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02 décembre 2008

Hunger



Artiste vidéaste renommé, Steve McQueen n'a pas raté sa transition vers le cinéma puisqu'il a décroché avec Hunger une Caméra d'Or à Cannes pour son premier film. De surcroît, il s'est attaqué à un sujet difficile, un moment clé du conflit irlandais au début des années 80 : les mouvements blanket protest et dirty protest, suivis d'une grève de la faim qui entraîna la mort de dix prisonniers appartenant à l'IRA, dont Bobby Sands, symbole de la résistance au gouvernement britannique.

Le corps est au centre de l'attention de Steve McQueen. En effet, privés de tout, les prisonniers politiques n'ont plus que leur corps pour protester. Refusant de porter l'uniforme (et restant donc nus), se repliant dans une grève de l'hygiène, les conditions de détention sont effroyables. Le personnel carcéral n'a plus que les coups pour se venger de ce que leur font subir ces prisonniers déterminés, sur lesquels ils n'ont finalement pas de prise. Le travail de plasticien de McQueen s'accapare totalement ce contexte étouffant pour construire des plans très étudiés, à la limite de l'abstraction (les excréments sur les murs), ou de l'étude clinique (la décomposition d'un corps privé de nourriture pendant plus de deux mois), au milieu desquels surgit une violence furibonde, fruit de la frustration du pouvoir politique anglais impuissant.

La rareté des dialogues, la violence des images, la précision du cadrage, les plans-séquences oppressants (rappelant Haneke) : la maîtrise formelle aboutit à une expérience saisissante, terrifiante aussi, parfois écœurante, mais certainement très rare. On comprend la motivation du jury pour l'obtention du prix à Cannes.

Mais le film de Steve McQueen n'est pas qu'un simple objet formel. Le brio du propos politique est enclavé dans un face-à-face idéologique brillant, sous forme d'un plan-séquence de 17mn, où Bobby Sands s'entretient avec le père Dominic Moran. L'annonce d'une nouvelle grève de la faim afin d'obtenir un statut à part pour les prisonniers politiques de l'IRA est le point de départ d'un débat sur ce qui peut pousser quelqu'un à se laisser mourir ou non pour une cause.

On ressort de la salle sonné. Hunger n'est pas un film plaisant, mais comme le dit son auteur : "Je conçois le film comme une sorte de voyage, un voyage difficile, exigeant. Disons que c'est une façon comme une autre, pas inintéressante, de passer une heure et demie dans le noir".

8/10