11 avril 2010
Bad Lieutenant
Terence McDonagh (Nicolas Cage) est un inspecteur de la police criminelle de la Nouvelle-Orléans. Il s'est gravement blessé au dos en voulant sauver de la noyade un détenu pendant l'ouragan Katrina. Mais il essaie de continuer tant bien que mal à faire son travail en prenant de puissants médicaments, en augmentant de plus en plus les doses... Il doit cependant faire face à une criminalité de plus en plus envahissante. Il est amoureux d'une prostituée (Eva Mendes). Il obligé de prendre des risques incroyables pour la protéger. Alors qu'il est sur les traces d'un dealer important, il doit également enquêter sur l'assassinat d'une famille d'immigrants africains...
Rien n'avait préparé à un tel retour en forme de Werner Herzog, grande figure de la nouvelle la vague du cinéma allemand des années 1960-70. Personnellement, en salles, j'en étais resté à son documentaire (impressionnant) de 2005, Grizzly Man. J'ai vu tout récemment en DVD son dernier long-métrage de fiction, Rescue Dawn (2007), avec Christian Bale, mais non sorti en salles en France. Le vieux maître était toujours en vie, mais pas spécialement en grâce.
Avec Bad Lieutenant (dont le seul point commun avec le film d'Abel Ferrara de 1992 est le personnage principal, à l'époque interprété par Harvey Keitel), Herzog livre ni plus ni moins un film très noir d'un genre nouveau, entre surréalisme et absurde, pour le plus grand régal des cinéphiles. Nicolas Cage retrouve enfin un rôle à sa démesure, en interprétant un homme sur le fil du rasoir, à l'instar du personnage de Sailor dans Wild At Heart de Lynch.
Tourné à la Nouvelle-Orléans dans les quartiers dévastés par l'ouragan Katrina, Herzog ne distille pourtant pas de critique politique voilée, mais il investit ainsi un cadre très original et propice à faire sentir au spectateur cette atmosphère moite, hallucinatoire et étrange (la convocation des iguanes, crocodiles et serpents comme acteurs du film est à ce titre une trouvaille de génie).
Le scénario est malin en diable, et s'écarte des lois du polar pour au contraire ouvrir des portes multiples, qui sont autant de chausse-trappes pour le spectateur qui n'a plus qu'à se laisser aller. Nombre de scènes sont anthologiques, avec des plans séquences filmés caméras à l'épaule qui nous font d'autant mieux entrer dans la tête hallucinée de l'inspecteur.
Il est inutile d'en dire plus ; mieux vaut aller le voir, sans hésitation aucune. Incontestablement la bonne surprise depuis le début de 2010.
9/10
11:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, werner herzog, nicolas cage, eva mendes
07 mars 2010
The Ghost Writer
Un "nègre" (ghost writer, en anglais) à succès est engagé pour terminer les mémoires de l'ancien Premier ministre britannique, Adam Lang. Mais dès le début de cette collaboration, le projet semble périlleux : une ombre plane sur le décès accidentel du précédent rédacteur, ancien bras droit de Lang...
De temps en temps, la revue de presse est unanimement dithyrambique sur un film. The Ghost Writer est de ceux-là. Pourquoi ? Cela peut provenir tout simplement du fait qu'on n'espérait plus grand-chose de Roman Polanski.
Et en effet, son dernier film permet de passer un moment indéniablement divertissant. Ce thriller paranoïaque fonctionne sur un suspense très hitchcockien, avec une facture classique à l'ancienne, y compris dans les éclairages artificiels, les décors, la musique rétro, et les "maladresses" (les photomontages grossiers sur les vieux clichés, les écrans bleus servant souvent aux arrières-plans ; même si on faisait autrement avant le numérique, le principe d'artifice reste le même). Tout ceci donne un charme suranné au film, on peut penser que c'est totalement volontaire de la part de Polanski, mais cela décevra probablement pas mal de cinéphiles.
La photographie n'est quant à elle pas folichonne, et c'est dommage car il y a de bien beaux paysages. La maison moderne mais épurée de l'ancien Premier Ministre britannique, et sa situation au bord de l'Atlantique américain sauvage, auraient pu devenir un personnage à part entière du film, comme la maison des Madison dans Lost Highway.
Le film est sans doute encensé exagérément par la critique, mais il faut reconnaître qu'il y a là un savoir-faire certain. Un savoir-faire à l'ancienne, finalement préférable aux âneries hollywoodiennes.
7/10
16:11 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, roman polanski, ewan mcgregor, pierce brosnan, kim cattrall
28 février 2010
A Single Man
Los Angeles, 1962. Depuis qu'il a perdu son compagnon Jim dans un accident, George Falconer, professeur d'université, se sent incapable d'envisager l'avenir. Solitaire malgré le soutien de son amie la belle Charley, elle-même confrontée à ses propres interrogations sur son futur, George ne peut imaginer qu'une série d'évènements vont l'amener à décider qu'il y a peut-être une vie après Jim.
Connu d'abord comme designer pour Gucci, Tom Ford est devenu l'un des grands noms de la mode avant de réaliser ce premier long métrage à 47 ans. Il n'a néanmoins guère choisi la facilité avec cette adaptation du livre Un Homme au singulier de Christopher Isherwood. Colin Firth fait ici une démonstration inattendue de son talent de composition (justifiée coupe Volpi de l'interprétation masculine à la Mostra de Venise en 2009) en incarnant ce professeur d'anglais émérite, que tout le monde admire, mais qui vit un enfer intérieur à cause de son homosexualité qu'il ne peut révéler. Le film aborde donc sans détour ce sujet de société, et en profite pour croquer occasionnellement, avec la férocité d'un Sam Mendes, la bien-pensante Amérique des années 60, reconstituée ici de façon fantasmée.
