07 août 2007
Ratatouille
Chez Pixar, les prouesses technologiques n'étonnent plus. Leur capacité à repousser les limites de l'animation par ordinateur nous habitue à certaine perfection qui en est presque dangereuse pour le studio : Pixar se retrouve totalement hors de portée, et pour longtemps, de ses homologues. Dreamworks propose en effet des créations plutôt fades en comparaison, qui ne parviennent pas à évoluer, et dont les scénarios pompent allègrement les idées de Pixar (Antz et Shark Tale, par ex.). Dreamworks parvient même à épuiser sa seule vraie trouvaille : Shrek, dont les suites montrent clairement un vil effort mercantile (et désespéré ?). La bande-annonce de Bee Movie, le prochain film d'animation de Dreamworks, projetée juste avant Ratatouille, n'accentue qu'un peu plus le gouffre technologique et artistique qui sépare les deux studios.
Ceci étant dit, Ratatouille est non seulement un nouveau Pixar, gage de prouesses, mais c'est surtout un nouveau film réalisé et scénarisé par Brad Bird, à qui on doit The Incredibles, sans conteste LE divertissement le plus "adulte" proposé par Pixar jusqu'alors. Le gentillet Cars, réalisé par l'ancien directeur artistique de Pixar, John Lasseter (parti diriger la section animation de Walt Disney Pictures), marquait en effet une baisse de régime (pas tout à fait une sortie de route quand même), notamment dans la richesse et l'inventivité du scénario.
Soulagement : Ratatouille, s'il est plus "grand public" que The Incredibles, renoue néanmoins avec la "patte" Brad Bird : action, dynamique, fougue, mais aussi une sensibilité et une poésie rares, jamais écrasées par la puissance de l'ensemble (qualités absentes par ex., des produits agressifs et parfois vulgaires de Dreamworks). Les petits seront divertis par le spectacle, mais les grands ne peuvent qu'être interpellés devant la sincérité des messages (dépassement de soi, des préjugés, aller au bout de ses rêves, etc.), archi-connus mais présentés ici d'une façon originale et tout sauf mièvre. Le rapport homme/animal est ici exploré à fond pour la première fois par Pixar avec une maestria insolente qui n'a pas à rougir de celle du studio Ghibli...
Brad Bird ne semble s'être fixé aucune limite ; que ce soit les idées de réalisation, où les plans impossibles à filmer en réel foisonnent (ce qui confère au film une fraîcheur visuelle très notable) ; les trouvailles de mise en scène (le rat dirigeant l'apprenti cuisinier...) ; les bonnes piques envoyées au monde de la critique gastronomique ; l'idée originale du scénario, complètement improbable (un rat voulant devenir cuistot), mais développée en une aventure trépidante et passionnante ; le score de Michael Giacchino (déjà auteur de celui des Incredibles) se marie à la perfection aux images ; et ce titre original, Ratatouille, imprononçable en anglais et qui ne veut rien dire dans cette langue (il fallait oser vu l'importance du marché US !). Si on veut chipoter, on pourrait déplorer (et ça dépend des goûts) un humour un peu moins présent que d'habitude, et une durée un poil trop longue, mais rien qui ne remet en cause un tel coup de maître.
Il ne faut absolument pas rater le nouveau court-métrage qui précède la projection de Ratatouille. C'est devenu une tradition, chaque nouveau long-métrage de Pixar est accompagné d'un court qui permet à d'autres équipes de se faire les dents. Le petit nouveau, Lifted, est encore une pépite drôle, originale, sous forme de pantomime, comme le court qui précédait Cars : One Man Band, histoire d'une petite fille venue pour lancer une pièce dans une fontaine pour faire un voeu, pièce que deux musiciens de rue préfèreraient voir atterrir dans leur poche et qui se livrent à un duel musical pour faire changer la fillette d'avis. C'est un des court-métrages les plus passionnants que j'ai vu.
