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30 mars 2009

Tokyo Sonata



Tokyo Sonata dresse le portrait d'une famille ordinaire dans le Japon contemporain.
Le père, licencié sans préavis, le cache à sa famille.
Le fils ainé veut s'engager dans l'armée américaine.
Le plus jeune prend des leçons de piano en secret.
Et la mère, impuissante, ne peut que constater qu'une faille invisible est en train de détruire sa famille.


Kiyoshi Kurosawa quitte les ambiances fantastiques et les fantômes évanescents qui ont fait sa renommée à l'international. Tokyo Sonata, prix du jury à Cannes en 2008 dans la sélection Un certain regard, est un home drama, comme le définit lui-même l'auteur. Ce changement est salutaire puisqu'il signe ainsi une œuvre vraiment sublime, d'une très haute tenue, probablement un des sommets de 2009.

"Je me demande vraiment quel genre de génération est celle du XXIe siècle. Pourquoi ce sentiment de confusion ? Pourquoi est-ce si loin de la vision du futur que nous avions au vingtième siècle ? Qui est responsable de la façon dont les choses ont évolué ? C'est difficile de trouver une réponse. Tokyo Sonata est une façon de me forcer à me poser ces questions, et j'espère que ce film marque pour moi un nouveau départ", explique le réalisateur.

La lente désintégration de la famille observée provient avant tout du mensonge qu'entretient savamment chacun de ses membres, dans un but de conservation des apparences, guidée par le poids des valeurs et traditions japonaises. Kurosawa exploite à merveille les situations qu'il a écrites ; c'est un magicien équilibriste, sachant juxtaposer les ruptures de ton entre drame et humour inénarrable, pour mieux tempérer la misère affective des personnages. Kurosawa n'hésite pas du tout non plus à décontenancer le spectateur en injectant des virages surréalistes au sénario, pour notre plus grand bonheur.

La maîtrise de l'ensemble est redoutable ; on cherchera en vain des défauts, que ce soit au niveau de la mise en scène, des acteurs, du cadrage, du montage ou de la photographie, le tout avec une sobriété remarquable. Il n'y a guère que sur la durée où le film aurait peut-être pu faire l'économie d'une dizaine de minutes.

Ultime tour de force, Tokyo Sonata s'achève par un très grand moment de cinéma, porté par le Clair de Lune de Debussy, en version intégrale. En sortant de la salle, on se sent humble.

10/10

29 mars 2009

Une Famille brésilienne



De Walter Salles, je n'ai vu que Carnets de voyage (sur la jeunesse du Che, avec Gael Garcia Bernal), mais c'était tellement magnifique que je suis allé voir Une Famille brésilienne sur son seul nom. Ce dernier n'est néanmoins pas à mettre sur son seul compte, puisqu'il l'a co-écrit et co-réalisé avec Daniel Thomas, avec qui il avait déjà fait duo pour les deux longs-métrages Terre lointaine et Le Premier jour.

Une Famille brésilienne est une comédie dramatique qui dépeint le portrait d'une famille de Sao Paulo qui tente de (sur)vivre dans un Brésil en état d'urgence. C'est une tranche de vie des 5 personnages qui constituent la famille : une mère qui élève seule ses 4 enfants (de pères différents), dont certains sont adultes mais habitent toujours dans la maison familiale, faute de revenus suffisants. Il n'y a pas de misérabilisme dans le film, mais au contraire une belle vitalité et un optimisme intense. Les thèmes de la religion et du football sont abordés et permettent de mieux saisir leur ancrage dans la culture brésilienne.

Sélectionné en compétition officielle du festival de Cannes en 2008, le film est reparti bredouille, mais cela n'est peut-être pas tout à fait injuste (correction : le prix d'interprétation féminine de Cannes 2008 a été décerné à Sandra Corveloni, l'actrice qui incarne la mère de famille du film). Si le film est réellement fin, sensible et aborde des sujets douloureux avec tact et intelligence, il manque un je ne sais quoi d'envergure pour l'élever vers un niveau supérieur. Cela reste néanmoins infiniment préférable aux flots de médiocrités qui sont déversés actuellement avec force sur les écrans des salles obscures.

