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10 avril 2006

Wassup Rockers



Larry Clark est réputé comme spécialiste de films sur des adolescents américains (souvent skaters !). C'est en tout cas son 4ème long-métrage sur ce thème sur les 5 que comporte sa filmographie. Vu la réussite de Wassup Rockers, je m'en veux profondément de ne pas encore avoir vu les autres de ce cinéaste majeur, à ne pas en douter.

Larry Clark a réuni une troupe d'acteurs (pour la plupart non professionnels), pour incarner à l'écran une bande de Latinos entre 14 et 16 ans (en gros), musiciens de punk rock, skaters passionnés, aux jeans moulants et étriqués. Ils habitent à South Central, Los Angeles, quartier pauvre où ne vivent que des Noirs et des Latinos. Chaque communauté se déteste cordialement, et les Noirs les interpellent par un méprisant "wassup rockers ?" (= what's up rockers ? = alors les rockers ?).

On croirait d'emblée avoir affaire à un film social apte à déclencher des flots de compassion chez les spectateurs, mais heureusement il n'en est rien. Tout d'abord cette bande de potes (dont trois frères, à l'écran comme dans la vie) a beau être issue d'un milieu très pauvre, ils ne fument pas, ne se droguent pas, et ne boivent pas. Ils renâclent certes pour aller à l'école en se levant le matin (comme tous les étudiants, non ?), mais ils y vont, et leur hobby est bien le skateboard (aucun d'entre eux n'est d'ailleurs un as, ce n'est pas un film sur le skateboard !). Bref, le film s'attache à une bande de jeunes sains, et ça, ça change des clichés.

Deuxièmement, on ne voit pas dans ce film d'histoires de gangs ou de criminalité de la banlieue pauvre. Cette bande de Latinos est à la recherche de bons spots pour faire du skateboard, si possible des beaux escaliers et des terrains bien lisses. Leur bonheur se trouve dans Beverly Hills, et ils vont y aller en transports en commun (belle critique voilée au passage de la gageure de se déplacer dans L.A. ainsi). Clark utilise alors le procédé bien connu de lâcher des quidams dans un environnement qui n'est pas le leur pour obtenir de riches situations dramatiques. Les rencontres et les mésaventures de la bande de pauvres Latinos dans le huppé et superficiel Beverly Hills sont certes un peu prévisibles, mais Clark ne cherche sans doute pas à faire passer des messages nouveaux. Ce qu'il cherche, c'est les faire passer à l'écran avec une émotion et une énergie maximum.

Et là, il faut avouer qu'il met en plein dans le mille, grâce à une construction en deux temps : une bonne moitié du film se contente de nous présenter les personnages, leur quotidien et leurs relations entre eux. On est proche du documentaire (cf. la longue scène en plan séquence où le personnage principal, Jonathan, se présente et parle de sa vie ainsi que de ses amis ; on dirait un essai de casting !), et on comprend totalement l'intérêt d'avoir eu recours à des acteurs non professionnels, qui semblent beaucoup improviser (en fait, être eux-mêmes ! Le nom de leurs personnages est leur propre prénom). On se prend à s'attacher à ces jeunes Latinos, qui vivent dans un enfer urbain et qui semblent pourtant miraculeusement encore innocents, voire naïfs. Clark les filme avec une affection, voire une tendresse qui peut déranger (les très gros plans sur les corps), mais toujours avec tact et respect ; on le sent fasciné par cet âge charnière du passage au monde adulte.

Cette longue introduction prend tout son sens lors de la deuxième partie, plus scénarisée, celle où nos Latinos se retrouvent à Beverly Hills, où ils sont soit victimes du racisme, soit victimes de l'appétit sexuel des WASP qui voient en eux des proies faciles et jetables (du moins, pour les deux plus mignons de la bande). Ces instants de cynisme et d'horreur suggérée font mouche principalement parce que Clark les met en scène sans aucune emphase, sans aucun pathos. Le moment clé du film est sans doute la discussion d'un des jeunes de la bande, Kiko, avec une jeune fille blanche qui l'a attiré dans sa chambre. Plutôt que passer à l'acte, ceux-ci vont converser plusieurs minutes. L'abîme qui sépare leurs mondes respectifs est mis en scène ici, en quelques lignes de dialogues à la simplicité désarmante, et avec une spontanéité époustouflante des deux acteurs. Grand moment de cinéma, comme il en est de plus en plus rare.

9/10

15:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma

Commentaires

Alors suite à ton post, quelques commentaires :

- Effectivement la bande de jeune est plus saine que les clichés qu'on a habituellement des jeunes des getthos drogués. Ceci dit, on a quand même une scène où on les voit boire de la (mauvaise) bière, sans toutefois que ca tourne à la beuverie...

- Concernant la longue scène d'intro , on peut lire ceci sur allocine : Ouverture
La scène d'interview qui ouvre le film a été filmée avec l'acteur principal Jonathan un an avant le début des prises de vues, pendant les repérages.

tu pourrais d'ailleurs trouver d'intéressants "secrets de tournage" ici : http://www.allocine.fr/film/anecdote_gen_cfilm=57216.html

Sinon, en gros je suis d'accord avec toi , le film est bourré de qualités, et la scène de discussion entre Kiko et la jeune BCBG en est clairement le point d'orgue

Écrit par : Angrom | 10 avril 2006

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