Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13 mars 2006

Le Soleil



Le Soleil est le dernier film de la trilogie qu'a consacré Aleksandr Sokurov aux derniers jours des grands dictateurs du siècle à la tête de leur pays, avec Hitler dans Moloch en 1999 et Lénine dans Taureau en 2001. Bien que ces deux films aient été présentés à Cannes, ils ne bénéficièrent pas d'une sortie en salles en France.

Le Soleil, consacré cette fois à l'empereur japonais Hirohito, échappe quant à lui à cette infamie et on ne peut que s'en réjouir. Sokurov est un nom bien connu des cinéphiles pour sa liberté artistique totale. C'est aussi probablement le cinéaste russe le plus connu avec Andrei Tarkovski (grâce à qui la carrière de Sokurov put décoller).

Sokurov est un artiste explorateur de nouvelles façons de représenter des images, et son dernier exploit en date remontait en ce sens à 2001, quand un certain 23 décembre, Sokurov mit en boîte en une seule prise (après seulement 3 tentatives) son film L'Arche Russe, tourné en caméra numérique HD (la seule technique qui permettait d'enregistrer 90 minutes sans interruption).

Le numérique, que ce soit en HD ou en DV, est une voie très prometteuse dans laquelle s'engouffrent des réalisateurs avides de nouvelles expérimentations. Sokurov a de nouveau recours à la HD pour Le Soleil, et le travail pictural sur la texture et les couleurs est splendide. Stylistiquement, les teintes gris et vert du bunker où est réfugié l'empereur japonais donnent un cachet visuel stupéfiant. En outre, sa science du cadrage est un exemple à montrer dans toutes les écoles.

Au-delà des aspects techniques, le film est une réussite grâce à la finesse et la retenue du propos. La Japon a perdu la guerre, les deux bombes atomiques ont déjà frappé. Le film est centré sur le personnage de Hirohito qui va devoir prendre deux décisions inédites dans la lignée des empereurs japonais : la capitulation sans condition de son pays et la renonciation à son ascendance divine.

On suit avec fascination le cheminement intellectuel de l'empereur vers ces deux décisions, infamantes. Hirohito est un personnage ici totalement reclus sur lui-même, très silencieux, fragile, pathétique, vivant dans une bulle (le bunker) alors qu'il n'y a plus de bombardements, empêtré dans un protocole impérial extrêmement guindé apparaissant comme totalement dérisoire face à la surface dévastée.

Ce décalage est plus grand encore quand on voit que le seul moment de la journée où Hirohito sort du bunker est consacré à l'étude de la faune marine (sa passion) dans un laboratoire installé en surface. Ceci donne lieu à un des moments les plus spectaculaires du film : une vision onirique où Tokyo est bombardée par des avions remplacés, dans l'imaginaire de l'empereur, par des poissons et autres créatures marines.

Les dialogues sont rares, toute la précision de la mise en scène étant axée sur les gestes, les expressions, les postures, les mimiques. Néanmoins, une des plus grandes scènes est incontestablement le dîner entre le général MacArthur et Hirohito, où leur conversation est un choc culturel extrêmement intense.

Crépusculaire, feutré, touchant, parfois surréaliste, ce récit d'une mutation du dernier des empereurs "divins" japonais est une grande oeuvre de cinéma à tous points de vue. Chapeau bas, Monsieur Sokurov.

9/10

13:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma

Les commentaires sont fermés.