Lifted part d'une idée de base tout aussi simple : un jeune extraterrestre passe un examen délicat d'enlèvement d'être humain avec le rayon laser de sa soucoupe volante, et l'examinateur a bien du souci à se faire... Tout l'humour et la virtuosité de Pixar résumés en 5 minutes, et donc sans dialogues. Deux questions : comment font-ils ? Où s'arrêteront-ils ?
9/10
15:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : Cinéma
Commentaires
Tout juste. As-tu toi aussi presque versé ta larme lors du "flashback" ? Un sourire béat sur les lèvres de bout en bout. Que ne donnerais-je pas pour avoir la créativité et le talent de Pixar (bon, ils sont 800, je suis 1 !).
Bémol : Lifted n'est pas projeté dans les UGC Ciné Cité (pas aux Halles en tout cas)... Ou es-tu allé le voir ?
Écrit par : airway | 07 août 2007
Séance programmée cette semaine depuis un moment (vive les vacances), j'attends cette projection avec impatience.
Chronique sympa qui ne révèle quasi rien sur le film, mais connaissant ton niveau d'exigence, cela ne fait que renforcer mon envie de le voir.
Écrit par : Jerome | 07 août 2007
Comme c'est souvent le cas, je suis complètement d'accord avec cette critique de Ratatouille qui atteint un niveau d'excellence et de divertissement rarement vu. J'insisterai sur la qualité du rendu des plats et la nourriture, particulièrement bluffant ainsi que les mimiques et les bouilles irrésistibles.
Les courts métrages sont diffusés dans les MK2, et sans doute également ailleurs.
Malgré tout, je te trouve un peu dur avec les derniers Shrek, je ne trouve pas ça si désespéré quand même...
Écrit par : Archaos | 08 août 2007
100 % d'accord avec cette chronique. ce film est d'une virtuosité hallucinante dans tous les domaines. C'est tellement enchanteur que 3 jours après j'y repense encore, chose qui ne m'était sans doute jamais arrivée avec un dessin animé. Le travail sur les textures est incroyable, on en pleurerait tellement c'est beau. Je trouve aussi que le rat Remy est un des plus charismatiques de toute l'histoire Pixar... a ne rater sous aucun pretexte.
Écrit par : Joss | 08 août 2007
Hello airway ! :-)
J'ai vu Lifted au MK2 Bibliothèque. Apparemment, bien souvent les UGC ne passent pas les courts-métrages de Pixar.
Je les ai toujours vus dans le réseau MK2/Gaumont.
A part ça, je vois que Ratatouille met tout le monde d'accord ! :-)
Écrit par : Seb | 09 août 2007
Salut Seb,
Je suis d'accord avec toi sur Ratatouille (que j'ai vu hier) c'est de très bonne qualité.
L'as tu vu en VO ? Pour ma part , impossible de chopper une VO sur Nantes, ca me dérange moins de regarder de la VF pour les films d'animations , surtout que dans le cas présent il y a des superbes doubleurs : PEF pour Emile, Camille (Dalmais, qui chante aussi la chanson du film) pour Colette et la légende vivante Jean Pierre Marielle pour Gusteau , mais je suppose qu'en VO, ils ont du se faire plaisir avec les accents francais, ca doit valoir le détour...
Bref, vraiment une réussite : actif, émouvant par moments, très joli (même si techniquement, je trouve Cars un poil au dessus)
Un avis un peu plus construit à venir sur mon blog, un de ces quatre.
a noter des caméos vocaux des chefs Guy Savoy et Cyrille Lignac :)
Écrit par : Angrom | 13 août 2007
Je l'ai vu en VO, ce qui est mon choix par défaut même pour les films d'animation. A Paris, pas de souci : pour les films d'animation, en général les séances de l'après-midi sont en VF pour le "grand public" (parents+ enfants) et le soir, les séances sont en VO.
