22 juin 2006
Paris je t'aime
Très grand amateur du réalisateur canadien Vincenzo Natali (Cube, Cypher, Nothing), j'ai découvert le projet Paris je t'aime il y a environ deux ans, en apprenant alors la participation de Natali à ce projet.
Au fil du temps, d'autres noms de cinéastes que j'admire se sont greffés au projet, et pour quelqu'un qui adore le cinéma et Paris (et qui y vit), ce concept d'un court-métrage par arrondissement était très alléchant. Hélas, un désaccord insoluble entre les deux producteurs a conduit à l'évincement de deux segments, obligeant le projet à devenir finalement un assemblage de 18 (et non plus 20) courts-métrages sur des quartiers de Paris, et non plus des arrondissements.
Heureusement, le recentrage vers un découpage plus "carte postale" a été évité malgré tout (les Champs-Elysées n'apparaissent même pas dans le film, ce qui est un soulagement, et les monuments n'ont pas la vedette). De plus, les transitions d'un segment à l'autre sont habiles et évitent totalement la juxtaposition brutale, d'autant plus que les segments trouvent à la fin une convergence.
Même si les segments sont évidemment de qualité variable, il est difficile d'en trouver un de foncièrement raté. Par contre, deux d'entre eux passent à côté du thème imposé (raconter une rencontre amoureuse - pas forcément entre amant et amante ! - mettant en scène Paris) : les segments d'Olivier Assayas (Quartier des Enfants Rouges), et celui de Gérard Depardieu et Frédéric Auburtin (Quartier Latin). Ces deux segments ignorent totalement le quartier où se déroule l'action et auraient donc pu se passer n'importe où. Dommage...
En 5 minutes, difficile de finasser. Les segments les plus séduisants, ou du moins qui marquent immédiatement les esprits, sont donc souvent ceux qui ont misé sur l'audace formelle : Sylvain Chomet (réalisateur des Triplettes de Belleville, dont c'est la première incursion hors de l'animation) et sa vision du quartier de la Tour Eiffel par une histoire drôle, poétique et décalée d'un couple de mimes ; Vincenzo Natali et sa vision du quartier de la Madeleine sous l'angle fantastique, avec une histoire d'amour entre vampires (probablement le segment le plus original quant au type de la rencontre amoureuse !) ; Tom Tykwer (le réalisateur allemand du culte Cours Lola Cours) et sa vision du quartier du Faubourg Saint-Denis avec sa mise en scène en accéléré d'une histoire d'amour poignante entre une actrice américaine (incroyable Natalie Portman) et un jeune aveugle.
La plupart des grands noms ne déçoivent pas. En premier lieu, les frères Coen, avec une saynète dans la station des Tuileries mettant un scène de manière comique (et cruelle !) les déboires d'un touriste étranger (Steve Buscemi, éternel complice des frangins). C'est un des segments qui porte le plus la personnalité de leur créateur, et c'est un tour de force en 5 minutes. Autre réalisateur américain et autre surdoué, Alexander Payne (Sideways) met lui aussi en scène une touriste, ce qui permet évidemment d'offrir une distance de propos propice à l'humour. Pour beaucoup, ce segment sur le 14ème arrondissement (le seul à avoir gardé le nom d'un arrondissement comme prévu par le projet initial) est le plus réussi, et c'est en effet une véritable déclaration d'amour à Paris cette fois, de la part d'une étrangère, avec cet humour un peu mélancolique, mais si fin, qui caractérise Payne.
On pourrait encore parler d'Alfonso Cuarón, d'Isabel Coixet, de Gus Van Sant ou de Wes Craven, qui livrent tous un segment très honnête, mais sans doute en-dessous du talent et de la personnalité qu'on leur connaît. Mais on ne peut pas, pour finir, passer sous silence le très intelligent et émouvant segment du brésilien Walter Salles, qui parvient en 5 minutes à donner dans la veine "sociale" qui est lui si chère. L'acuité de son regard est ici époustouflante : une immigrée sud-américaine (Catalina Sandino Moreno, révélée dans le bouleversant Maria pleine de grâce il y a deux ans) doit abandonner son propre bébé chaque matin pour rejoindre de sa lointaine banlieue le 16ème arrondissement pour y garder l'enfant unique d'un riche couple. D'un seul trait, Salles unit non seulement la banlieue à Paris (le seul à le faire de tout le film), se démarque en parlant d'un amour maternel, et critique implicitement un arrondissement dortoir, riche mais terriblement creux. D'un seul coup, la plupart des autres segments paraissent bien anodins.
Ce projet, évidemment casse-gueule, a réussi à éviter l'écueuil de la carte postale et c'est déjà en soi une immense qualité. A moins de ne pas apprécier à la base les réalisateurs impliqués, il s'agit en outre, à mon avis, d'une chance assez inouïe que de voir une succession de si grands talents, et il est très agréable pour le cinéphile de pouvoir comparer ainsi la conduite de l'exercice de style par ces grands noms, accompagnés la plupart du temps par de grands interprètes.
(pas de note globale, ce qui n'aurait aucun sens ici)
10:30 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Cinéma
Commentaires
Une petite question, connait on le nom de réalisateur au moment de voir les courts ou est ce que le générique est à la fin ?
Je pense aller voir ça cette semaine, sans doute mercredi soir, le mondial de foot me laisse enfin un peu de répit ...
Écrit par : Angrom | 25 juin 2006
Ah, et sinon petite erreur ... on écrit Gus Van Sant ... (oui je sais , je pinaille)
Écrit par : Angrom | 25 juin 2006
Au début de chaque segment, le nom du segment suivi du réalisateur apparaît. Pas de souci poursavoir qui a fait quoi ;-)
Mercredi soir, pas de match en effet ;-)
Écrit par : Sébastien | 25 juin 2006
Oups... c'est corrigé pour le père Gus, merci ! :-)
Écrit par : Sébastien | 25 juin 2006
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