28 novembre 2006
Casino Royale
James Bond est mort, vive James Bond... la franchise était à ce point moribonde que des changements drastiques s'imposaient. Personnellement, je me suis déplacé uniquement parce que c'est Daniel Craig qui incarne 007, et ce changement d'acteur est à la fois salutaire et révélateur : Casino Royale est bien à l'image de son acteur principal, mélange de virilité, brutalité, et introspection.
James Bond version 2006 ne fonctionne plus à l'épate (exit les les pures potiches faire-valoir, exit les gadgets, ouf !), mais se rapproche de près du mythe du héros des années 2000, tel que modelé par les séries TV américaines (Jack Bauer en tête). James Bond est désormais un gros dur, violent, mais capable de sentiments, de doutes, et finalement, faillible (même dans l'action). On y perd en identité (la rupture avec la vision classique de 007 étant définitivement consommée), mais on y gagne en crédibilité.
Casino Royale ne serait néanmoins qu'une grosse machinerie hollywoodienne de plus si le scénario n'avait pas été un peu plus travaillé que la moyenne. Quoi de plus normal après tout lorsque celui-ci est co-signé Paul Haggis, dont la cote a explosé depuis Million Dollar Baby ? En dehors de scènes d'actions vraiment impressionnantes (qui viennent sans problème concurrencer celles de MI:3 de J.J. Abrams), le scénario a la bonne idée de proposer des scènes nettement plus tendues psychologiquement (la partie de poker est un régal, tout en évitant les clichés habituels liés aux environnements de casinos), sans oublier l'humour, qui a heureusement su rester typiquement british (on est heureusement loin des punchlines à la Die Hard !).
Il n'y a pas de bon films de James Bond sans un bon méchant... or le casting a été chercher le Danois Mads Mikkelsen pour incarner Le Chiffre, ce qui est une satisfaction personnelle, l'ayant vraiment apprécié dans les films de son compatriote Anders Thomas Jensen (Les Bouchers Verts, Adam's Apples). Cette "sortie" hollywoodienne est largement méritée.
Avec un tel scénario et de tels acteurs, le réalisateur Martin Campbell, bon faiseur hollywoodien (de Goldeneye aux derniers Zorro), n'avait plus qu'à dérouler. Rien à redire, le résultat en est un divertissement inoffensif de luxe, ce que les films de James Bond auraient toujours dû être. On peut tout de même regretter les véritables "pubs" infligées de manière honteuse pour divers produits, des voitures aux montres en passant par les ordinateurs... Un peu plus de discrétion serait la bienvenue.
8/10
11:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma
26 novembre 2006
The Host
Le Coréen Bong Joon-ho nous avait totalement épaté avec Memories Of Murder, deuxième film d'une qualité stupéfiante : un polar tragique et burlesque, au suspense haletant, dont les codes relatifs au film sur un serial killer étaient détournés avec une aisance et une réussite déconcertantes.
Bong confirme avec The Host, autre film de genre (fantastique cette fois), qu'il possède une virtuosité comparable à celle de son compatriote Park Chan-wook, mais avec un discours beaucoup moins creux. Comme dans son film précédent, non seulement Bong ne se laisse pas enfermer dans les clichés du film de genre, mais encore une fois il les détourne, et les ouvre vers d'autres frontières, notamment la satire sociale et la charge politique. Bong se moque ouvertement des USA dans le scénario, mais il le fait également dans sa mise en scène en réglant son compte aux conventions hollywoodiennes.
L'intelligence (et l'humour tragi-comique) du scénario n'a donc d'égale que la richesse de la mise en scène (extraordinaires premières 20 minutes, à montrer dans les écoles !). Le "monstre" (une bestiole mutante créée par des rejets toxiques de la part de l'homme) n'intéresse pas vraiment Bong ; c'est plutôt les causes et conséquences de son existence et des problèmes qu'elle pose qu'il cherche avant tout à explorer. Le spectateur lambda pourra se repaître du spectacle tandis que les cinéphiles avides de niveaux de lecture trouveront beaucoup, beaucoup de subtilités et de paradoxes à se mettre sous la dent.