Voir en Rataouille en VO est savoureux car le perfectionnisme de Pixar est allé loin. COmme tu le supposes bien, en VO, la plupart des personnages ont un accent français. Or, je lisais sur AlloCiné que comme cela implique des mouvements de lèvre bien différents de ceux de la langue de Shakespeare, pour les retranscrire efficacement, les artistes de Pixar se sont inspirés de célébrités françaises comme Brigitte Bardot, Serge Gainsbourg ou même Charles de Gaulle !
Écrit par : Seb | 13 août 2007
-1 pour UGC, mais à partir de septembre, je pourrai aller dans les MK2 avec ma carte UGC illimitée. Vivement Wall•E ! http://www.wall-e.com
Angrom : qui Savoy et Lignac doublent-ils ? La VO est un peu poussive parfois (l'accent plus italien que français !), mais c'est assez drôle. Mention spéciale à Brad Garrett (le frère dans "Tout le monde aime Raymond"), pour la voie de Gusteau.
Écrit par : airway | 13 août 2007
@Airway
Wikipedia indique ceci
Guy Savoy ==> Horst
Cyril Lignac ==> Lalo
@seb : a propos de ta remarque sur le perfectionnisme, ca m'a effectivement impressionné. Les voitures sont immatriculées 75 , par exemple, je trouve que c'est pas mal d'être allé respecter ce niveau de détail. Quant aux personnalités, j'ai trouvé que Skinner me rappelait Henry Salvador, pas vous ?
Écrit par : Angrom | 13 août 2007
Skinner me faisait penser à pas mal de monde mais je ne savais dire qui exactement pendant le projection. Salvador, oui, why not !
Brad Bird dit avoir fait (pour Skinner) un croisement entre le personnage de Salieri, le compositeur jaloux de Mozart (dans le classique Amadeus, incarné à l'écran F. Murray Abraham), et l'inspecteur en chef Dreyfus de la série La Panthère Rose. Ca se tient bien !
Écrit par : Seb | 14 août 2007
J'ai enfin pu découvrir ce film hier soir. ( UGC )
Malheureusement, pas la même veine que pour Cars: pas de Lifted avant le film :-(
On plonge donc directement dans la ratatouille ( oui je sais elle est facile ...)
Les premiers plans sur la maison sont assez bluffant , la qualité Pixar est là, et lorsque l'on entre dans celle-ci le soucis du détails m'a vraiment interpellé
Et bien quelle erreur, ce n'est que le début d'une montée en puissance !!
La qualité graphique de ce film est d'un réalisme incroyable (les murs du restaurant, les arbres aux couleurs d'automne .... ) Mais que dire du perfectionnisme de l'équipe ! Tant de détails qui collent parfaitement à PARIS , c'est énorme !!
Je ne sais pas si le public international aura su capter toute la profondeur de cette histoire et surtout toutes les références au monde des "grands chefs".
Brad Bird a je pense exactement exprimé ce qu'était l'esprit de la cuisine francaise dans toutes ses facettes de l'étoilé au bistrot parisien et a bien mis en avant que la question essentielle qu'un cuisto doit se poser est : quel est l'objectif de ma cuisine ? ( la performance, le plaisir ...)
En tous cas si "Tout le monde peut cuisiner", seul Brad Bird sait faire des films d'animation !
Et comme dit seb : comment font-ils ? Où s'arrêteront-ils ?
Écrit par : Arnaud | 14 août 2007
Skinner me fait penser à Jafar, dans Alladin (désolé pour la référence, mais j'adore Alladin made in Disney !).
Écrit par : airway | 14 août 2007
@airway :
je suis plutôt d'accord avec toi concernant les accents plus italien que français surtout pour skinner
Sinon je trouve que parfois Linguini a des airs de Woody Allen...
Écrit par : Arnaud | 14 août 2007
Très bon film... méritera largement un césar du film étranger célébrant la France et ses valeurs culinaires...
A table !
Écrit par : ptilou | 10 septembre 2007
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