facilités pour son prochain long-métrage, même s'il a prouvé une fois de plus qu'il sait transformer les difficultés en opportunités.

9/10

10 janvier 2009

Home



Luxe parisien : celui de pouvoir aller voir en janvier un film sorti en octobre, grâce aux salles d'art et d'essai qui ne sont pas victimes des sorties effrénées. C'est ainsi que j'ai bien commencé 2009 : en allant admirer l'OVNI qu'est le premier long-métrage de la réalisatrice suisse Ursula Meier.

Home a sur le papier l'avantage de proposer un pitch et une affiche fantastiques, et surtout le mérite de réunir deux acteurs français et belge exigeants, Isabelle Huppert et Olivier Gourmet. Ils avaient été une seule fois présents auparavant dans le même film, mais sans partager un seul plan, c'était dans Le Temps du Loup de Michael Haneke (fortement recommandé par ailleurs).

Au milieu d'une campagne calme et désertique s'étend à perte de vue une autoroute inactive, laissée à l'abandon depuis sa construction. Au bord du bitume, à quelques mètres seulement des barrières de sécurité, se trouve une maison isolée dans laquelle vit une famille. Les travaux vont reprendre et on annonce l'ouverture prochaine de l'autoroute à la circulation...

Home est en quelque sorte l'image inversée, négative en quelque sorte, d'un road movie. Ce sont les autres qui passent à côté des personnages immobiles, et pas l'inverse. C'est une sorte d'expédition sans déplacement, un voyage intérieur, mental. Home raconte en effet l'histoire d'une famille qui s'est éloignée du monde en essayant de maintenir son modèle de bonheur familial. Il règne au sein de cette famille une ambiance joviale, même si celle-ci a adopté une vie bien réglée, loin du monde. Ce sentiment d'isolement va devenir de plus en plus perceptible et évident avec la mise en fonction de l'autoroute, qui ne fait que catalyser et mettre à jour une situation qui existait déjà. L'ouverture de l'autoroute, métaphore du monde qui débarque devant chez eux (un monde bruyant, dangereux, polluant, sale, inquiétant, vampirisant, menaçant...) agit ainsi comme une loupe sur la famille, révèle ses dysfonctionnements et malaises profonds.

Surréalisme, burlesque, effroi : l'influence de l'immense Haneke n'est pas loin, mais une réalisatrice est née : peu de monde peut se targuer d'un premier coup d'essai. A suivre de très près !

8/10