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09 juin 2009

Departures



Et ça continue ! Après le chef d'œuvre Tokyo Sonata, prix du jury en 2008 à Cannes, le Japon nous assène un autre uppercut, l'Oscar du meilleur film étranger en 2009 : Departures (titre original, Okuribito). Quand on pense que la France défendait ses chances pour cet Oscar avec Entre les murs, on mesure mieux le casse effectué par notre docu-fiction national à Cannes en 2008...

En effet, Departures place la barre à un tout autre niveau. L'histoire a de quoi déconcerter : un violoncelliste tout juste passé professionnel voit son orchestre dissous. Par nécessité financière, il répond à une annonce pour un emploi "d'aide aux départs", imaginant avoir affaire à une agence de voyages. Il découvre finalement qu'il s'agit d'une entreprise de pompes funèbres. Plongé dans ce monde peu connu, il va découvrir les rites funéraires, tout en cachant à sa femme sa nouvelle activité, en grande partie taboue au Japon.

Ceux qui ont vu un des chefs d'œuvre du petit écran, Six Feet Under, n'ont pas besoin d'être convaincus que le thème de la mort peut s'avérer absolument passionnant, et drôle par dessus le marché. C'est exactement ce qui se passe avec Departures, qui réussit le passage du rire aux larmes avec une facilité déconcertante. De surcroît, les rites traditionnels funéraires de la mise en bière au Japon diffèrent totalement de ce qu'on peut connaître en Occident, et ils sont littéralement fascinants à observer. L'élégance, la tendresse, l'humanité, et l'amour qui se dégagent de ces rites codifiés et chorégraphiés permettent de toucher des cordes très sensibles qui rendent certaines scènes du film belles à en pleurer. Le contraste est d'autant plus mordant avec les réactions souvent violentes des proches des défunts qui assistent aux rites.

Le réalisateur Yojiro Takita, apparemment peu connu dans son pays, devient à surveiller de près. En tout cas, il est inutile de dire quoi que ce soit de plus sur le film, ce serait en gâcher le plaisir. Il faut simplement aller le voir, d'autant qu'il possède une magnifique bande-originale lyrique.

9/10

01 juin 2009

Jusqu'en enfer



Pour son 13e long-métrage, Sam Raimi renoue enfin avec le genre horrifique qui a fait sa réputation ! Je n'ai rien contre la saga Spider-Man, mais il est relativement pénible de voir des réalisateurs de cette trempe accaparés par des gros projets hollywoodiens où leur personnalité surnage tant bien que mal. Néanmoins, l'assise financière ainsi acquise a permis à Sam Raimi (qui occupe aussi le siège de co-producteur) et son frère (au scénario) de se lancer dans ce long-métrage en ayant une totale liberté artistique. Et le résultat est jubilatoire !

Jusqu'en enfer est une fable horrifique extrêmement divertissante grâce à son rythme infernal et son humour sadique ravageur. De plus, les frères Raimi ont eu l'excellente idée de la placer dans un contexte social ô combien pertinent. Pour satisfaire son patron et espérer ainsi monter en grade, une employée de banque (Alison Lohman) refuse une prolongation de crédit à une vieille femme gitane. Pas de chance, la mauvaise vieille devient une furie (incroyable scène du parking sous-terrain) et lui lance un sort qui lui laissera trois jours tourmentés avant que son âme ne soit réclamée par la créature du Lamia...

Raimi ressert tous les clichés des (bons) films d'horreur, mais avec une fraîcheur de mise en scène et un impact sonore tellement ébouriffant que le résultat est hautement festif. L'équilibre entre horreur et humour est remarquable et constitue la clé de ce spectacle jouissif de bout en bout, qui n'est pas sans rappeler Evil Dead pour ses excès et ses effets spéciaux artisanaux. Remarquons aussi la prise de risque fort bien négociée d'Alison Lohman, qui ajoute de surcroît un grand réalisateur de plus à sa filmographie, après Ridley Scott, Tim Burton et Atom Egoyan.

8/10

30 mai 2009

Millenium: Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

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Avec un seul film précédemment sorti en France, le Danois Niels Arden Oplev était largement inconnu avant que ne lui incombe la rude tâche d'adapter à l'écran le premier tome de la saga Millenium, le roman suédois Les hommes qui n'aimaient pas les femmes. Oplev a surtout été jusqu'alors réalisateur de téléfilms danois, et Millenium (le film) a été financé par la chaîne de télévision publique suédoise SVT. C'est relativement peu étonnant que le résultat donne une impression franche de téléfilm de luxe.


Cela n'a rien de péjoratif, mais il faut savoir à quoi s'attendre : un honnête thriller, de facture technique correcte, avec beaucoup de codes et clichés du genre. On a déjà échappé à l'adaptation hollywoodienne, c'est déjà ça de pris (l'Amérique du Nord a été en effet préservée du succès des trois bouquins, et le premier film n'a pas encore de date de sportie aux USA). N'ayant pas lu les livres, il m'est difficile en tout cas à la vue du premier film de comprendre l'engouement européen pour l'oeuvre de Stieg Larsson. Des sources proches ayant lu et vu la chose me disent que le roman possède une envergure plus large, le script du film s'étant focalisé sur la facette polar. Néanmoins, la durée de 2h30 renferme de belles longueurs, avec un problème de rythme (la fin expédie un paquet de révélations).