Le seul minuscule bémol que j'apporterais à ce deuxième film est peut-être un certain manque d'émotion, certainement dû aux thématiques abordées ; la teneur dramatique portée par The Host est bien moins forte que Memories Of Murder.
J'ai néanmoins très hâte de voir où Bong Joon-ho va continuer à nous emmener. Son troisième film déclenche tous les fantasmes, puisqu'il s'agira en principe de l'adaptation d'une BD française d'anticipation sur fond de critique sociale (La Transperceneige), produite par Park Chan-wook (!). Vivement 2008...
9/10
19:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma
19 novembre 2006
Babel
Le talent du duo mexicain formé par Alejandro González Iñárritu (réalisateur) et Guillermo Arriaga (scénariste) n'est plus à démontrer. Amores Perros (Amours Chiennes) et 21 Grams sont deux films majeurs des années 2000, exemples époustouflants du mariage inespéré de deux virtuosités (formelle et narrative) qui ne s'éclipsent jamais au profit de l'une ou de l'autre.
Babel conclut (?) ainsi un cycle où le point commun est un accident va relier des gens qui n'ont aucune raison de l'être. Chacun des films d'Iñárritu dessine un effroyable puzzle de destins broyés, doublé d'une méditation sur le hasard et de sa noire ironie sur le cours de nos vies. Alors que Amores Perros et 21 Grams avait chacun leur propre unité de lieu, Iñárritu et Arriaga ont voulu s'attaquer à plus universel, en multipliant cette fois les pays où se déroule l'action, avec pas moins de trois continents pour trois histoires parallèles. Le but : montrer cette fois le paradoxe de l'universalité de la douleur et des gouffres d'incompréhension entre civilisations de cultures différentes.
Le duo a donc voulu montrer d'un cran la difficulté de l'exercice. Iñárritu a reçu cette année pour Babel la Palme de la mise scène à Cannes, et c'est parfaitement justifié, tant sa virtuosité reste éblouissante. Iñárritu n'a pas son pareil pour cadrer et capter les paysages, les acteurs, avec une ferveur et une audace folles, le tout magnifié par un montage extrêmement précis et habile. Par contre, cette fois, c'est le scénario qui ne réussit pas totalement à atteindre l'objectif fixé. Trop ambitieux ? Pour la première fois, Arriaga ne parvient pas à donner une véritable symbiose aux trames parallèles. Certes, elles sont reliées par des arcs, mais parfois trop ténus, et tout au long de Babel on a trop l'impression de voir trois films en un ; de surcroît, la partie se déroulant au Japon, malgré une idée géniale d'utiliser des acteurs sourds et muets, n'est pas au niveau des deux autres se déroulant au Maroc et aux Etats-Unis (et Mexique). Il manque clairement la constante intensité émotionnelle à laquelle Arriaga nous avait habitués, y compris avec son scénario pour le film de Tommy Lee Jones, Trois Enterrements (Palme du meilleur scénario à Cannes en 2005...).
Babel propose quand même un grand nombre de moments magiques, que ce soit dans l'action ou dans la contemplation, mais il faut bien avouer que Babel est inégal tout au long de ses 2h20. Une telle oeuvre reste tout de même très au-dessus de la masse des films sortis cette année, mais pour du Iñárritu, je ne peux pas m'empêcher d'être un peu déçu de voir que le maître n'a pas réussi un troisième chef d'oeuvre. J'espère qu'il passera à d'autres défis que le film choral, et il pourrait être intéressant de le voir aussi travailler avec un autre scénariste. Ma confiance n'est néanmoins pas entamée : je suis toujours persuadé qu'Iñárritu sera, à l'heure du bilan d'ici quelques dizaines d'années, un des plus grands réalisateurs que la Terre ait portée.
8/10
22:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma
09 juillet 2006
Echo Park, L.A.
