28 janvier 2006
Munich
Munich a engendré des débats sans fin. Une constation toute simple cependant, évidente mais qu'il ne faut pas oublier : si Munich était une pure fiction, ce serait un thriller de très grande qualité qui mettrait sans doute bien du monde d'accord.
Mais Spielberg est Juif et s'est emparé d'un sujet ô combien délicat. Il a le courage de faire un film engagé et c'est ce qu'on lui reproche, finalement. Ce n'est pourtant pas la première fois que Spielberg prend ses distances vis-à-vis du pur divertissement pour aborder des sujets plus graves : l'holocauste (Schindler's List, 1993), l'esclavage (Amistad, 1997), et la seconde guerre mondiale (Saving Private Ryan, 1998) ont précédemment été traités par le réalisateur.
Mais la tuerie de Munich est un sujet très sensible car le conflit israëlo-palestinien est toujours d'actualité. Qui plus est, Spielberg relate dans son film non pas la prise d'otage elle-même (sur laquelle la vérité historique est à peu près établie), mais la vengeance israëlienne qui s'en suivie. Et là, comme cette mission fut évidemment secrète, il n'y a guère de preuves ou de faits avérés. Ce flou laisse tout loisir de broder une histoire qui ne satisfait évidemment aucun des deux camps.
Néanmoins, pour ne pas se laisser berner par la vision de Spielberg, il est totalement indispensable pour qui souhaite apprécier Munich autrement que comme un thriller divertissant de connaître très bien ce qui s'est passé pendant la prise d'otage, surtout les coulisses géo-politiques du traitement catastrophique de la crise par les Allemands (totalement absents du film !). A ce sujet, avoir eu la chance de pouvoir visionner le stupéfiant documentaire Un Jour en Septembre change grandement la vision critique du film de Spielberg.
Avoir vu ce documentaire permet par ailleurs de se rendre compte du travail totalement époustouflant de reconstitution des scènes de la prise d'otage. Plus généralement, les décors, les costumes, la re-création du monde des années 70 est stupéfiante de réalisme. Techniquement, le film est de très haute volée : que ce soit la mise en scène, la photographie, l'utilisation de filtres, le montage, le casting et le jeu des acteurs, tout est un régal pour les cinéphiles technophiles.
Je relève tout de même deux grosses fautes de goût, à peu près indiscutables : le montage de l'orgasme difficile d'Avner (Eric Bana) en parallèle de la mort des otages sur le tarmac de l'aéroport militaire de Munich (faute de mise en scène extraordinaire pour Spielberg !), et le plan final sur les tours jumelles du World Trade Center, plan a priori habile sur l'évocation que les événements de Munich n'était que le début d'une guerre idéologique plus globale, mais plan en définitive maladroit en faisant passer une fois de plus les Arabes pour les grands "méchants" du film, avec un amalgame fâcheux entre des événements aux causes trop différentes. Dommage, car c'était inutile.
8/10
17:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1)
26 janvier 2006
Un Jour en Septembre
Je souhaite attirer si possible l'attention sur ce documentaire absolument époustouflant qui est sorti le 25 janvier 2006 sur nos écrans mais qui date de 1999 et qui avait obtenu l'Oscar du meilleur documentaire aux USA (plus d'autres prix dans le monde).
C'est évidemment l'actualité du film Munich de Spielberg qui a conduit ce documentaire à enfin bénéficier d'une sortie en salles, et tant mieux !
A moins que vous ne connaissiez de très près ce qui s'est passé en septembre 1972 avec cette prise d'otage, ce documentaire est indispensable pour ceux qui s'intéressent un tant soit peu à la géopolitique, et accessoirement, pour ceux qui comptent voir Munich ; en effet, Munich raconte la traque des responsables palestiniens par le Mossad (de façon fortement romancée), alors que le documentaire décortique et explique tout ce qui s'est passé AVANT, c'est-à-dire de l'organisation de la prise d'otage jusqu'au fiasco allemand qui mena à la boucherie des otages sur le tarmac de l'aéroport militaire de Munich.
Ce qu'on apprend sur l'incompétence du gouvernement allemand de l'époque est totalement stupéfiant... tout comme la lâcheté qui les a conduit à relâcher les 3 terroristes encore vivants lors d'un "faux" détournement d'avion de la Lufthansa par des Palestiniens (organisé avec la complicité du chancelier Willy Brandt au nez et à la barbe d'Israël).