7/10

23 mars 2009

The Chaser



Qu'il est bon d'aller à la rencontre de films venant de pays étrangers ! Quand on a la chance qu'ils soient distribués... Après les excellents suédois Morse et autrichien Revanche, voici dans un genre totalement différent, le coréen The Chaser. Le point commun entre ces trois films ? Une furieuse envie de sortir des sentiers battus, une vitalité et une virtuosité qui s'expriment de façon très différente mais évidente. Nos films français souvent nombrilistes et les productions hollywoodiennes stéréotypées n'en paraissent que plus honteuses.

On n'avait plus vraiment vu de bonnes surprises en provenance de Corée du Sud depuis un bon moment. C'est donc avec grand étonnement qu'on est obligé de reconnaître que ce premier long-métrage de Na Hong-jin se place directement au même niveau que ceux de Park Chan-wook et Bong Joon-ho, les deux maîtres incontestés du cinéma coréen. Hong-jin a su insuffler à The Chaser la noirceur, le suspense, la virtuosité et l'humour noir qu'on retrouve dans les œuvres de Bong Joon-ho, et la grandiloquence (par moments) de Park Chan-wook.

Projeté en sélection officielle à Cannes en 2008, mais hors compétition (on se demande bien pourquoi), The Chaser semble redéfinir le polar et ses codes autour du serial killer, comme s'il n'y avait jamais eu de film de ce genre auparavant. Le personnage principal (le "héros") est une ordure (un ex-flic devenu proxénète qui se met en tête de trouver qui fait disparaître ses filles), le serial-killer est connu dès le départ, le suspense et le rythme haletant reposent donc sur des ressorts totalement inhabituels. L'ambiance du film tient entièrement dans un espace-temps contraint (une nuit) dans un Seoul pluvieux, boueux et impénétrable. Hong-jin possède un don particulier pour la captation de petits détails, pas forcément signifiants, mais qui apportent une touche savamment mise en valeur par le montage.

S'il y a des scènes particulièrement stressantes, l'ensemble déconcerte par les ruptures de ton souvent orchestrées par un humour ravageur et totalement... coréen. Inimitable. A quoi va bien pouvoir ressembler le remake hollywoodien déjà prévu avec l'inévitable Leonardo DiCaprio ? La réponse ne m'intéresse même pas, en fin de compte, je préfère acheter le DVD et revoir ce petit chef d'œuvre. En espérant que ce n'était pas un one-shot, et qu'un cinéaste est né (une histoire, invérifiable, venant de Cannes, veut que Na Hong-jin n'avait pas encore été diplômé de son école de cinéma quand il a terminé The Chaser).

9/10

21 mars 2009

Revanche



Revanche (titre original, le mot ayant la même signification en allemand et en français) est une variation franchement originale sur les thèmes de la culpabilité, de la rédemption et du pardon. Film autrichien de Götz Spielmann, il était en compétition pour l'Oscar 2009 du meilleur film en langue étrangère, et on comprend cette sélection à la vision de ce huitième long-métrage du cinéaste, qui en a aussi écrit le scénario.

Spielmann n'a donc rien du débutant et sa maîtrise formelle est impressionnante ; elle n'a rien à envier à son fameux compatriote Michael Haneke. Le scénario ne navigue néanmoins pas dans les mêmes eaux, même si Spielmann, à l'instar d'Haneke, s'ingénie à décevoir les dispositions manichéennes du spectateur. C'est bien là le coup de maître de Spielmann : parti sur un pitch simplissime (un employé d'un bordel à Vienne et sa copine prostituée décident de braquer une banque dans un petit village en campagne pour fuir leur triste vie), il n'a cesse de nous emmener vers des situations, des paysages et des personnages qui fascinent par leur complexité.