Reste que l'intérêt du film tient à deux facteurs :
1) il se passe en Suède, avec des acteurs suédois inconnus pour nous (petit effet dépaysant incontestable même pour ceux qui voient beaucoup de films étrangers)
2) l'actrice Noomi Rapace tient le film sur ses épaules en incarnant le personnage extraordinairement animal de Lisbeth. Bien vu, elle est sur l'affiche, et le titre international ne s'y est pas trompé en attirant l'attention sur elle (The Girl with the Dragon Tattoo). Actrice apparemment totalement inconnue même dans son pays, elle ne va certainement pas rester longtemps cantonnée à la trilogie Millenium. C'est probablement ce qu'on retiendra de Millenium, le film : la révélation d'un talent.

6/10

13 mai 2009

Star Trek

Le passage derrière la caméra pour le créateur/scénariste J.J.Abrams s'était révélé être finalement assez tiède avec Mission: Impossible III. Dans ma critique, j'écrivais que c'était une "machine monstrueuse sans un seul temps mort, un thriller étourdissant mais qui est passé à côté d'un aspect crucial du cinéma : l'émotion". Pour son deuxième long-métrage, Abrams rectifie grandement le tir. Cela a probablement été plus aisé sans un producteur envahissant comme Tom Cruise. Dans Star Trek, Abrams est lui-même... un des producteurs, les autres étant des compagnons d'Abrams ayant officié sur Lost. Pas tout à fait les mêmes conditions !

 

Difficile de ne pas reconnaître que Star Trek est un blockbuster diablement divertissant, qui réussit le délicat grand écart entre spectacle obligatoire pour attirer le grand public, et proposition artistique avec suffisamment de consistance pour séduire des spectateurs plus exigeants. Je ne connaissais rien de Star Trek (je n'ai jamais vu un seul épisode ni un seul film), en dehors des codes principaux passés dans la culture populaire (la navette Enterprise de la NASA a été baptisée d'après le nom du célèbre vaisseau de la série grâce au lobbying des fans, c'est dire). Bien sûr, cet univers a toujours souffert d'un manque de moyen qui le fait passer pour kitsch. C'était donc une idée intéressante que d'allouer la grosse artillerie pour revisiter cet univers.

 

La première bonne surprise, c'est que justement, comme par miracle, le film ne fait pas kitsch. Pourtant, les justaucorps bleu et rouge sont de sortie, et la coupe au bol de Spock aussi. Affaire d'équilibre, car les extra-terrestres en latex sont bien là, mais crédibles et disséminés naturellement parmi les humains. Leur apparition en ressort renforcée et naturelle. Les effets spéciaux sont parfois splendides, parfois un peu trop numériques/photoshopés, mais ça ne dégouline pas, c'est efficace. Abrams est un magicien néoclassique. Je me suis pris à penser à multiples reprises pendant le film qu'il avait réussi là où George Lucas a tant échoué avec ses Star Wars I à III : faire un space opera démesuré mais lisible, humain, où les personnages ont une existence propre, un but et des sentiments. Et surtout, l'humour tempère en permanence tout risque d'arrogance. Le cocktail est redoutable, on ne s'ennuie pas un instant.

 

Le film a également l'avantage d'être parfaitement compréhensible par les novices, puisque temporellement l'action est située avant tout ce qui a été produit précédemment. On découvre donc l'enfance des deux personnages principaux, James T. Kirk et Spock, comment ils en sont venus à devenir les capitaines de l'USS Enterprise, comment ils ont dû se montrer à la hauteur de leurs pères. Sans jamais asséner de dialogues lourdingues, les conflits intérieurs qui les animent font toute la différence avec un blockbuster bas du plafond. Le personnage de Spock est de loin le plus intéressant, lui qui est torturé par un conflit mental entre d'une part la raison et la logique de son sang paternel vulcain, et d'autre part les émotions et intuitions héritées de sa mère terrienne. Il tente à tout prix d'être un Vulcain parfait, n'agissant que par logique et en ayant la maîtrise de ses émotions. Mais son côté humain, qui l'effraie et le fascine à la fois, ressurgit constamment, donnant lieu à des scènes parfois dures, parfois très drôles.

 

Je n'aurais pas cru écrire cela au sujet de Star Trek, mais franchement, ça donne envie de voir la suite.

 

8/10

08 mai 2009

Chéri

Grand inconditionnel de Stephen Frears, il m'était difficile de rater ce nouveau long-métrage, scellant les retrouvailles du réalisateur anglais avec Michelle Pfeiffer, vingt après Les Liaisons dangereuses (avec le même scénariste, Christopher Hampton). Comme pour Les Liaisons, Chéri est l'adaptation d'un roman français, de Colette cette fois. Il est évidemment tentant d'aller chercher des échos entre les deux films. S'il ne faut pas pousser l'exercice trop loin, on ne pourra s'empêcher de faire remarquer que Pfeiffer incarne dans les deux cas une courtisane ; à ses grandes heures dans Les Liaisons, elle est en fin de carrière dans Chéri. Ce n'est pas le même personnage évidemment (ni la même époque), mais l'écho est trivial. Le sujet de Chéri s'absorbe sur la cruauté du temps qui passe, inexorablement.

Si le sujet semble plus banal, Frears parvient à rester captivant par la subtilité de sa mise en scène. C'est clairement un des plus grands directeurs d'acteurs en activité, qui sait dépeindre avec une vivacité toujours surprenante le jeu social, l'apparence et les sentiments. Le casting est tiré à quatre épingles et c'est jubilatoire de retrouver Michelle Pfeiffer qui avait déserté depuis longtemps le cinéma. Petit film dans la carrière de Frears, peut-être, mais encore une sacrée belle leçon de cinéma.

8/10