La très grand force du documentaire est d'avoir le témoignage du dernier terroriste palestinien encore en vie (traqué depuis 34 ans par le Mossad), qui n'éprouve aucun remord, et même de la fierté (cela fait froid dans le dos), ainsi que les témoignages des responsables allemands encore en vie, dont la légéreté face à ces événements passés (comme s'il y avait prescription !) ont fait réagir vivement la salle où j'ai vu le documentaire (MK2 Beaubourg, pour ne rien cacher ; même à Paris bien peu de salles proposaient le film à l'affiche).
Je ne m'étendrai pas plus ; cette critique d'Ecran Large synthétise parfaitement l'intérêt du film.
9/10
11:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma
The King
J'ai pas vu le premier film de James Marsh (Wisconsin Death Trip, 1999), et j'avoue être allé voir The King avant tout à cause de la présence de Gael García Bernal, le prodigieux acteur mexicain révélé par Alejandro González Iñárritu dans le non moins génial Amores Perros (2000). Bernal a ensuite confirmé tout le bien qu'on pensait de lui avec des réalisateurs prestigieux comme Alfonso Cuarón (Y Tu Mamá También, 2001), Pedro Almodóvar (La Mala Educación, 2004), et Walter Salles (Carnets de Route, 2004).
Bernal semble avoir une attirance pour les personnages forts, ambigus voire déviants. Il ne faillit pas ici la règle en incarnant Elvis Sandow, un jeune marin de 21 ans qui vient de quitter la Navy, et qui est à la recherche de son père qu'il n'a jamais connu. Il découvre que celui-ci (William Hurt) est en fait le pasteur d'une église baptiste en plein essor du Texas. Marié à une femme ravissante, Twyla (Laura Harring, la brune ténébreuse fascinante de Mulholland Drive, hélas réduite ici à un rôle trop secondaire), et père de deux enfants, le pasteur ne veut rien avoir à faire avec Elvis qui lui rappelle un passé fâcheux pour un pasteur (fréquentation de prostituées, Elvis étant né d'une telle relation). Petit à petit, Elvis commence néanmoins à se lier à la famille et tout est prêt pour un dynamitage de la quiétude de cette famille qui va se retrouver confrontée à un drame inattendu.
Une violence rare mais brute, et un cynisme stupéfiant font l'intérêt de The King, où la fièvre évangélique à l'américaine est attaquée de manière frontale. Le film prend à bras-le-corps des tabous qui en dérangeront plus d'un, et qui font basculer inexorablement le récit vers l'horreur.
Cette audace est plutôt rare de nos jours et l'intensité du jeu de Gael García Bernal et de William Hurt (décidément en forme après A History Of Violence de Cronenberg) portent The King vers la catégorie des films à voir absolument pour se rendre compte de la bonne santé des réalisations américaines quand elles échappent au formatage hollywoodien.
Même si ce n'est pas un chef d'oeuvre (manque de rythme certain), tout cinéphile qui se respecte devrait tenter de voir cette tragédie perverse assez effrayante sur l'Amérique profonde et puritaine.
7/10
10:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma
25 janvier 2006
Deep Purple, Paris, Zénith, 24/01/2006
C'était mon quatrième concert depuis l'arrivée de Steve Morse, j'ai vu Deep Purple sur chaque tournée avec Steve Morse (pour Purpendicular, Abandon, Bananas et donc Rapture Of The Deep).
J'ai trouvé la prestation du 24 janvier phénoménale, bien au-dessus du concert du 29 juin 2002 dans la même salle.
Il y a de nombreuses raisons à cela :
- un Ian Paice bien plus dans le coup ; je trouvais qu'il fatiguait l'autre fois à mi-chemin du concert, mais cette fois... la méga pêche jusqu'au bout !
- Une complicité de tous les instants de la part de Don Airey et de Steve Morse,
- un Don Airey justement totalement intégré et au plaisir de jouer communicatif,
- une production sur scène sans commune mesure avec toutes les tournées précédentes : superbes lights, backdrop, écrans géants... la grande classe.
Ian Gillan ne se permet plus de crier à gorge déployée, mais il reste juste ce qui est bien le principal.