Malgré la noirceur de son film, le cinéaste ne se reconnaît pas dans un cinéma social et dénonciateur : "Au-delà des conflits et des événements douloureux que je relate, il y a dans mes films une note foncièrement optimiste, la conviction que la vie a du sens et vaut d'être vécue", insiste-t-il. En mettant l'accent sur la quête spirituelle que mènent ses personnages, Spielmann se refuse à faire un film manipulant les spectateurs par les larmes car selon lui, "il n'y a pas d'incompatibilité entre émotions d'une part et réflexions lucides et précision formelle de l'autre". Désireux de ne pas proposer un banal thriller, le réalisateur n'a pas fait reposer Revanche sur le suspense, tenant à se démarquer du genre et plus essentiellement à confronter des personnages ordinaires à des situations tragiques.

Heureusement qu'il y a encore des distributeurs comme MK2 pour permettre de voir de telles œuvres ; Revanche est sorti sur 9 copies en France, ce qui laisse songeur.

8/10

19 mars 2009

Franz Ferdinand, Olympia, 17/03/2009



En moins de 6 ans et en 3 albums, Franz Ferdinand a déjà aligné un nombre impressionnant de tubes, et il est d'ailleurs très difficile de trouver un autre groupe issu du Royaume-Uni à avoir aligné autant de refrains, devenus de gros classiques, en si peu d'années.

Le groupe a su proposer un rock vitaminé, mâtiné de funk et d'énergie punk, avec des influences aussi variées que Talking Heads, The Beatles ou The Kinks. Mieux, il a su évoluer doucement, mais sûrement, au gré de ses 3 albums. Le premier ne comportait aucun temps mort, ce qui pouvait fatiguer. Le deuxième a su ralentir le tempo sur des titres bien choisis, laissant transparaitre une certaine élégance purement britannique. Enfin, le dernier album propose un ralentissement général du tempo, avec un élargissement certain du champ sonore : pour la première fois, il y a des claviers, et du meilleur effet ! "On a essayé de construire le disque selon le modèle d’une nuit de sortie : il y a d’abord une première partie de préparation, une excitation latente, puis le climax de la soirée, et enfin le retour au bercail, avec l’aube naissante et la fatigue", a déclaré le groupe à sa sortie. La présence de claviers (au son délicieusement distordu, style eighties) était indispensable pour accomplir ce but et chauffer à blanc le public sur le dancefloor.

Dancefloor, c'est d'ailleurs ce à quoi la fosse de l'Olympia a ressemblé pendant les 1h20 de concert (un peu court, mais diablement intense et épuisant). On n'était pas loin de l'ambiance de folie du fameux concert historique (gravé pour la postérité en DVD) de Mika en juin 2007.

Il faut reconnaître à Franz Ferdinand une fraîcheur et une énergie indéniables, qui permettent de passer un concert non pas inoubliable, mais extrêmement divertissant. Impossible de ne pas taper du pied, claquer des mains, chanter à tue-tête, et oublier ses soucis. Sur scène, le groupe est un mélange intéressant d'élégance de dandy (difficile de ne pas penser aux Beatles en voyant Nick McCarthy, le guitariste/claviériste), et de décontraction rock, ce qui ne les empêche pas de se déchaîner si besoin (le solo de batterie où tous les musiciens encerclent la batterie et tapent dessus). Le moment fort ? Indéniablement Lucid Dreams, morceau de près de 10 minutes tiré de leur dernier album, qui commence comme du rock psychédélique et qui se termine en orgie électro. Déjà remarquable sur disque, ce titre était évidemment taillé pour la scène ; il suscite euphorie et transe.

Dans la logique de leur intérêt artistique (leurs disques sont illustrés par des pochettes aux motifs géométriques inspirés du Bauhaus et du constructivisme, et le dernier propose un hommage au style du photographe Weegee), le groupe avait choisi des projections vidéo sur écran géant d'un pop art fort agréable.

Difficile, de nos jours, de demander plus, surtout pour 35€ (en fosse) à l'Olympia, pour un groupe de cette envergure. Donc, chapeau bas.

Setlist:

Matinée
Do You Want To?
No You Girls
Walk Away
The Fallen
Twilight Omens
Take Me Out
Turn It On
40′
Bite Hard
Michael
Ulysses

Rappels:
What She Came For
The Outsiders
Lucid Dreams
This Fire