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10 juin 2007

Death Proof



Passons sur la traduction peu heureuse de "Boulevard de la Mort", qui fait perdre totalement le jeu de mot futé du titre original, qui avait le mérite d'annoncer la couleur. Death Proof est le 6ème long-métrage de Quentin Tarantino, et c'est un événement en soi. Annoncé comme un film "mineur", presque comme une recréation de luxe pour le cinéaste, il n'en reste pas moins une oeuvre dont tous les signaux annonçaient un film très spécial.

Afin de rendre hommage aux films de séries B qui les ont bercés, Tarantino et son complice Robert Rodriguez ont décidé en effet de tourner Grindhouse, un double-programme identique à ceux diffusés dans le cadre des systèmes d'exploitation Grindhouse (salles qui projetaient des doubles programmes déjantés entrecoupés de bandes annonces). Les deux films nés de cette association empruntent aux genres populaires de cette époque : Planet Terror de Robert Rodriguez est un film de zombie (à voir chez nous en septembre), tandis que Death Proof est un "slasher road movie".

Hélas, le concept du double-programme entrecoupé d'un entracte, parfaitement en phase avec le système d'exploitation US, a été jugé inhabituel pour les pays européens par la production du film et n'a pas passé les frontières américaines. Les frères Weinstein, producteurs du projet, ont décidé que le film serait coupé en deux pour tous les pays non-anglophones, et que chaque partie serait allongée pour un faire un film un peu plus long que les 75mn initiales de chaque partie.

C'est ainsi que Death Proof, en Europe, sort dans une version "longue" de 1h45, soit un quart d'heure en plus par rapport à la version US. Tant mieux (pour cette version plus longue), ou tant pis (de ne pas avoir le projet Grindhouse en salles tel qu'il a été imaginé) ? De toute façon, nous nous rattraperons en DVD, qui proposera sans doute toutes les versions.

Tarantino a déjà saturé tous ses films précédents de clins d'œil à tous les films de genre dont il raffole. L'exercice consistant à tourner lui-même une pure série B ne pouvait donc qu'aboutir à un film complètement fou et excessif. Hélas, ce n'est pas exactement ce qu'est Death Proof. Plaisir coupable parfois jouissif, parfois pénible, Death Proof est une crétinerie drôle, mais vaniteuse car trop sûre de ses effets. C'est donc un objet filmique vraiment unique, destiné uniquement, et vraiment uniquement, à se faire plaisir (pour Tarantino), et tenter de faire plaisir aux nostalgiques de ces bons vieux slashers fauchés.

Néanmoins, Tarantino ne fait pas que parodier et rendre hommage aux séries B qui ont bercé son adolescence ; il se parodie lui-même délibérément, en jouant ainsi avec la patience du spectateur. Les dialogues à propos de sujets populaires, d'apparence futiles, est une des marques de fabrique de Tarantino. Mais l'anecdotique est amusant dans la mesure où il touche le spectateur. Or, dans Death Proof, ces dialogues sont parfois étirés jusqu'à l'absurde, et finissent par être insupportables car ils sombrent dans des sujets de la plus totale médiocrité. On sent ici un vrai manque de recul ou de clairvoyance dans l'écriture, qui trahit probablement un péché de vanité. Le spectateur crève d'envie que l'action reprenne son cours, ce qui agit comme une délivrance très intense quand le slasher reprend son droit. Death Proof ne remplit donc pas totalement, loin s'en faut, le programme annoncé de Grindhouse, ce qui risque de faire des déçus, y compris dans le rang des fans.

Tarantino se moque toutefois d'emblée de ses détracteurs qui lui reprocheront de se contenter parfois de se contenter de faire du Tarantino, comme cette sonnerie de portable estampillée Kill Bill émanant d'un des téléphones des personnages, ou cette séquence où on retrouve les Texas rangers père et fils de Kill Bill 1. Cette crânerie ne masque pas ses pannes d'inspiration, réelles, comme la scène de lap dance qui cherche vainement à recréer l'effet culte de la scène de danse de Pulp Fiction, et qui n'est pas du tout à la hauteur du talent du cinéaste.

Death Proof est donc clairement un point bas dans la filmographie de Tarantino, qui semble avoir pris le melon avec le succès critique et public des deux Kill Bill, œuvre hautement aboutie en comparaison. Même en version originale de 90mn (telle que projetée aux USA dans la cadre du programme Grindhouse avec Planet Terror), Death Proof est un film déséquilibré, inconstant, sauvé toutefois par les éclairs de génie de mise en scène d'un des cinéastes américains les plus fascinants, même dans un semi-échec comme ici. Preuve qu'il y a un os, la bande-originale du film n'est pas aussi surprenante que d'habitude. C'est bon, mais c'est sans surprise.

7/10

09:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, tarantino