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08 mars 2008

Redacted



Premier film tourné en numérique par ce grand cinéaste qu'est Brian De Palma, Redacted constitue un jalon majeur, doublé d'une cassure, dans la filmographie du réalisateur.

Il est difficile d'appréhender la portée de ce film en une seule vision. Non pas à cause de son scénario illustrant une histoire vraie (ce qui se passe avant, pendant et après le viol et le meurtre d'une Irakienne de 14 ans par des soldats américains), mais de part sa raison d'être : raconter ce qui se passe en Irak par les seuls procédés qui disent vrai, provenant des images brutes tournées par les soldats (et postées sur leurs blogs ou sur YouTube), les caméras de surveillance, et les documentaires de journalistes indépendants. Pour des questions de droits et de procès en cours d'instruction (à l'encontre des soldats coupables des véritables viol et meurtre), De Palma a dû inventer des situations et dialogues aussi similaires que possible à ceux des documents qu'il a trouvé peu à peu sur Internet. Une armée d'avocats a d'ailleurs dû valider au mot près chaque mot du scénario pour déterminer quand la ligne jaune était franchie, c'est-à-dire quand les situations imaginées par De Palma étaient trop proches des sources réelles.

Fracture donc dans l'oeuvre de De Palma : pour la première fois de sa carrière, ses images, même fausses (puisque fictionnalisées), disent vrai (car pas mensongères). Le spécialiste de l'illusion et des faux-semblants change radicalement de cap et nous offre donc un double remake : remake de son film Casualties Of War, car l'histoire se répète (sorti en 1989, il s'inspirait aussi de la même histoire réelle, le viol et le meurtre d'une Vietnamienne par des soldats américains lors de la guerre du Vietnam), et remake de documents réels.

On ne retrouve donc évidemment pas dans Redacted l'esthétique maniaque hitchcockienne de la majorité de la filmographie de De Palma. L'intérêt principal de Redacted est dans son puissant pamphlet dont la colère interpelle, car celle-ci se transforme parfois en humour noir, qui seul semble pouvoir rendre compte de la bêtise absolue de cette guerre. Redacted n'est donc absolument pas un film "de plus" sur les atrocités et l'absurdité de la guerre. C'est un film unique, un film de notre époque, dans laquelle le rire (jaune, nerveux, désespéré...) devient l'ultime réaction devant les pantalonnades des dirigeants de ce monde.

Pour conclure, il me paraît opportun de citer un extrait de l'édition de Jean-Michel Frodon dans le n°631 des Cahiers du Cinéma. Le rédacteur en chef rapporte que Redacted a suscité au sein de leur équipe plus de réactions et de débats qu'aucun autre film récent, car "ce n'est pas en tant que "chef-d'oeuvre", au sens d'un accomplissement esthétique supérieur, qu'il a commencé d'occuper une place de premier plan. C'est pour nous parce qu'il concentre et met en jeu exemplairement l'essentiel de nos interrogations sur la nature des images aujourd'hui, comme composantes à part entière de la réalité contemporaine y compris dans sa forme la plus dramatique, la guerre. Redacted est passionnant comme question (politique) bien plus que comme réponse (artistique)"

9/10

22:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, Brian De Palma

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