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14 février 2010

Valhalla Rising (avant-première)



Pour une présentation rapide de Nicolas Winding Refn, se référer à la note sur Bronson, son film précédent.

La soirée s'annonçait sous les meilleures auspices : avant-première à l'UGC des Halles en présence de Nicolas Winding Refn et Mads Mikkelsen. Le nouveau long-métrage d'un des cinéastes les plus iconoclastes, de retour avec l'acteur fétiche qu'il a fortement contribué à révéler avec Pusher. Une toile de fond très peu répandue au cinéma (les vikings), et une bande-annonce magistrale, loin des actioners américains.

Comme l'écrit DVDRama, "passé les premières minutes spectaculaires (explosion de crâne à mains nues, éviscération et décapitation), le reste du film n’est ni plus ni moins qu’une errance élégiaque, une lente agonie sur un drakkar avant la perte dans une nature hostile, gouvernée par une doublure invisible du monde, parcourue par une musique lointaine, nourrie de fulgurances hallucinées". Nicolas Winding Refn avait pourtant averti la salle en préambule : son film est un trip. Bronson en relevait déjà parfois, mais Valhalla Rising pousse le bouchon beaucoup loin, vraisemblablement trop loin.

Car si Refn est doué, il sabote sans le vouloir le résultat de Valhalla Rising en se rapprochant trop souvent d'un trip contemplatif à la Terrence Malick, comme il a saboté en partie Bronson en se flirtant d'un peu trop près avec Orange Mécanique. Dans ma note sur Bronson, j'avais eu la prudence de relever que Refn n'était pas (encore) Kubrick ; ce n'est pas un scoop, il n'est pas (encore) non plus Malick.

Et pourtant, les paysages somptueux des Highlands (Glen Affric pour les connaisseurs), véritables personnages à part entière (comme la Nature l'est chez Malick), offrent une toile de fond totalement propice à l'intériorité et l'âpreté des scènes en générales muettes, uniquement portées par une musique originale souvent étrange. A force de couper le spectateur de tout repère et de toute réponse tout en attisant sa curiosité (déloyal !), Refn délivre une expérience à la fois oppressante et nihiliste, indéniablement très prenante au début (ambiance Thorgal cauchemardesque), mais qui prend peu à peu des allures de purgatoire - pour les personnages, mais également pour les spectateurs.

Valhalla Rising est donc extrêmement frustrant. Le film avait absolument tout pour être le grand chef-d'œuvre de Refn : une originalité extrême, un Mads Mikkelsen muet au visage mutilé (effrayant mais terriblement charismatique), des décors naturels époustouflants, un montage chapitré aux ellipses totalement maîtrisées, une maîtrise de la mise en scène toujours aussi déconcertante, etc. Et pourtant, le cinéma, à l'instar d'une recette de chef, n'est pas juste une association d'ingrédients haut de gamme. C'est nécessaire, mais pas suffisant. Ici, on ne sait pas ce que Refn a voulu vraiment dire. Il a en tout cas oublié l'essentiel de son art : véhiculer des émotions. Avec Valhalla Rising, on a seulement des bribes de sensation.

6/10