Roger Glover et Steve Morse font le show, comme d'habitude, et à chaque fois que je revois Steve Morse, je suis totalement écoeuré ; c'est à chaque fois la plus belle leçon de virtuosité et de bon goût que je connaisse. Il a une nouvelle guitare Musicman avec certaines particularités techniques explicitées par the man himself ici, dont nous avons eu une idée de l'intérêt lors de son solo guitare (qui se transforme en véritable morceau classico-rock). C'est d'ailleurs le seul guitariste d'un vrai groupe que je vois autant acclamé à la fin d'un "solo". C'est tout sauf chiant.
Dire que Deep Purple a dépassé mes attentes est un doux euphémisme ; à chaque fois, je me dis "quand même, ils vont bien finir par diminuer un peu...", à chaque fois je m'attends à ce que ce soit un peu moins bien qu'avant, mais qu'est-ce que j'ai tort... !
La setlist, de tête :
Pictures of Home
Things I Never Said
Wrong Man
Ted the Mechanic
Living Wreck
Rapture of the Deep
Back To Back
Before Time Began
Contact Lost
Well-Dressed Guitar
Lazy
Keyboard Solo
Perfect Strangers
Junkyard Blues
Kiss Tomorrow Goodbye
Space Truckin
Highway Star
Smoke on The Water
Speed King
Black Night
Contrairement aux tournées pour Abandon et Bananas, le groupe semble plus confiant dans son nouvel opus car ils ont joué pas moins de 6 titres tirés de ce dernier ! J'avoue qu'ils m'ont d'ailleurs plus convaincu que sur disque.
Je note la bonne surprise de "Living Wreck" (tiré de In Rock), que je n'avais jamais vu sur scène, et pour cause, je crois qu'elle n'avait jamais été jouée... ou peut-être lors de quelques concerts à l'époque de In Rock ! Les puristes me corrigeront.
10:20 Publié dans Concerts | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : concert, rock, zenith, deep purple
21 janvier 2006
Brokeback Mountain
J'avoue avoir été un peu écoeuré à l'avance par le rémue-ménage médiatique entourant ce film : Lion d'Or à Venise, favori aux Oscars, encensement presque général par la presse... Pourtant, le fait que le film soit réalisé par Ang Lee ne présageait pour moi rien d'excitant, et j'avoue avoir cédé à la pression uniquement pour Jake Gyllenhaal, un des rares acteurs pour qui j'irai voir un film, indépendamment de son réalisateur ou son sujet.
D'emblée, j'ai envie de faire remarquer que je ne comprends pas les termes employés par la presse à propos du film en parlant de "western gay". Que ces professionnels (?) revoient leur dictionnaire : un western, c'est un film dont l'action se situe dans l'Ouest américain à l'époque des pionniers et de la conquête des terres sur les Indiens. Brokeback Mountain n'est donc pas un western. Contrairement à ce que j'ai pu lire parfois aussi, les deux héros du films ne sont pas non plus des cow-boys (cow-boy = gardien d'un troupeau de bovins), puisque ce sont des bergers. Vaches et moutons semblent être la même chose pour certains critiques, passons.
J'ai envie de citer Positif pour résumer mon sentiment à propos de ce film : "[...] l'ensemble sombre assez vite dans le mélodrame lourdaud où tout est surligné et dans la guimauve, alors que le sujet appelait rigueur et âpreté".
Et voilà le problème ! Mais voici aussi la raison probable de ce gros succès public... Je ne veux pas jouer là au cinéphile élitiste et tant mieux si ce film semble "bouleversant", "touchant", etc., pour le "grand" public. Le cinéma a besoin de de genre de succès, d'autant plus qu'on n'est évidemment pas dans du cinéma débilisant. Je trouve hélas que Ang Lee ne fait pas là preuve d'une grande habileté dans la mise en scène de cette histoire, et je souhaite citer un exemple par d'autres : le montage vraiment très pauvre, avec un parallélisme pénible (car millimétré et sans surprise) entre la situation de Jack et Ennis ; on voit la vie de chacun des deux amants se dérouler sans surprise quant à ce qui leur arrive, chacun bénéficiant du même nombre de minutes.
C'est dommage ; passé le début du film, plutôt réussi dans l'établissement de la liaison entre les deux hommes (même si Ang Lee fait là encore preuve de lourdeur dans sa façon de filmer les paysages comme des cartes postales), le reste n'est que tentative pataude de faire pleurer les chaumières avec des ficelles archi-classiques, sur un sujet certes encore un peu neuf pour Hollywood.
7/10
17:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma