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15 octobre 2006

Un Crime



Manuel Pradal avait réussi à réunir pour son film précédent (Ginostra, 2003) Harvey Keitel, Andie MacDowell et Harry Dean Stanton ! Peu de réalisateurs français peuvent se vanter d'avoir travaillé avec une telle brochette d'acteurs émérites (je suis d'ailleurs preneur de commentaires/avis sur Ginanostra que j'aimerais fortement pouvoir découvrir).

Pradal, pour son troisième long-métrage, a réussi non seulement à tourner à nouveau avec Harvey Keitel, mais aussi à le confronter cette fois à Emmanuelle Béart, avec pour décor naturel la ville de New York. Béart incarne Alice, une femme un peu paumée, amoureuse de son voisin de palier (Vincent, incarné par Norman Reedus), et persuadée qu'elle le rendrait heureux si elle pouvait retrouver le meurtrier de sa femme. Alors elle décide de fabriquer un coupable (le chauffeur de taxi joué par Harvey Keitel), pour que Vincent se venge, tourne la page et se tourne en même temps vers elle.

Le pitch est bon, et la première heure du film est extrêmement bien ficelée : les acteurs sont habités par leur rôle, le film dégage un parfum hallucinant de liberté, de perversité et d'ambiance très 70's, bref c'est assez fascinant et on est plongés dans une ambiance très poisseuse d'un vrai film noir à femme fatale. Le souci, c'est que le scénario, finalement, ne tient pas la distance, et s'avère décevant, tournant brutalement à vide faute de rebondissement crédible. On attendait mieux de la part de Tonino Benacquista, scénariste attitré de Jacques Audiart (oui, le fils de, celui qui a tout raflé aux Césars 2006 avec l'estimable De battre mon coeur s'est arrêté). Quant à Pradal, on peut se demander si une des ses obsessions n'était pas de travailler avec Béart pour la filmer à poil ; le nombre de scènes où elle se déshabille est légèrement supérieur à ce que l'histoire et le rythme réclament.

Un Crime se laisse néanmoins regarder avec plaisir grâce à l'immersion extrêmement réussie dans New York, que Pradal filme bien loin des traditionnelles cartes postales. Que ce soit les appartements, hôtels, quartiers, tout est tourné en décors naturels crasseux et glauques à souhait. Le bruit obsédant de la ville n'est absolument pas escamoté et compte pour beaucoup dans l'aspect réaliste de l'environnement décrit. Cerise sur le gâteau, Pradal est un vrai styliste et d'un point de vue technique, le film est très haut de gamme : les plans, le montage, la photographie (su-bli-me!) confèrent au film une beauté visuelle très forte, et m'a souvent fait penser à du David Fincher (et oui, rien que ça !). Pour une fois, l'affiche très stylisée annonçait la couleur...

Il ne manquait pas grand-chose pour que Un Crime soit un coup de maître, mais on ne peut que ressentir un petit sentiment de gâchis quand on pense que Pradal avait tout à sa disposition, sauf une histoire en béton.

7/10

18:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

10 octobre 2006

Le Pressentiment



Le premier long-métrage de Jean-Pierre Darroussin est facile à décrire : il est à l'image de son auteur / interprète. A savoir : fin, délicat, un peu décalé, taciturne, désabusé, et malgré tout attachant. Darroussin, c'est un peu un Jean-Pierre Bacri anémique, un gars qui se sent mal dans sa peau, mais qui l'intériorise.

Ici, Darroussin interprète justement un avocat qui décide de laisser tomber sa vie confortable et bourgeoise (ainsi que sa famille) pour s'installer seul dans un quartier populaire, réfléchir à sa vie et écrire un livre.

Le pitch, adapté d'un roman de chevet de l'acteur, est évidemment très intéressant avec tout ce qu'il suppose : confrontation avec l'incompréhension des proches, décalage du bourgeois immergé dans un monde populaire dont il ignore la misère et la détresse, etc.

Or, Darroussin démonte à peu près tous les clichés auxquels on pouvait s'attendre. Ces thèmes y sont, mais traités de manière fort subtile, sans scènes tape à l'oeil, sans gros bons sentiments.

Le Pressentiment n'est pas un film passionnant ; c'est assez lent, mais il n'en est pas moins touchant, juste et parfaitement maîtrisé dans ses dialogues et aussi, c'est assez étonnant, dans sa mise en scène.

Pour résumer, si vous aimez les nombreux seconds rôles avec lesquels Darroussin a illuminé de nombreux films, vous devriez aimer Le Pressentiment, qui a le mérite de réhausser le niveau des sorties françaises de l'année.

7/10

16:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

09 octobre 2006

Le Parfum : histoire d'un meurtrier



Il est notoire que le romancier Patrick Süskind souhaitait vendre les droits de son best-seller Le Parfum si et seulement si Stanley Kubrick le mettait en scène. Or, le maître Kubrick avait jugé la transposition à l'écran impossible, et il ne fut pas le seul (Martin Scorsese, Ridley Scott, et Tim Burton aussi jetèrent l'éponge). L'écrivain céda finalement en vendant ses droits en 2001 pour la coquette somme de 10 millions d'euros. Pourtant, lui-même ayant été si hésitant pendant si longtemps, et avec autant de réalisateurs prestigieux découragés par l'adaptation du livre, tout ceci était de mauvais augure. Même si de bonnes surprises peuvent évidemment arriver (cf. Le Festin Nu de Cronenberg adapté d'un roman réputé inadaptable), cette fois-ci, le miracle ne semble pas avoir eu lieu.

Je dis "semble" car personnellement je n'ai pas lu le livre, ce qui est un avantage. Je trouve donc le film en lui-même globalement décevant, pour plusieurs raisons.

Le Parfum est le film le plus cher de l'histoire du cinéma allemand, et son réalisateur, Tom Tykwer, est réputé pour son talent technique (plans, figures de style, rythme, couleurs...). Cela se voit à l'écran : le film est gravement chiadé. Mais cette application à tout peaufiner et à user d'effets racoleurs (ha, ces accélérations...) donnent à ce film d'époque un style visuel se situant, pour donner une idée, à un croisement entre du Christophe Gans, du Jean-Pierre Jeunet, avec une touche de Pitof (si si...). Au final, je trouve cela boursouflé, artificiel, écoeurant.

Si la première partie du film, se situant à Paris, reste globalement intéressante (de la naissance jusqu'à l'apprentissage de Jean-Baptiste aux côtés du parfumeur Baldini), la seconde, axée sur les meurtres et la quête du parfum ultime, est non seulement peu crédible (Jean-Baptiste n'est pas inquiétant et acquiert au contraire une dimension quasi-fantastique, donc on ne s'étonne plus de rien), mais également fort laborieuse. La fin, bâclée, est à la limite du ridicule (mais on peut trouver ça "merveilleux"), et ne m'a pas inspiré autre chose qu'un "tout ça pour ça ?".

Heureusement, l'interprète de Jean-Baptiste, Ben Whishaw, est totalement habité par son rôle. Regard magnétique et presque animal, c'est grâce à lui que ces 2h27 ne m'ont pas paru finalement trop longues (même si le film gagnerait à être nettement plus court). Quant au défi de transposer à l'écran un thème central qui tourne autour des odeurs, chacun jugera si la débauche de couleurs utilisées évoque ou non en soi des sensations équivalentes à celle de l'odorat. J'essaierai de lire le roman pour voir si l'imaginaire est plus puissant !

6/10

09:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1)

02 octobre 2006

Hard Candy



Présenté au festival du film de Sitges en 2005, Hard Candy, premier film de David Slade, est reparti avec pas moins de 3 prix (Prix du Public, Prix du Meilleur Film et Meilleur Scénario).

Alors que le film vient de sortir en DVD aux USA, le film a été présenté il y a quelques semaines à Deauville, et sort maintenant enfin chez nous.

Amateurs de huis clos et de scènes difficiles à endurer pour les nerfs, comme savent le faire Takashi Miike ou encore Park Chan Wook (le sang en moins ici), ce film est pour vous.

Le titre du film est une expression anglaise désignant les mineures surfant sur Internet et adeptes du chat. Le scénario s'inspire des jeunes filles au Japon qui entament des relations sur le web avec des hommes plus âgés, en leur donnant rendez-vous, pour les attendre avec plusieurs ami(e)s afin de les agresser.

Ici, l'histoire est simplifiée vu qu'il s'agit d'une seule fille (Ellen Page, vue dans X-Men 3, elle incarnait Kitty Pryde, la mutante passe-muraille), qui traque un type qui cherche les adolescentes sur Internet. Mieux vaut éviter de révéler quoi que ce soit de plus pour ne rien déflorer de l'intrigue. La performance d'Ellen Page, 19 ans, est sidérante. Il fallait beaucoup de courage pour s'attaquer à un rôle aussi difficile psychologiquement.

Techniquement, il y a de quoi être scié par la virtuosité des plans, la colorimétrie glaçante, la maîtrise totale du découpage spatial et la mise en scène millimétrée. Alors que cette dernière devrait se servir à elle-même, Slade a hélas recours parfois à des effets léchés surlignant inutilement son message. Et le film est peut-être trop long d'environ dix minutes. En dehors de ces deux "défauts", Hard Candy touche presque à la perfection en matière de huis clos sadique (mais pas gratuit, ce n'est pas Hostel !).

Il vous sera quasiment impossible de ne pas être littéralement scotché au fauteuil (surtout si vous êtes un homme...), et les thèmes de la pédophilie et de la vengeance sont ici abordés sous un jour totalement nouveau. Bref, le film fait en plus réfléchir en sortant de la salle, et ce n'est pas toutes les semaines qu'il nous arrive un long-métrage avec autant de qualité en provenance des USA. A ne pas rater !

8/10

16:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

01 octobre 2006

Indigènes



Difficile de dire du mal de ce film sans être taxé de pauvre imbécile ; alors précisons bien les choses dès le départ. Oui, Indigènes est formidable parce qu'il ose traiter d'un sujet dont la France a honte. Sa mise au point sur les soldats issus de notre ex-empire colonial et le traitement qu'on a leur infligé pendant la guerre, et après jusqu'à aujourd'hui, est salutaire, et le miracle a eu lieu, puisque les pensions des soldats "indigènes" encore vivants seront enfin réajustées au même niveau que celles des métropolitains, comme l'avait pourtant exigé le Conseil d'Etat il y a plusieurs années. Rien que pour ça, Indigènes est bien entendu nécessaire et essentiel.

Dans ce blog, je m'attache néanmoins plus aux objets filmiques en eux-mêmes qu'à leur utilité pédagogique ou civique. Or, d'un point de vue purement cinéphile, Indigènes est par contre à mon avis une oeuvre très moyenne.

Rachid Bouchareb semble écrasé par le poids de son sujet. On ne compte pas le nombre de scènes "gros sabots" qui tour à tour déversent leur plein émotion, d'héroïsme, de bravoure, ou encore de grandes injustices. Les ficelles sont hélas bien grosses, très didactiques, si bien que la plupart des scènes ne prennent pas spécialement aux tripes.

Le film souffre également souvent d'un manque de réalisme. Jamais on ne sent le danger, ni la douleur des soldats, dans les scènes de combat, dont on sent rapidement les limites en terme de mise en scène (des montagnes marocaines aux Vosges). Exception : le bruit des détonations (tirs d'artillerie ou armes de poing), qui semblent aussi soignées que celles d'Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet ; et la scène de combat finale, qui a apparemment été nettement plus découpée et réfléchie.

Le prix d'interprétation masculine à Cannes est sans doute justifié ; et c'est bien sur ses acteurs que le film repose, et qu'il se laisse regarder malgré tout. Reste que le cinéphile aura sans doute du mal à ne pas rester sur sa faim.

5/10

20:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2)