A Single Man n'a cependant rien d'un manifeste gay (même si on n'avait jamais vu un film triste aussi gay - copyright un grand rédacteur en chef adjoint d'un magazine à garder ici anonyme). Tom Ford déroule un programme expérimental, entre réalité et fantasme, sur une unité de temps rarement utilisée au cinéma (une journée). Il évite le piège du mélo grâce à la subtilité et l'élégance extrêmement classe de la réalisation (on a souvent évoqué Wong Kar-Wai, c'est dire). Il commet quand même une ou deux fautes de goût (par exemple, le jeune homo Carlos venant aborder George sous un soleil californien presque artificiel ; le tout semblant sorti tout droit d'une pub Levis). Mais rien de rédhibitoire ; Tom Ford impressionne avec ce premier film à l'ambiance mortiphère mais ô combien profond et esthétique.
8/10
11:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, tom ford, colin firth, julianne moore, nicholas hoult
14 février 2010
Valhalla Rising (avant-première)
Pour une présentation rapide de Nicolas Winding Refn, se référer à la note sur Bronson, son film précédent.
La soirée s'annonçait sous les meilleures auspices : avant-première à l'UGC des Halles en présence de Nicolas Winding Refn et Mads Mikkelsen. Le nouveau long-métrage d'un des cinéastes les plus iconoclastes, de retour avec l'acteur fétiche qu'il a fortement contribué à révéler avec Pusher. Une toile de fond très peu répandue au cinéma (les vikings), et une bande-annonce magistrale, loin des actioners américains.
Comme l'écrit DVDRama, "passé les premières minutes spectaculaires (explosion de crâne à mains nues, éviscération et décapitation), le reste du film n’est ni plus ni moins qu’une errance élégiaque, une lente agonie sur un drakkar avant la perte dans une nature hostile, gouvernée par une doublure invisible du monde, parcourue par une musique lointaine, nourrie de fulgurances hallucinées". Nicolas Winding Refn avait pourtant averti la salle en préambule : son film est un trip. Bronson en relevait déjà parfois, mais Valhalla Rising pousse le bouchon beaucoup loin, vraisemblablement trop loin.
Car si Refn est doué, il sabote sans le vouloir le résultat de Valhalla Rising en se rapprochant trop souvent d'un trip contemplatif à la Terrence Malick, comme il a saboté en partie Bronson en se flirtant d'un peu trop près avec Orange Mécanique. Dans ma note sur Bronson, j'avais eu la prudence de relever que Refn n'était pas (encore) Kubrick ; ce n'est pas un scoop, il n'est pas (encore) non plus Malick.
Et pourtant, les paysages somptueux des Highlands (Glen Affric pour les connaisseurs), véritables personnages à part entière (comme la Nature l'est chez Malick), offrent une toile de fond totalement propice à l'intériorité et l'âpreté des scènes en générales muettes, uniquement portées par une musique originale souvent étrange. A force de couper le spectateur de tout repère et de toute réponse tout en attisant sa curiosité (déloyal !), Refn délivre une expérience à la fois oppressante et nihiliste, indéniablement très prenante au début (ambiance Thorgal cauchemardesque), mais qui prend peu à peu des allures de purgatoire - pour les personnages, mais également pour les spectateurs.
Valhalla Rising est donc extrêmement frustrant. Le film avait absolument tout pour être le grand chef-d'œuvre de Refn : une originalité extrême, un Mads Mikkelsen muet au visage mutilé (effrayant mais terriblement charismatique), des décors naturels époustouflants, un montage chapitré aux ellipses totalement maîtrisées, une maîtrise de la mise en scène toujours aussi déconcertante, etc. Et pourtant, le cinéma, à l'instar d'une recette de chef, n'est pas juste une association d'ingrédients haut de gamme. C'est nécessaire, mais pas suffisant. Ici, on ne sait pas ce que Refn a voulu vraiment dire. Il a en tout cas oublié l'essentiel de son art : véhiculer des émotions. Avec Valhalla Rising, on a seulement des bribes de sensation.
6/10
22:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, nicolas winding refn, mads mikkelsen, maarten steven, jamie sives
12 février 2010
Mother
Un adolescent un peu attardé se retrouve accusé d'un meurtre particulièrement horrible. Sa mère se met en tête de trouver le vrai coupable afin de lui éviter la prison.
Après deux longs-métrages plaçant la barre très haut (Memories of Murder et The Host), toute nouvelle production de Bong Joon-ho attire une très vive curiosité. Le Coréen revient avec un film hybride de très haute tenue (encore une fois), avec une trame en trompe l'œil sur fond de thriller, mais explorant cette fois une cellule familiale hyper réduite (même si la critique sociale chère à l'auteur reste présente par esquisses). Les ruptures de ton sont légion, le tragi-comique aussi, et Bong Joon-ho signe une nouvelle fois une œuvre totalement maîtrisée de bout en bout (sidérantes scènes d'intro et d'outro), fourmillant d'idées jubilatoires de mise en scène. Franchement impressionnant, et rassurant : le Coréen ne semble pas prêt de tarir d'inspiration. Vivement la suite.
9/10
22:32 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, bong joon-ho, won bin, kim hye-ja, jin ku