La quinceañera (titre original du film) est la fête qui célèbre le passage de l'enfance à l'âge adulte lors du quinzième anniversaire d'une jeune fille, celle-ci devenant ainsi aux yeux de sa famille une femme. C'est une étape importante dans la vie des membres de la communauté latino-américaine vivant à Echo Park, un quartier de Los Angeles.
Scandale : Magdalena, 14 ans, peu de temps avant sa quinceañera, tombe enceinte, provoquant la fureur de son père, homme de religion très à cheval sur les principes. Elle est exclue de la maison, et trouve refuge auprès de son arrière-grand-oncle, chez qui son cousin Carlos a déjà récemment emménagé, chassé lui aussi de sa maison pour avoir déshonoré sa famille en raison de moeurs dont on ne dévoilera pas ici la nature.
Ces quelques mois de vie commune entre la jeune fille, le jeune homme et le vieil homme (qui sert de "médiateur" et de conseiller spirituel dans ces problèmes familiaux) vont marquer un tournant dans la vie de chacun, tout comme dans le quartier d'Echo Park, lui aussi en profonde mutation (les Latinos sont peu à peu chassés par l'augmentation des loyers, que seuls les riches Blancs peuvent se payer).
Les réalisateurs, Richard Glatzer et Wash Westmoreland, vivent depuis 5 ans à Echo Park, et ont donc une connaissance très fine des moeurs qui y règnent. Ils ont eu recours à plusieurs acteurs non-professionnels, et l'interprétation est globalement excellentissime, tout en évitant de tomber dans le documentaire. Le film reste bien un drame, peut-être néanmoins trop modeste ou trop gentil, et n'évite pas les clichés : les pauvres sont honnêtes, les riches sont des salauds.
Echo Park, L.A, a obtenu le Grand Prix du Jury et le Prix du Public au dernier festival de Sundance, et c'est sans doute un des films à voir cet été.
7/10
12:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma
03 juillet 2006
Changement d'adresse
Il y a des films dont on n'attend rien de spécial et qui s'avèrent être de formidables surprises. C'est encore plus étonnant en période de disette estivale, or Changement d'adresse est sans doute un des meilleurs plans de cet été. Le troisième film d'Emmanuel Mouret a déjà créé son buzz à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes cette année, et il serait injuste qu'il passe inaperçu.
Changement d'adresse a pourtant contre lui son affiche (laide), son nom (pas très inspiré), et la présence de Dany Brillant, qui peut en faire sourire plus d'un. Qu'on se rassure, le chanteur y apparaît peu et joue correctement. Par contre, Emmanuel Mouret, le réalisateur, tient le rôle principal de manière très convaincante, tandis que Frédérique Bel, l'inénarrable interprète de la Minute Blonde sur Canal+, tient ici son premier rôle important au cinéma et c'est peu que d'écrire qu'elle totalement renversante. Il faut la voir pour comprendre.
Changement d'adresse est un chassé-croisé amoureux entre personnes maladroites, mais à mille lieues des clichés traditionnellement servis par notre production française. Ici, le budget est très faible, mais Mouret compense en soignant deux axes : l'écriture (dialogues ciselés et scénario innovateur) et la direction d'acteurs (casting parfait ; performances époustouflantes). Le tour de force est assez inattendu.
En effet, le film est à la fois burlesque, poétique, décalé, tendre, drôle, mélancolique, absurde, délicat, léger... On pense même à du Woody Allen, tellement le personnage interprété par Emmanuel Mouret est maladroit et candide. Il y a néanmoins un charme et une identité bien affirmés, et Emmanuel Mouret est logiquement un auteur à suivre de près. En tout cas, ceux qui cherchent un peu de fraîcheur sous une canicule de blockbusters savent ce qu'il leur reste à faire ! L'humour particulier du film et le jeu parfois volontairement un peu théâtral en décontenancera plus d'un, mais au moins vous verrez quelque chose de foncièrement original.
9/10
19:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma